Quel est lien entre le retour d’exil d’Israel et l’eschatologie ?

Voici une nouvelle série qui commence sur Le Bon Combat. Elle s’interroge sur les connections qui existent entre le retour d’exil babylonien du peuple d’Israël et l’eschatologie. 

Le peuple d’Israël prend réellement naissance au moment de sa sortie d’Egypte sous la conduite de Moïse. C’est ce qui est appelé l’Exode (Ex 12). Dieu libère son peuple élu de l’esclavage du pharaon afin de le conduire dans le pays qu’il lui avait promis, conformément à l’Alliance qu’il avait initié avec Abraham plusieurs siècles plus tôt (Gn 12.1-3). Grâce à Josué, les hébreux pourront prendre possession du pays et entrer dans le repos : c’est la création de l’état d’Israël.

Il va s’en suivre une longue période sombre sous les Juges, jusqu’au moment où Dieu va accorder au peuple un roi. Le plus grand de ces rois, qui va unir toutes les tribus d’Israël, sera le roi David. Dieu lui fera même la promesse d’une descendance éternelle qui sera assimilée plus tard à la venue du Messie (2S 7). Son Fils Salomon sera aussi un grand roi, mais à sa mort, le Royaume va se diviser en deux (1R 12). Car le peuple d’Israël ne veut pas rester fidèle à l’Alliance de Dieu, il désobéit volontairement à la Loi. Il s’en remet aux pays voisins et devient idolâtre [1]. Le péché est donc à l’origine de l’Exil qui est décrit comme une Nouvelle Chute [2].

C’est alors que Dieu fait surgir les prophètes pour avertir le peuple et l’appeler à la repentance. Cependant, les juifs refusent ce message et persécutent les prophètes. Ils ne veulent pas entendre cet avertissement qui retentit et qui annonce la déportation du peuple, son Exil en terre étrangère comme conséquence de la malédiction de l’Alliance (Lv 26.33 ; Dt 28.64, 30.3-4). Mais c’est pourtant ce qui se passera en deux temps. Le Royaume du Nord sera assiégé et déporté par l’empire Assyrien en -722. C’est ce qu’on appelle parfois la disparition des dix tribus et qui donnera naissance aux Samaritains. Puis ce sera au tour du Royaume du Sud de subir le même sort, cette fois-ci sous les coups de Babylone. Cela se fera en plusieurs étapes, jusqu’à la destruction du Temple de Jérusalem en -586.

Comme l’avait annoncé Jérémie (Jr 29.10), un reste du peuple reviendra d’Exil environ 70 ans plus tard, sous le roi Perse Cyrus en -539. Tout comme dans le désert, une génération avait disparue. Il y aura plusieurs vagues de retour sous la conduite notamment du roi Zorobabel et du grand-prêtre Josué, puis sous Esdras et Néhémie. Le Temple sera reconstruit, la ville de Jérusalem rebâtie et repeuplée. Une réforme religieuse sera mise en place.

Tout cela va influencer la période dite « du Second Temple » (ou parfois « intertestamentaire ») qui sera la toile de fond du contexte du Nouveau Testament et de Jésus. L’espérance messianique sera un trait caractéristique de cette période, comme en témoigne la mise en forme du psautier ou la naissance de la littérature apocalyptique[3]. Les prophètes, qui avaient continué de parler de la part de Dieu en Exil puis au Retour vont maintenant se taire jusqu’à Jean-Baptiste.

Mais même si le Retour d’Exil n’a pas accompli toutes les promesses que le peuple attendait (accomplissement intermédiaire [4]), cet évènement va prendre une place considérable dans l’inconscient collectif. A tel point qu’il va être considéré comme un évènement rédempteur qui va se substituer à l’Exode (Jr 16.14-15) [5]. En effet, ce retour providentiel montre au peuple que Dieu ne l’a pas abandonné, que l’Alliance est toujours actuelle, que Dieu reste fidèle à sa promesse. Le pays est retrouvé, le Temple reconstruit et le service actif des prêtres montre que la gloire de Dieu est revenue habiter au milieu de son peuple. Jérusalem est de nouveau une lumière pour les nations. Le jugement était passé et les bénédictions de nouveau disponibles. Mais le Retour d’Exil va également recouvrir une grande importance théologique car il n’est pas seulement un évènement sotériologique, tout comme l’Exode représentait un paradigme du Salut [6], mais il est également un acte créationnel puisqu’il donne naissance à un nouveau peuple restauré, purifié, et réconcilié au travers du « reste » (Es 1.9). Et comme toute création biblique se fait dans un but précis, le Retour d’Exil possède par conséquent une dimension eschatologique.

