« Dieu ne crée pas de la même manière » : une divergence entre Genèse 1 et 2 ?

Voici le cinquième article d’une série dans laquelle j’évalue les divergences supposées entre Genèse 1 et 2. Pour rappel, voici la liste des incohérences les plus fréquemment avancées (voir ici pour une présentation plus détaillée de chacun de ces arguments) avec les liens renvoyant vers celles qui sont déjà traitées :

  1. Divergence de noms attribués à Dieu.
  2. Divergence entre les récits de la « pré-création ».
  3. Plusieurs divergences chronologiques.
  4. Divergence dans l’action de « nommer ».
  5. Divergence dans le mode de création.
  6. Divergence de portée entre chaque récit.

 

Dans le présent article, je souhaite traiter de la ciquième incohérence supposée :

Divergence dans le mode de création. En Gn 1, ce sont des des paroles divines qui sont à l’origine de la création. En Gn 2, la création implique des des « actes manuels » spécifiques de la part de Yahweh (il « forme » l’homme, « plante » le jardin, « place » l’homme dans le jardin, etc.)

 

 

Des actes qui ne sont pas équivalents

Il faut tout d’abord relever un point important : toutes les actions divines décrites en Genèse 1 ne sont pas strictement créatrices. Il est important de distinguer les séquences de création ex nihilo (à partir de rien) – par exemple celle de l’univers en Gn 1.1 et celle de la lumière en Gn 1.3 – de celles qui relèvent d’une logique organisationnelle – par exemple l’étendue qui distingue les eaux d’en haut de celles d’en bas (Gn 1.6-8, voir ici) ou la séparation entre mer et terre sèche (Gn 1.9-10).

On notera également que tous les actes créateurs ne sont pas équivalents. Par exemple, en Gn 1.24, la création est indirecte : c’est la terre qui doit « produire des animaux vivants ». Tout comme l’homme, les animaux et les reptiles non-marins semblent être tirés du sol, ce qui constitue un point de convergence non négligeable entre les deux récits. De la même manière, c’est la mer qui « produit » les animaux vivants qu’elle contient.

 

 

Une contradiction qui n’en est pas une

En Genèse 1, Dieu parle pour créer, mais cela n’exclut en aucun cas les autres verbes actifs qui lui sont attribués (« faire », « placer », « bénir », « donner »). De même, en Genèse 2, les différents verbes actifs utilisés pour décrire l’action divine (« former », insuffler », « planter », « placer », etc) n’excluent pas que Dieu ait opéré toutes ces choses par sa parole.

Plusieurs actions divine du chapitre 2 font écho à celles du chapitre 1. Par exemple, la « souffle de vie » (nishmah hayyim) que Dieu insuffle en l’homme fait de lui un « être vivant » (nephesh hayah), exactement comme les animaux (cf. notamment Gn 1.30). Autre exemple, le processus de germination ordonné par Dieu en Gn 2.9 se rapproche du récit de leur création en Gn 1.11-12.

Si la narration de Genèse 2 insiste autant pour décrire les actes divins sous des traits humains, c’est sans doute pour souligner la dimension relationnelle qui unit le Dieu créateur à l’humanité faite à son image. Ainsi, lorsque YHWH « plante » (nt’) un jardin (Gn 2.8), c’est pour le confier aux soins d’Adam, qui a alors tout du jardinier en chef. Et lorsqu’il forme la femme (Gn 2.22), c’est pour que l’homme ne demeure pas seul (Gn 2.18).

 

Cette contradiction ne semble donc pas avérée. Les textes de Gn 1.1-2.3 et 2.4-25 semblent se compléter harmonieusement, selon l’arrangement de type « tension-résolution » que j’ai proposé dans un précédent article (voir ici).

 

 

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Guillaume Bourin est co-fondateur du blog Le Bon Combat et directeur des formations #Transmettre. Docteur en théologie (Ph.D., University of Aberdeen, 2021), il est l'auteur du livre Je répandrai sur vous une eau pure : perspectives bibliques sur la régénération baptismale (2018, Éditions Impact Academia) et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs. Guillaume est marié à Elodie et est l'heureux papa de Jules et de Maël