Que penser des « livres perdus » du Nouveau Testament ?
Article de Michael J. Kruger publié le 25 mars 2019 sur son blog, Canon Fodder. Taduction : Elodie Youssef.
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Dans le domaine des recherches modernes sur le canon du Nouveau Testament, on retrouve beaucoup de discussions (si ce n’est une certaine obsession!) concernant des livres de la Bible dits « perdus ». Ainsi, nous avons des titres d’ouvrages récents comme Lost Scriptures (« Les Ecritures perdues »), Forgotten Scriptures (« Les Ecritures oubliées ») ou The Lost Bible (« La Bible perdue »)
D’ailleurs, le spécialiste Philip Jenkins a même écrit un livre entier qui documente (et critique) cette fascination de la communauté académique pour ce thème: Hidden Gospels: How the Search for Jesus Lost Its Way (« Les Évangiles Cachés: Comment la recherche de Jésus a perdu son chemin »)
Alors, que fait-on de ces autres livres du Nouveau Testament ? Quelques brèves réflexions.
Tout d’abord, la plupart de ces livres n’ont jamais vraiment été « perdus ». Les premiers Pères de l’Eglise les documentent très bien. Dans les faits, ils les connaissaient suffisamment pour reconnaître qu’il ne s’agissait pas d’écrits apostoliques authentiques. Autrement dit, personne n’a cherché à dissimuler ou à faire disparaître ces livres. Bien au contraire, les premiers chrétiens ont été très francs sur les problèmes qu’ils posaient et ont ouvertement déclaré pourquoi ils devaient être exclus du canon biblique.
Deuxièmement, la plupart de ces livres « perdus » n’étaient en réalité pas très populaires. Malheureusement, de nombreuses études modernes sur le canon donnent l’impression que les premiers chrétiens les lisaient massivement. Ce n’est que lorsque les autorités ecclésiastiques ont décidé par la suite de sévir, nous dit-on, que la popularité de ces livres a décru. Mais les indices historiques témoignent du contraire. Oui, les Pères de l’église utilisaient parfois des évangiles apocryphes. Cependant, quand on considère la fréquence de citation des évangiles apocryphes par rapport aux évangiles canoniques, les chiffres ne sont pas comparables. Comme le fait remarquer John Barton, « les citations d’évangiles apocryphes et d’autres livres qui furent plus tard exclus du canon ne concurrencent pas la fréquence des citations du noyau de base » (Spirit and the Letter, p.19).
Clément d’Alexandrie est un bon exemple de l’argument de Barton. Clément cite 16 fois des évangiles apocryphes. Cela peut sembler beaucoup jusqu’à ce que vous le compariez avec la fréquence de ses citations des évangiles canoniques : Matthieu 757 fois, Luc 402 fois, Jean 331 fois et Marc 182 fois.
Cela nous conduit à un troisième point. Les chrétiens n’ont pas eu à attendre qu’un concile du IVe siècle leur dise quels livres ils devaient lire. De ce que nous pouvons observer, il y avait un « corpus central » de livres du Nouveau Testament (environ 22 sur 27) qui faisait office d’Écritures Saintes dès les commencements et jusqu’au milieu du second siècle. Bien sûr, il y a eu quelques discussions au sujet de certains livres plus petits, mais la majeure partie du canon était en grande partie établi dès le milieu du deuxième siècle.
Ainsi, les livres apocryphes n’ont pas été « expulsés » du canon par les chrétiens ultérieurs. Bien plutôt, la plupart d’entre eux n’en ont jamais vraiment fait partie. Pour en savoir plus, si vous maîtrisez l’anglais, regardez cette vidéo que j’ai réalisée pour le compte de la Gospel Coalition.
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