Pourquoi l’apôtre Paul parle-t-il de « travailler » à son salut ?
Voici un passage profondément encourageant offrant une perspective sur le rôle de Dieu dans la sanctification progressive :
Ainsi, mes bien-aimés, vous qui avez toujours été obéissants, soyez-le non seulement en ma présence, mais bien plus maintenant, en mon absence ; avec crainte et tremblement mettez en œuvre votre salut, car c’est Dieu qui produit en votre sein le vouloir et le faire selon son dessein bienveillant.
(Philippiens 2.12-13, NBS)
D’un côté, Dieu est celui qui produit (energon) le vouloir et le faire, mais de l’autre Paul engage les Philippiens à « travailler » à leur salut. Par cette dernière exhortation, il est assez clair que c’est l’obéissance chrétienne que l’apôtre a en vue : dans le contexte de la lettre aux Philippiens, « travailler à son salut » c’est persévérer dans l’obéissance, et vice versa.
La formule étonne, cependant. Pourquoi une telle équivalence ? Pourquoi parler de « travail » si c’est Dieu qui, au final, produit même la volonté d’obéir ? Voici quelques éléments de réponse :
(1) Notons tout d’abord que Paul ne fait pas de distinction radicale entre « avoir la foi » et « obéir ». Au yeux de Paul, les deux procèdent d’un même mouvement. Dans l’exhortation de Phil 1.27-28, « conduisez-vous d’une manière digne de l’Évangile« , foi et obéissance sont mis sur un pied d’égalité : l’une n’est pas envisageable sans l’autre. Autrement dit, la sanctification progressive est le prolongement de la foi en Christ.
(2) Dans tout l’épître, Paul fait référence à cette tension qui existe entre le « déjà » et le « pas encore ». Notez par exemple cette phrase : « j’ai le désir de m’en aller (de mourir) et d’être avec Christ, ce qui est de beaucoup le meilleur ». Paul sait bien qu’il est « déjà » sauvé, mais il attend quelque chose de plus complet, de plus permanent : sa rencontre finale et éternelle avec Christ, qui n’est « pas encore » réalisée. Cette tension entre le « déjà » et le « pas encore » est une constante de la théologie paulienne. Quand Paul parle du salut des Philippiens et quand la Bible parle du notre, c’est toujours sous l’angle de cette attente entre ce que nous sommes déjà et ce que nous ne sommes pas encore.
(3) À mon sens, le propos de ce passage n’est pas sotériologique, mais éthique. Paul ne traite pas ici du débat compatibilisme vs. libertarianisme. Ce texte ne porte pas sur la manière dont les personnes sont sauvées ou persévèrent, mais plutôt sur la manière dont ils vont vivre ce salut gratuit qu’ils ont reçu de Dieu. Le parallèle avec Phil 1.27 gouverne ici encore le passage : « conduisez d’une manière digne de l’Evangile », c’est à dire « vivez d’une manière cohérente avec le salut dont vous avez été l’objet par l’Évangile ».
(4) Nous devons garder en tête le contexte communautaire du passage. Dans la lettre au Philippiens, Paul est particulièrement préoccupé par les divisions internes qui minent cette Église qu’il aime tant. Pour lui, « travailler à son salut » porte avant tout sur ces problèmes, de sorte que c’est la communauté, et non simplement l’individu qui est en vue ici. Quoi qu’il en soit, il nous faut, comme le rappelle David Silva, garder en tête que « le salut, dans le Nouveau Testament, est toujours intensément personnel, bien qu’il ne soit jamais un sujet limité à l’individu ».
Voici donc comment je paraphraserais ce passage : « Travaillez dès à présent, collectivement, et continuellement à ce salut déjà acquis qui sera complètement manifestée lors de votre rencontre ultime avec le Christ »
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