4 questions à Stuart Sheehan sur l’évolution récente de l’hymnologie chrétienne

4 questions à Stuart Sheehan, Président de World Hope Bible Seminary, notre partenaire pour les formations #Transmettre. Stuart est spécialiste de l’histoire de l’hymnologie baptiste, et ses réponses à ce sujet sont particulièrement éclairantes !

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Guillaume Bourin (GB) : Stuart, tu as récemment défendu avec succès une thèse de doctorat en théologie (Université d’Aberdeen), et tes recherches portaient sur…. les hymnes ! Pourquoi ?

Stuart Sheehan (SH) : Je voulais évaluer comment des théologies teintées de synergisme, comme par exemple celle de Charles Finney, avaient façonné la théologie et la pratique des baptistes du sud des États-Unis (devenue plus tard la fameuse Convention des Baptistes du Sud) au 19e siècle. J’avais espéré trouver des indices dans les sermons ; ceux-ci se sont avérés être une source insuffisante, cependant, car peu de pasteurs baptistes écrivaient leurs sermons pendant cette période.

Je me suis tourné vers les hymnes, afin de voir s’ils pouvaient m’aider. Les hymnes sont une pratique quasi universelle du christianisme, et ce depuis l’Église primitive. Pour les Églises qui n’utilisent pas de liturgie fixe, les hymnes sont le principal vecteur de participation de la congrégation. Par conséquent, ils détiennent des informations importantes sur les croyances et les pratiques chrétiennes. J’ai finalement trouvé le type d’indices que je cherchais en analysant plus de 17 000 textes de psautiers et d’hymnes utilisés par les Baptistes du Sud et leurs prédécesseurs du milieu du XVIIe siècle à l’aube du XXIe siècle.

J’ai analysé divers aspects théologiques au cours de cette période, à la recherche de changements. En navigant dans les domaines de la théologie historique, de la liturgie et de l’histoire de l’Église, j’ai pu tirer quelques conclusions sur les types d’évolutions théologiques qui ont affecté ces baptistes, et surtout à quels moments ils l’ont fait. Les résultats sont tout à fait fascinants !

 

 

(GB) :  Quelles sont certaines des observations qui t’ont marquées au cours de tes recherches ?

(SH) : Je n’ai pas trouvé ce que je cherchais… J’ai trouvé autre chose. Le lien avec l’approche synergique de Finney ne figurait nulle part dans les données que j’ai analysé. À vrai dire, ce que j’ai trouvé était bien plus intrigant.

Initialement, les baptistes des États-Unis (en particulier dans le Sud des États-Unis) ont construit le culte communautaire sur les fonctions théologiques de la doxologie et de la communauté. Au XIXe siècle, ils ont ajouté la fonction théologique de l’évangélisation. En dépit des grandes vagues de réveil du XIXe siècle, ce n’est qu’au XXe siècle que la théologie de ces baptistes semble avoir été marquée par le synergisme. Cette influence est directement venue des théologiens Baptistes du Sud (tels E. Y. Mullins et W. T. Conner), qui ont incorporé certains aspects de l’individualisme de Friedrich Schleiermacher et du personnalisme de Borden Parker Bowne.

Dans le même temps, l’axe doxologique du culte communautaire s’est effondré, et la congrégation est devenue le principal objet des rassemblements : l’accent s’est alors déplacé sur le groupe (nous/nos/notre). Par la suite, durant la dernière partie du XXe siècle, le « nous/nos/notre  » du culte communautaire s’est mué en en « je/mon/moi ». Dans la première décennie du XXIe siècle, les rassemblements communautaires des Baptistes du Sud ont cessé d’être des rassemblements « communautaires », ni même de « louange ». Ils sont majoritairement devenus anthropocentriques, Dieu n’y étant plus l’objet central du rassemblement.

 

 

 

(GB) :  Que réponds-tu à ceux qui avancent que les nouveaux hymnes ne sont pas d’aussi bonne qualité que les anciens ?

Quand quelqu’un me dit que les chants de louange modernes ne sont pas aussi bons que les anciens, je leur répond que sais au moins deux choses :

1) Ils n’ont pas vraiment étudié tous les textes des anciens hymnes. Dans les plus de 17 000 textes que j’ai analysés dans le cadre de mes recherches, beaucoup étaient pauvres, tant dans leur structure que dans leur théologie ou même dans leur anthropologie.

2) Ils ne se rendent pas contre que le temps agit comme un filtre, écartant les textes de moins bonne qualité. En fin de compte, seuls les très bons hymnes survivent. Ainsi, chaque période du passé avait son lot de textes médiocres, mais nous ne les voyons pas dans notre répertoire parce que le temps les a éliminés. Ce sera la même chose dans cent ans. Une grande partie de ce que nous chantons aujourd’hui finira dans la poubelle, mais certains joyaux demeureront. Il en a toujours été ainsi, et il en sera toujours ainsi.

 

 

(GB) :  Quel genre de conseils donnerais-tu aux pasteurs et aux responsables d’Eglise qui cherchent à améliorer leur approche de l’hymnologie ?

Je pense, avant tout, que nous devons accorder une plus grande attention à la théologie des temps de louange du culte. Parfois, on demande à ceux qui dirigent la louange de le faire parce qu’ils ont des talents et des capacités adéquats. Nous sommes bien entendu reconnaissants pour de tels responsables consacrés à la louange.

Mais, dans le même temps, les pasteurs devraient former ces responsables, les aider à bien diriger la congrégation. Le culte communautaire devrait être ce que Dieu veut qu’il soit. La doxologie doit être la fonction significative de rassemblement ; nous devons nous assurer que la congrégation s’adresse à Dieu, c’est-à-dire qu’elle dirige la majeure partie de ses chants vers lui. De plus, nous devons nous garder de laisser les rassemblements communautaires devenir de simples regroupements d’individus centrés sur eux-mêmes.

Ainsi, un rassemblement d’adoration de bonne qualité devrait être :

  • Centré sur Dieu, c’est à dire doxologique (« Que tous les peuples l’adorent! » Ps 67.3-5).
  • Profondément communautaire —le peuple de Dieu en tant que communauté (nous/nos/notre), mettant en avant la fidélite de Dieu pour son salut (« Que ceux qui sont rachetés te louent ! » Ps 107).
  • Personnel et poussant à la réflexion, afin que chaque individu puisse dire qu’il a été sauvé par Dieu (« Béni Dieu, ô mon âme ! » P. 103:1-5).

 

C’est une part importante du rôle des pasteurs et des anciens que de superviser la santé théologique de l’Église. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes en bonne santé si nous dissocions l’orthodoxie de l’orthopraxie. Ces deux dimensions sont essentielles pour guider le peuple de Dieu à être ce que Dieu veut qu’ils soient !

 

(GB) :  Merci !

 

 

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