Qu’est-ce que l’image de Dieu a à voir avec le complémentarisme ?
Cette série d’articles rend compte de mon intervention lors de la journée « Points Chauds » du 2 mai 2019 au Centre de Formation du Bienenberg. Pour obtenir davantage d’informations quant au journées-débats « Points chauds », visitez ce lien.
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Samedi 2 mars 2019, je débattrai avec Marie-Noelle Yoder dans le cadre de la formation Points Chauds sur le délicat sujet complémentarisme/égalitarisme. J’en profite pour entamer une série d’articles qui clarifiera les détails de ma position personnelle en la matière. Nous commençons cette série avec une courte réflexion sur ce que la notion d’image de Dieu implique dans cette discussion.
Commençons par rappeler le texte de Genèse 1.26-28, que je traduis ici le plus littéralement possible en notant certaines des difficultés de genre et de nombre :
« Et Elohim dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’ils (pluriel) dominent sur les poissons de la mer, et sur les oiseaux des cieux, et sur le bétail, et sur toute la terre, et sur tout [animal] rampant qui rampe sur la terre. Et Dieu créa l’homme à son image ; il le (singulier) créa à l’image de Dieu ; il les (pluriel) créa mâle et femelle. Et Dieu les bénit ; et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et assujettissez-là. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux des cieux, et sur tout être vivant qui se meut sur la terre. »
L’Imago Dei établit d’emblée la distinction ontologique entre l’homme (j’utilise volontairement ici un langage non-inclusif pour rendre compte de l’usage du nom propre « Adam » pour désigner l’ensemble de l’humanité) et le règne animal. La nature précise de cette image de Dieu est l’objet de bien des débats : certains y voient une communication de la moralité ou de la sainteté de Dieu tandis que d’autres pensent qu’elle se manifeste dans le caractère rationnel de l’être humain, au travers de la conscience, de la créativité, etc. J’estime pour ma part que l’image de Dieu a sans doute une dimension holistique et qu’elle ne se limite pas à l’un de ces aspects particulier seulement.
L’homme est unique et il trouve son identité « au-dessus de lui », en Dieu, et non en bas sur terre au sein du règne animal. Plusieurs autres éléments viennent appuyer cette idée : (i) l’homme est directement créé par Dieu à l’instar des animaux qui « procèdent » de la terre (cf. v.24), (ii) il est appelé à exercer sa domination sur le règne animal (v.27), (iii) Dieu lui accorde sa bénédiction (il ne le fait pas pour les animaux de la terre) et il instaure un dialogue avec l’homme, et enfin (iv) la mention de l’altérité sexuelle mâle/femelle est spécifique à la création de l’homme.
Cette altérité sexuelle est l’objet de bien des discussions, et il faut reconnaître la formulation est assez surprenante, même dans nos traductions. Le texte n’indique certainement pas que le premier homme créé était androgyne et que les sexes ne furent séparés que lors d’une séquence ultérieure, comme certaines Midrash l’affirment. L’expression « mâle et femelle », très courante dans les textes légaux, souligne plutôt la distinction sexuelle au sein du genre humain et préfigure la bénédiction de la fécondité du verset 28. Il s’agit, en d’autres termes, d’une référence au couple primordial dont les détails de la création sont donnés au chapitre 2. Chacune des personnes de ce couple primordial est dépositaire de l’image de Dieu. Ainsi, l’auteur souligne ainsi leur égalité ontologique.
Deux remarques relatives au débat complémentarisme / égalitatarisme
(1) En usant volontairement d’un langage non-inclusif, je souhaite souligner le jeu sur le terme Adam dans l’original. L’auteur s’appuie sur la polyvalence de ce terme (notez aussi les variations singulier/pluriel) qui sert tantôt de nom propre pour désigner le premier homme créé —un mâle— tantôt de terme générique pour désigner « l’humain » ou collectivement « les humains » (voir mon article à ce sujet ici). Or, il faut admettre que ce n’est pas le terme hébreu le plus approprié pour désigner l’être humain dans son sens générique et si l’auteur avait voulu privilégier la précision lexicale, il aurait sans aucun doute employé le terme ish, qu’il utilise d’ailleurs en Genèse 2.23 pour décrire comment la femme (isha) a été tirée de l’homme. L’auteur utilise donc un nom propre masculin pour désigner une humanité pourtant mâle/femelle. Je ne veux pas appuyer trop fortement sur ce détail, mais il préfigure nettement certains aspects du chapitre 2 qui établissent la responsabilité de direction de l’homme au sein du couple primordial.
(2) Il nous faut noter que l’homme et la femme images de Dieu sont appelés à dominer collectivement sur le règne animal et même sur l’ensemble de la création. L’auteur utilise pour cela deux termes très forts, radah (v.26, « dominer ») et kabash (v.28, « soumettre », un terme qui recouvre souvent le sens de « forcer à la soumission » voire en certains contextes de « violer »). Ici la distinction entre le genre humain et les autres êtres vivants prend tout son sens : Dieu a établi un rapport de domination/sujétion particulièrement marqué entre les deux catégories. Or, fort heureusement, rien n’indique qu’un tel rapport existe entre l’homme et la femme dans leur état de perfection.
Certes, la thèse que je défends confère à l’homme une responsabilité de direction au sein du couple primordial, mais en aucun cas celle-ci ne peut être assimilée à la domination dont il est question ici. J’admets qu’une telle forme de domination de l’homme sur la femme existe aujourd’hui, mais il s’agit d’une conséquence de la chute, d’un jugement divin. Il est donc particulièrement important, pour bien comprendre ma position dans les articles à venir de garder en tête la distinction radicale qui existe entre la responsabilité de direction impartie à Adam au sein du couple primordial dans l’état de perfection et la domination/sujétion très marquées que l’homme et la femme sont appelés à exercer envers le reste des êtres vivants.
À suivre !
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