L’intensité de cette réalité augmente quand on se rappelle que finalement le Retour historique n’a pas accompli toutes les promesses prophétique s[7]. De nombreux thèmes eschatologiques sont donc liés au Retour d’Exil, comme par exemple : le « reste » et le nouveau peuple de Dieu, les bénédictions et malédictions de l’Alliance dans le cadre du Jugement Dernier, le Nouvel Exode, la Nouvelle Jérusalem et la Nouvelle Création, la glorification individuelle et universelle, la Nouvelle Alliance, le Salut, la restauration, la place du Temple, le pays et le repos, l’intégration des nations, les notions de Fils de l’Homme et du Royaume de Dieu, d’adoption et d’héritage, d’Exil non terminé (diaspora), de la venue (et du Retour) du Messie, de la venue de l’Esprit-Saint, etc. Comme nous le voyons, les thèmes sont nombreux. Nous pourrions de plus regarder le développement du thème de l’Exil qui semble commencer dès le jardin d’Eden (Gn 3.24) en tant qu’archétype de tous les exils que nous retrouverons par la suite, jusqu’à celui actuel de l’Eglise [8].

 

Mais quel est donc le lien entre le discours prophétique déjà annoncé et ces thèmes ? Y a-t-il une  dimension eschatologique aux paroles des prophètes en ce qui concerne le Retour d’Exil ? Dans le but de répondre à cette problématique nous avons fait deux choix. Premièrement, nous nous limiterons aux quatre grands prophètes que sont Esaïe, Jérémie, Ezéchiel, et Daniel (même si les juifs n’intégraient pas Daniel à cette catégorie, il ne fait aucun doute à sa place dans ce corpus aujourd’hui, ce livre étant clairement prophétique). D’une part parce qu’une étude de tous les petits prophètes serait beaucoup trop volumineuse (même si il y aura quelques références à ces écrits dans les articles à suivre), et d’autre part parce qu’ils sont représentatifs à eux quatre du discours prophétique de cette période. De par la taille de leur livre et de l’ampleur des sujets abordés, mais aussi du fait qu’ils enveloppent toute la période de l’Exil. Esaïe ayant prophétisé avant l’Exil, Jérémie après la chute du Royaume du Nord et pendant celle du Royaume du Sud, Ezéchiel en plein Exil puisqu’il était lui-même déporté à Babylone, et Daniel (lui aussi déporté) pendant et après le Retour d’Exil (bien qu’il ait choisit visiblement de ne pas rentrer). De plus, les thèmes étant trop nombreux, nous nous limiterons à la question de la résurrection, notamment corporelle. Ce choix a été fait car il est prouvé qu’il est très peu abordé dans l’Ancien Testament et qu’il ne faisait toujours pas consensus au moment de la rédaction du Nouveau. Il a donc semblé intéressant de retenir ce sujet.

Nous ferons donc dans un premier temps une étude biblique et théologique de trois chapitres de ces prophètes. Jérémie n’en parlant pas directement, nous verrons plus loin de quelle manière il nous relie à ce sujet. Puis nous verrons dans un deuxième temps quelles sont les implications de cela pour l’Eglise, pour les non-croyants, et pour Israël. Nous poursuivrons avec une étude de quelques prolongements néotestamentaire avant de conclure.

 

 

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[1] BEALE Gregory, A New Testament biblical theology, Baker Academic, Grand Rapids, 2011, p 363-365

[2] ALEXANDER Desmond T. & ROSNER Brian S., Dictionnaire de théologie biblique, Exelcis, Charols, 2006, p 583

[3] ALEXANDER Desmond T. & ROSNER Brian S., Dictionnaire de théologie biblique, Exelcis, Charols, 2006, p 584-585

[4] GOLDSWORTHY Graeme, Le Royaume révélé : de l’Ancien Testament à l’Evangile, Exelcis, Charols, 2005, p 119

[5] Ibid., p 88-90

[6] ALEXANDER Desmond T. & ROSNER Brian S., Dictionnaire de théologie biblique, Exelcis, Charols, 2006, p 591

[7] BEALE Gregory, A New Testament biblical theology, Baker Academic, Grand Rapids, 2011, p 173

[8] Ibid., p 173

 

 

 

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Renaud Genevois est pasteur à l’Église Perspectives de Colmar. Avant cela, il a été enseignant dans des écoles chrétiennes durant plusieurs années. Il a étudié à l’Institut Biblique de Genève et à l’Institut Supérieur Protestant à Guebwiller. Il prépare actuellement un master de théologie à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. Renaud est allé plusieurs fois en Afrique enseigner dans un institut biblique et former des enseignants chrétiens. Il écrit régulièrement pour le Bon Combat.