La plupart des personnages bibliques sont loin d’être « des héros de la piété »

Je rentre d’une semaine intensive à Lyon lors de laquelle j’ai eu l’occasion d’enregistrer une petite vingtaine de podcasts avec mes amis Florent Varak, Philippe Viguier, et Vincent Rébeillé-Borgella. Lors d’un trajet en voiture, Florent m’a partagé quelques unes des réactions contrastées qu’il a reçues après avoir prêché sur la préparation au harem de la reine Esther. Certains, en effet, semblaient ne pas accepter l’idée qu’Esther ait pu passer par une « formation » incluant une dimension sexuelle.

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Leur raisonnement peut être résumé de la manière suivante : Esther est une héroïne de la foi, louée en Israël pour son courage et son exemple, il est donc impossible qu’elle ait pu passer par un processus aussi dégradant. Selon cette perspective, il en est ainsi de tous les personnages bibliques « positifs » : certains péchés, notamment sexuels, leurs seraient étranger. Et à ce jeu là, le champion toute catégorie n’est autre que l’apôtre Paul, modèle parmi les modèles, plus pieu même que la piété : il est impossible que cet homme ait eu ne serait-ce qu’une seule pensée de convoitise sexuelle passagère…

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Ainsi, bien que nous critiquions parfois vertement nos amis catholiques, certains personnages bibliques sont devenus nos saints « protestants », et nous ne sommes pas loin de les couronner d’une auréole. Pire, il nous arrive parfois d’en faire de même avec certaines grandes figures chrétiennes historiques…

Ce type de raisonnement est fréquent. Je l’ai moi-même longtemps soutenu (et oui…). Cependant, il est bon de noter que les premiers chrétiens n’adoptaient pas du tout cette approche. En relisant l’Épître de Barnabé, une lettre anonyme datée du début du IIème siècle, je suis tombé sur cet extrait (V.9-10) :

« Mais quand il eut choisi ses propres apôtres qui devaient plus tard prêcher son évangile -des hommes coupables des pires péchés afin de montrer qu’il « n’est pas venu appeler des justes, mais des pécheurs »- c’est alors qu’il manifesta qu’il était le Fils de Dieu. S’il n’était pas venu dans la chair, comment les hommes auraient-ils pu le regarder et conserver la vie sauve, alors même que lorsqu’ils tournent leurs regards vers le soleil, qui n’est que l’oeuvre de ses mains et doit un jour cesser d’exister, ils ne peuvent fixer de leurs yeux ses rayons ? »

 

L’auteur de l’Épître de Barnabé n’a manifestement pas une très haute opinion des douze apôtres. Certains objecteront peut-être qu’il s’agit d’un avis fondé sur leur conduite avant leur conversion. Cependant, c’est peu probable, aucune indication textuelle ne va dans ce sens.

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J’ai voulu citer cet exemple patristique, mais relisez simplement l’Ancien Testament, et regardez comme chacune des grandes figures bibliques y est presque toujours présentée à son désavantage. Tournez-vous maintenant vers le Nouveau Testament, et voyez les doutes des apôtres, eux qui avaient suivi Jésus pendant tout son ministère et qui avaient vu tant de miracles prodigieux. Considérez Pierre et son reniement, et voyez comment, après avoir été rétabli, il est tombé dans l’hypocrisie de sorte que Paul dût le reprendre (Gal 2). Voyez Marc, qui a abandonné la première équipe missionnaire, et regardez comment Barnabas et Paul se sont divisés sur cette question (Ac 13). Observez le racisme qui avait court dans l’église de Jérusalem (Ac 6) et la division qui régnait à Corinthe (1 Cor 1-4). Je pourrais citer de nombreux autres exemples…

Pensez-vous réellement que la Bible dresse un portrait idyllique des figures bibliques ? Je n’y vois pas, pour ma part, beaucoup de « héros de la piété ». Mais mon Jésus est bel et bien le héros de la grâce, et c’est par la foi en lui les grandes figures bibliques se sont distinguées.

 

Allez, et apprenez ce que signifie: Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices. Car je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs.
(Mt 9.13)

 

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Guillaume Bourin est co-fondateur du blog Le Bon Combat et directeur des formations #Transmettre. Docteur en théologie (Ph.D., University of Aberdeen, 2021), il est l'auteur du livre Je répandrai sur vous une eau pure : perspectives bibliques sur la régénération baptismale (2018, Éditions Impact Academia) et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs. Guillaume est marié à Elodie et est l'heureux papa de Jules et de Maël