Le Notre Père : une prière communautaire avant tout
Lorsque nous lisons ou récitons le Notre Père (Mt 6.9-15) nous passons souvent très rapidement sur le caractère communautaire de cette prière. De fait, elle est parfaitement indiquée pour les moments seuls et les cultes personnels, car elle propose un schéma-type des plus utiles (invocation — prières tournées vers la nature et l’oeuvre de Dieu — prières tournées vers les besoins du disciple).
Néanmoins, dans son contexte original, elle est davantage destinée à la communauté de foi.
Une prière destinée à la communauté
Deux éléments sont caractéristiques du caractère communataire du “Notre Père” :
(1) Lors du sermon sur la “montagne” (plus probablement une colline qui bordait le lac de Galilée), Jésus s’adresse principalement à ses disciples. Cependant son discours était audible de toute la foule qui le suivait (Mt 5.1). Dès lors, quand il les enseigne sur la prière (Mt 6.9–15), c’est encore la communauté qu’il a en vue. Ceci est d’autant plus important que, dans Matthieu, le petit noyau de disciple est progressivement révélé comme l’Église dans son élément le plus primitif.
(2) La prière utilise systématiquement la première personne du pluriel lors des points tournés vers la vie du disciple. En d’autres termes, toutes rles equêtes sont formulées pour la communauté de disciple, et non pour un individu seulement : donne-nous notre pain quotidien, pardonne-nous nos offenses, préserves-nous du malin, etc. Même l’invocation de départ commence par notre Père.
De cette simple observation découle de nombreuses applications directes dans cette prière. Je n’en relève que deux ci-dessous, mais elles ne sont pas exhaustives
Jésus appelle Dieu son Père
C’est ce qu’il fait dans l’invocation, la toute première clause de la prière.
Pour les auditeurs de Jésus, le concept n’était pas totalement étranger : dans l’Ancien Testament, Dieu est en effet décrit à plusieurs reprises comme un père (Es 63.16, 64.8). Cependant, les paroles de Jésus rapportées par Matthieu trahissent peut-être l’usage araméen de abba, expression dont il se sert habituellement pour marquer la proximité qu’il a auprès du Père.
Le point capital, c’est qu’en enseignant les disciples à prier « Notre Père », il les invite à le rejoindre dans l’intimité particulière qu’il a avec Dieu ; il partage avec eux le libre-accès auprès Père qu’il possède en sa qualité de Fils. Ainsi donc, quand Jésus apprend cette prière à ses disciples, c’est à l’Églises qu’il l’apprend à l’Église.
Une église qui prie est une église qui pardonne
Une autre conséquence directe de cette dimension communautaire du Notre Père se retrouve dans la requête consacrée au pardon des péchés, “pardonne-nous nous offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés” (Mt 6.12). Cette formulation surprend : le pardon divin que Dieu accorde à la cummunauté de foi serait-il dépendant du pardon que les membres de cette communauté accordent à ceux qui les entourent ? Non, car ni le Nouveau Testament, ni Matthieu en particulier n’avancent cette idée. D’ailleurs, dans la parabole de Mt 18.23–35, le pardon divin vient en premier, mais il est retiré lorsque la personne pardonnée ne pardonne pas à une autre.
Matthieu n’est apparement pas en quête d’un ordo salutis, le sens de son propos se trouve ailleurs. Comme le souligne R.T. France : “Il existe un élément de réciprocité dans le pardon. Il est hypocrite de demander pardon tout en refusant de pardonner. Ceux qui demandent pardon doivent être des personnes qui pardonnent, que les offenses concernées soient passées ou futures.” (Matthew, NICNT, 250–251). Ainsi, la communauté destinataire du pardon divin n’a d’autre choix que d’être une communauté qui pardonne.
Or, c’est parce que le Notre Père s’adresse premièrement à la communauté et qu’elle s’enrcine dans une relation filiale avec Dieu que cette réciprocité prend tout son sens. Parce que Christ n’a pas honte de nous appeler frère et qu’ainsi désormais Dieu est aussi notre Père, la communauté de foi est lieu où le pardon divin doit être parfaitement visible aux yeux du monde. L’Église est cette communauté dont les membres se pardonnent réciproquement comme Christ les a pardonnés (Ép 4.3).
Ces deux exemples démontrent que la lecture communautaire du Notre Père a bien des vertus. Peut-être une série de sermons, de podcasts, ou d’articles serait toute indiquée dans un futur proche 🙂
Ces ressources pourraient vous intéresser :
- Un chrétien doit-il nécessairement être membre d’une Église locale ?
- 12 raisons pour lesquelles le culte public est préférable au culte personnel
- Le rôle de l’Église dans la sanctification