Pourquoi faire un parallèle entre pédobaptisme presbytérien et régénération baptismale ?

La semaine dernière, je publiais 10 raisons pour lesquelles je ne suis toujours pas convaincu par la position pédobaptiste. Les deux dernières d’entre elles touchaient à la question de la régénération baptismale et, au vu des réactions, je crains que mes arguments n’aient pas été compris. Je tente donc dans cet article de clarifier mes arguments.

Tout d’abord, je rappelle que je n’accuse pas mes amis presbytériens d’adhérer à la régénération baptismale. Certes , le débat est ouvert concernant Federal Vision, mais j’aurais tout aussi bien pu citer des représentants évangéliques défendant une forme de crédobaptisme combiné à une variante de la régénération baptismale (cf. par ex. Les Églises de Christ).

Voici plutôt ce que j’entends par cet argument : je reproche à mes amis presbytériens une certaine incohérence, notamment dans leur manière de s’approprier les formulations réalistes des Pères de l’Église au sujet du baptême. Je m’explique :

 

 

1- Les Pères de l’Église adhéraient massivement à la régénération baptismale

C’est, bien sûr, le point le plus débattu. Je ne vais pas me lancer dans une évaluation de chaque source qui nous est parvenue, et je renvoie les lecteurs à l’oeuvre monumentale d’Everatt Ferguson, Baptism in the Early Church. Bien que je ne partage pas ses conclusions au sujet de certaines sources, notamment sur le groupe de textes appelés Pères apostoliques (lisez le dernier chapitre de mon livre Je vous purifierai d’une eau pure), les données qu’il rapporte quant aux catéchèses baptismales et aux oeuvres des Pères post-IIIe siècle démontrent assez clairement que la régénération baptismale était LA position dominante, voire exclusive.

LISEZ >> Pourquoi Pierre parle-t-il du « baptême qui vous sauve » (1 Pierre 3.21) ? 

 

 

2- Les pemières traces directes de pédobaptisme apparaissent alors que la régénération baptismale est déjà bien établie

Il n’existe aucune trace directe de baptême de maisonnée avant La tradition apostolique, ouvrage attribué à Hippolyte de Rome (milieu du IIIe siècle). Cette oeuvre appuie sa vison du pédobaptisme sur une doctrine appelée Fides Aliena (“foi étrangère”) et mettant en avant le rôle de “parrains” engageant leur foi à la place du nouveau né baptisé. A l’époque de La Tradition apostolique la tendance majoritaire était de différer le baptême le plus tard possible. Tertullien par exemple, estimait que le baptême purifie les péchés, mais qu’un certain nombre d’entre eux, notamment ceux à caractère sexuel, ne pouvaient être purifiés à nouveau s’ils étaient commis après le baptême (De Baptismo, 18).

Hippolyte —s’il est bien l’auteur de la Tradition— ne semble pas rejeter cette vision purifiante du baptême, mais il est en désaccord avec l’étendue des péchés qui sont pardonnés à cette occasion. À l’inverse de Tertullien, il préconise donc de baptiser le plus tôt possible, sur la base de la foi d’un parent ou de “quelqu’un de la famille”. On notera que de nombreux éléments associés à la régénération baptismale sont déjà là : l’huile de chrismation, un rituel d’exorcisme, etc.

Les premières traces directes de pédobaptisme apparaissent clairement dans un contexte de régénération baptismale. Dans la perspective d’une telle vision du baptême, il est tout à fait raisonnable de penser que le taux élevé de mortalité infantile a rapidement poussé les chrétiens à se poser la question du baptême des nourrissons.

 

 

 

 

 

3- Les théologiens pédobaptistes entendent connecter leur compréhension du baptême à celle des Pères de l’Église

Dans mon précédent article, je mentionnais l’exemple d’une citation de Bavinck, dont la formulation ambigue pouvait laisser penser qu’il adhérait à la régénération baptismale. Il m’a entre temps été reproché d’avoir tronqué cette citation, je la mentionne donc à nouveau dans son contexte :

L’Écriture enseigne clairement que le baptême, compris comme un signe et un sceau, régénère et renouvelle le baptisé, brise le pouvoir du péché originel, et le conduit à marcher en nouveauté de vie, bien qu’il continue à vivre dans la chair…”
(Reformed Dogmatics, vol. IV, p. 520)

 

Bien entendu, cette formulation réaliste de Bavinck doit être lue dans la perspective de sa compréhension réformée du baptême comme un signe et un sceau : Bavinck ne défend pas la régénération baptismale sous quelque forme que ce soit. D’autre part, cette citation n’est pas isolée : vous en trouverez de très semblables chez Calvin, par exemple.

Pourquoi user d’un tel langage ? Tout simplement parce que les théologiens presbytériens estiment que leur compréhension du baptême se situe dans la droite ligne de celle des Pères de l’Église (voire de certains théologiens médiévaux). Même s’il leur arrive de s’en défendre, l’argument de la continuité historique est important dans la logique de nos amis presbytériens. Pourtant, leur compréhension du baptême est très différente de celle des Pères de l’Église ; dans mon précédent article, j’estime même que la position presbytérienne est une innovation du 16ème siècle.

Bien que leurs formulations soient très proches, le baptême dont Bavinck se fait l’avocat n’a rien de commun avec celui défendu par Augustin, que ce soit dans la doctrine ou dans la forme.

LISEZ >> Conversion et baptême du Saint-Esprit : deux expériences différentes ?

 

 

4- Une continuité de pratique mais pas de doctrine ?

Face à ces formulations très ambigues et à mes critiques subséqentes, deux lignes de défense m’ont été opposées :

(1) Le pédobaptisme presbytérien perpétuerait la pratique et non la doctrine des Pères de l’Église
(2) Tous les Pères de l’Église n’adhéraient pas à la régénération baptismale. Certains théologiens de l’époque patristique auraient d’ailleurs défendu une position semblable à l’approche presbytérienne.

 

Cher lecteur, sans abuser de votre temps, voici mon ultime réponse :

(1) Si les presbytériens perpétuent une pratique du IIIème – Vème siècle tout en rejetant la doctrine sur laquelle elle s’appuie, dans ce cas : (i) peut-on réellement parler de continuité et (ii) à quoi bon emprunter un tel langage réaliste ?
(2) Si mes amis presbytériens entendent démontrer que les Pères du IIIème siècle -Vème siècle (et après) ne croyaient pas à la régénération baptismale, alors comme dans le film Taken je leur souhaite “Bon chance!” 😘

 

 

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Guillaume Bourin est co-fondateur du blog Le Bon Combat et directeur des formations #Transmettre. Docteur en théologie (Ph.D., University of Aberdeen, 2021), il est l'auteur du livre Je répandrai sur vous une eau pure : perspectives bibliques sur la régénération baptismale (2018, Éditions Impact Academia) et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs. Guillaume est marié à Elodie et est l'heureux papa de Jules et de Maël