Peut-on être délivré du parler en langues ? Une mise au point
Le Bon Combat a cinq ans, le tout premier article date de février 2012. Initialement conçu pour être un blog personnel, il est aujourd’hui davantage dédié à la théologie analytique, ce qui ne l’empêche d’être un vecteur de diffusion d’articles de piété ou de témoignages.
Que les administrateurs du Bon Combat soient amoureux de la théologie réformée n’est un secret pour personne, et nos fidèles lecteurs savent bien que nous n’hésitons pas à défendre une forme modérée de cessation des dons spirituels liés à la révélation.
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C’est dans cette perspective que nous avons accepté de diffuser le témoignage de Matt Massicotte, ancien conducteur de louange dans une église pentecôtiste québécoise, qui a abandonné la pratique du parler en langues au bout de plusieurs années de vie chrétienne.
Nous savions bien que cet article allait faire polémique mais nous pensons qu’un tel témoignage a sa place, du moins au même titre que les nombreux récits personnels d’expériences de parler en langue qui circulent sur la toile. Vous vous doutez bien qu’avant de publier un tel texte nous avons “calculé la dépense” : Matt savait qu’il allait certainement irriter quelques-uns de nos amis charismatiques, mais il tenait à communiquer son expérience dans les termes qui reflétaient sa perception des faits.
Nous avons donc pris un soin particulier à discuter en amont de la forme et du contenu de ce témoignage, notamment du titre, élément d’accroche essentiel à la réception d’un article sur les réseaux sociaux. Nous savions que l’intitulé initial auquel nous pensions, “Comment Dieu m’a délivré du parler en langue”, risquait d’attiser la controverse. Mais c’était bel et bien ce que Matt pensait avoir vécu !
Après réflexions, nous avons décidé de le maintenir tel quel pour les raisons suivantes :
(1) Nous croyons que le parler en langue tel que décrit dans la Bible était une forme de xénoglossie (langue humaine connue) prophétique.
(2) Nous pensons que le parler en langue biblique n’était pas une expérience extatique incontrôlable. Deux ou trois maximum pouvaient parler, et les autres devaient se taire (1 Cor. 14:21). L’on se devait de ne pas le pratiquer si dans la salle personne n’était en capacité de traduire (1 Cor. 14:21-22).
(3) Nous constatons que le parler en langue tel que vécu par les croyants charismatiques modernes est une expérience de glossolalie (une séquence de syllabes sans équivalent dans une langue connue) à caractère extatique.
(4) En conséquence, nous ne pensons pas que le parler en langues charismatique moderne constitue la même expérience que le parler en langues biblique.
(5) Pour autant, nous rejetons fermement l’idée que l’expérience charismatique est un forme de “possession satanique”, comme certains l’affirment malheureusement. Nous constatons plutôt qu’il s’agit d’une expérience extatique qui ne se limite pas au christianisme : on la retrouve dans d’autres religions ainsi que dans des cercles agnostiques et athées. On lui connait même une définition médicale.
(6) Pensant donc qu’il ne s’agit pas d’une expérience biblique, nous estimons approprié de parler de “délivrance” d’une pratique qui, pour reprendre le témoignage de Matt, handicape plus qu’elle n’aide la vie de prière.
Bien entendu, nos amis charismatiques sont en désaccord avec ce raisonnement, et nous n’avons donc pas été surpris des réactions profondément polarisées suscitées par cet article. Les uns encensaient le courage et la clairvoyance de Matt tandis que les autres dénonçaient une provocation, un “témoignage à charge” ne favorisant pas l’unité et la paix (voir le commentaire de Joël ci-dessous).
Dans la soirée suivant la publication de cet article, mon ami Rodolphe Chouteau, pasteur à Saint-Etienne, a attiré mon attention sur un élément que nous n’avions pas pris en compte. Dans les milieux charismatiques et pentecôtistes, la notion de “délivrance” revêt une connotation particulière. Alors que pour les croyants réformés et piétistes la délivrance désigne le plus souvent l’abandon d’un élément qui entrave (une habitude, une addiction, voire un péché), dans les milieux charismatiques elle est premièrement connectée au monde spirituel et à la démonologie. Bien sur, il s’agit ici de ne pas tomber dans des généralités grossières : les réformés et les piétistes croient à l’influence du monde des ténèbres, les pentecôtistes et charismatiques mettent eux aussi l’accent sur la repentance et la haine du péché !
Cependant, fort de cet éclairage, nous comprenons dans quelle perspective certains de nos amis charismatiques ont pu recevoir la mention d’une “délivrance du parler en langue”. Bien que nous n’ayons en aucun cas voulu lier le parler en langues moderne au monde des ténèbres, de nombreux lecteurs charismatiques ont estimé que c’est ce que nous faisons.
Après échange avec Matt Massicotte, nous avons donc pris la décision de modifier le titre de l’article et de supprimer toute référence à la délivrance. Bien entendu, au nom de tous les administrateurs du blog, je demande pardon aux frères et soeurs de confession charismatique qui auraient été blessés par cette incompréhension.
Dans son commentaire ci-dessus, Joel estime que la défense du cessationisme biblique est “une position respectable”. Nous souhaitons de tout coeur que tous nos amis charismatiques et pentecôtistes puissent adopter une telle attitude bienveillante. Notre but n’est pas de détruire la croyance de l’autre mais d’exposer la notre, même quand elle est diamétralement opposée à celle de nos frères et soeurs. C’est la raison pour laquelle nous considérons que ce type de témoignage demeure une ressource utile.
Que le Seigneur bénisse et fortifie dans la foi chacun de ceux qui lisent ces lignes, quelle que soit leur position sur cette question controversée.
Votre frère,
Guillaume