Le chrétien doit-il chercher à faire transposer la loi de Moise dans les gouvernements modernes ?

Question compliquée, très théologique, mais profondément d’actualité : que penser du théonomisme ? Alors que, suite aux récentes élections, de nombreux chrétiens évangéliques ont marqué leur intérêt pour un gouvernement d’inspiration chrétienne, les bons vieux enseignements du professeur Pierre Courthial apparaissent aujourd’hui profondément d’actualité.

D’autre part, comme nous le mentionnons au début de cet épisode, notre entretien avec Florent Varak sur “Le chrétien et la politique” a fait l’objet de vives critiques de la part de Jean-Marc Berthoud. Celui-ci lui reproche notamment de créer une “opposition entre loi et évangile”, un thème bien connu de la pensée théonomiste. [Retrouvez sa critique ici, et les réponses de Florent Varak et de Guillaume Bourin en toute fin de ce présent article.]

LISEZ CET ARTICLE >> Peut-on diviser la loi en trois catégories ?

 

Nous avons donc pris la décision de réaliser un podcast pour clarifier notre position à ce sujet. Nous partons de la définition proposée par Pierre Marcel, le théologien théonomiste le plus respecté en francophonie, et bous concluons qu’il est illusoire de vouloir transposer les commandements civils de l’ancienne alliance dans une société moderne d’inspiration chrétienne.

En voici les raisons :

(1) La loi civile était en vigueur pour une durée très précise : celle de la théocratie d’Israel durant l’occupation des frontières terrestres délimitées dans la loi.
(2) La loi civile n’est pas exhaustive et ne couvre pas toutes les situations possibles.
(3) La loi civile est révélée selon le principe d’accommodation, ce qui implique nécessairement une certaine flexibilité et adaptabilité des commandements.
(4) Cette loi civile fait l’objet de gloses scribales, souvent de nature à expliquer les commandements à un public plus tardif.

 

Nous comprenons que, pour certains, ce podcast peut apparaître plus technique que les précédents. Il nous fallait néanmoins expliquer notre position, que nous jugeons traditionnelle, fasse aux attaques récentes nous qualifiant d’antinomiens.

 

Bonne écoute !

>> Ecoutez les derniers épisodes de “Que dit la Bible ?

 

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>> Réponse de Florent Varak à Jean-Marc Berthoud :  

Chers Frères, 
Merci de m’avoir fait part de ce document que j’ai lu – un peu rapidement, je l’avoue. Ce n’est pas une réponse complète, juste quelques remarques. 
Il est très légitime, M. Berthoud, vous défendiez une position différente. Votre défense est menée avec passion, ce que j’apprécie. Très certainement les valeurs bibliques sont absolues. Ses enfants doivent se les imposer, par l’Esprit saint, et le Seigneur les imposera en son règne, lorsqu’il aura assujetti plus pleinement ses ennemis. Est-ce aux chrétiens de les imposer sur ce monde? 
En pensant à  Luther que vous citez, je me suis demandé si la condamnation à mort des anabaptistes, logique quant à la perspective théocratique des Réformateurs, serait d’actualité de nos jours? 
J’aimerais connaître ce qu’un parlement à majorité chrétienne, imprégné de la pensée représentée par ce document, devrait voter quand aux mediums. Quelle devrait être la loi d’un pays sur cette question? Cette étude de cas me permettrait de mieux comprendre ce que, concrètement, serait la responsabilité de l’église et des chrétiens engagés en politique.
Je pense que l’accusation à l’encontre des « évangéliques » est un peu étroite. Je lis le dernier livre de Keller, presbytérien émérite (Making Sense of God: An Invitation to the Sceptical). Il se montre favorable à la distinction des sphères, notant que toutes les religions qui ont imposé leur cadre moral ont finalement repoussé des adhésions de coeur à leurs croyances. Il est peut être trop « évangélique »… 
La discussion à charge du rapport entre la  Loi et la grâce est dommage. Plus de précision serait utile. La Loi est donnée après cette oeuvre de grâce de la délivrance d’Egypte. Et la Loi nous condamne et nous mène à la grâce. Les motifs sont pluriels dans la Bible, et faire la prédication de la condamnation le prémisse préalable à tout accueil de la grâce se heurte à un obstacle majeur: Jésus en personne ne s’est pas saisi de cette méthode pour la systématiser (cf. Jn 4 par ex.) . En tout cas je récuse que cela conduise à une mentalité antinomienne. Je renvoie à des penseurs bien réformés, comme Chappell (Holiness By Grace par ex.) pour rappeler que la question a plus de nuances, y compris dans le camp protestant classique. 
Je ne sais pas si M. Berthoud a lu le court ouvrage que j’ai rédigé avec Philippe Viguier, mais notre perspective est que l’Eglise est témoin de Christ: par sa prédication (y compris, quand nécessaire, de la Loi), et par son exemple (y compris par des oeuvres bonnes dans la société, et notamment en politique si c’est là l’appel individuel d’un chrétien). Mais militer en politique en tant que chrétien, ce n’est pas imposer les lois cJe n’ai pas perçu qu’il y a avait une représentation suffisante de notre position. Mais peut-être n’avons nous pas été clair? 
Bien fraternellement et cordialement, 
Florent Varak

 

>> Réponse de Guillaume Bourin à Jean-Marc Berthoud : 

Cher M. Berthoud, 

Je ne réponds que maintenant à vos réflexions que j’ai lu avec le plus grand intérêt. Vous soulevez, je crois, d’excellents arguments. Cela mériterait une réponse approfondie, mais je n’ai malheureusement pas le temps nécessaire pour m’y atteler. 

Bien entendu, j’ai mes désaccords avec vous. Sur la liberté de conscience par exemple, je trouve votre approche bien trop systématique : j’estime que vous établissez un cadre d’interprétation théologique que vous appliquez trop rapidement sur les données bibliques. En conséquence, vous rejetez ce concept ou ne lui accordez plus qu’une importance périphérique. Il n’en reste pas moins que les Ecritures accordent un statut particulier au rôle la conscience régénérée, notamment à celle du « faible », et que Paul établit certains principes communautaires pour garder cette liberté de conscience sous contrôle (1 Corinthiens 8-10, Romains 14). La place qu’on lui accorde est cohérente avec les limites de la révélation, en particulier les limites législatives : la casuistique ne couvre pas tout, et nous ne pouvons plus, comme Moïse, recourir à une révélation spéciale dès lors que nous rencontrons des situations sur lesquelles « ce que l’on doit faire n’a pas été déclaré » (Nombres 15:34).   

Je m’interroge tout de même au sujet de ce que vous appelez « loi ». Vous n’êtes pas particulièrement explicite quant aux commandements qu’il s’agirait de promouvoir dans la perspective de l’influence politique que vous appelez de vos voeux. Cet aspect m’intéresse, car je me penche actuellement sur les divergences entre les commandements casuistiques du « Covenant Code » et ceux du “Priestly Code”. Si c’est à la loi civile que vous faites majoritairement référence dans vos réflexions, j’aurais sans doute quelques questions plus précises à vous poser. 
Enfin, je ne peux que m’associer à Florent Varak quant à la teneur de vos attaques envers « les évangéliques ». Est-ce nous que vous visez, ou bien est-ce tous les évangéliques moins vous ? Là encore, davantage de précision aurait été utile, d’autant que la charge a été relevée ici et là suite à la publication de vos réflexions sur les réseaux sociaux. 
J’espère avoir l’occasion d’écrire davantage à ce sujet dans les prochains mois/années. Je ne manquerai pas de vous informer de mes éventuelles publications. 
Bien fraternellement,
Guillaume 

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