Pourquoi est-il nécessaire d’étudier le contexte de la Bible ?
- Article de Craig S. Keener publié le 25 février 2013 sur son blog. Traduction : Elodie Meribault
Par contexte, j’entends les situations, la manière dont Dieu a permis que la Bible nous soit parvenue, un livre après l’autre. Les premiers lecteurs de Marc ne pouvaient pas tourner les pages jusqu’à l’Apocalypse afin de mieux comprendre l’évangile ; l’Apocalypse n’avait pas encore été rédigé. Les premiers lecteurs de l’épître aux Galates n’avaient pas de copie de la lettre que Paul avait écrite aux Romains pour les aider à comprendre. Pour autant, ces premiers lecteurs partageaient des informations avec l’auteur qui ne figurent pas dans le livre qui nous est parvenu.
Nous appelons donc ces informations “contexte” : une certaine connaissance de la culture, de l’histoire biblique primitive, etc.
Plus important encore, les lecteurs possédaient les livres bibliques séparément les uns des autres. Nous pouvons donc être surs que les auteurs de la Bible en disaient assez dans chaque livre pour les aider à comprendre l’ensemble sans qu’aucune information ne manque. C’est la raison pour laquelle l’étude contexte est actuellement considérée comme l’un des sujets les plus importants pour l’interprétation de la Bible dans les cercles académiques..
Il n’est pas rare que des pasteurs prêchent sur des versets isolés qu’ils ont mémorisés, alors que cela signifie qu’ils omettent 99% des versets de la Bible. Un jour, une personne vraisemblablement très bien éduquée a dit à un enseignant qu’elle pensait que l’intérêt de posséder une Bible se résumait à pouvoir suivre les versets que citait le pasteur ! Mais la Bible n’est pas une collection des versets favoris des gens, entrecoupés de pages blanches. Utilisez un verset hors de son contexte, et vous pourrez “prouver” presque tout ce que vous voulez sur Dieu, ou justifier presque toute sorte de comportement — cela s’est d’ailleurs vérifié à plusieurs dans l’histoire. Or, dans la Bible, Dieu se révèle lui-même par l’histoire de ses actes, dans des récits inspirés de ces actes, et par la sagesse inspirée de ses serviteurs face à une situation particulière.
Dans nos sociétés moderne, ce qui est instantané a pris une place importante : de la purée, du café, etc. De la même manière, nous avons tendance à prendre des raccourcis pour comprendre la Bible en citant des versets pris au hasard ou en supposant que les personnes qui nous enseignent les ont compris correctement. Ce faisant, nous manquons d’assiduité et de rigueur dans l’étude de la Parole de Dieu (Proverbes 2.2‑5 ; 4.7, 8.17; 2 Timothée 2.15).
Jim Bakker, un pasteur américain très influent, était tellement pris dans son ministère auprès de millions de personnes qu’il n’avait même pas le temps d’étudier les Écritures attentivement et dans leur contexte. Il se contentait de croire que les enseignements de ses amis, qu’il aidait à diffuser, avaient été finement étudiés. Plus tard, lorsque tout son ministère s’est effondré, il a passé des heures à sonder honnêtement la Parole et s’est rendu compte avec effroi que certains des enseignements de Jésus, compris dans leur contexte, signifiaient l’exact opposé de ce que ses amis et lui avaient enseigné ! Il n’est jamais bien sage de dépendre de ce que d’autres disent que Dieu proclame (1 Rois 13.15‑26).
Je m’en suis moi-même rendu compte, jeune chrétien. J’ai commencé à lire 40 chapitres de la Bible par jour (assez pour pouvoir finir le Nouveau Testament en une semaine, ou toute la Bible en un mois). J’ai plus tard été horrifié de découvrir tout ce que j’ignorais des Écritures, en dehors des versets que j’avais mémorisés, et surtout avec quel soin tous ces versets étaient liés entre eux par le texte lui-même. En voulant utiliser la Bible pour défendre des choses auxquelles je croyais déjà, j’avais manqué tant d’autres choses !
Si l’on prend le temps de lire un livre à la fois, on se rend bien compte que des versets hors de leur contexte n’ont presque jamais le même sens pris en contexte.
En fait, nous ne pouvons tout simplement pas prétendre comprendre la plupart des versets sans étudier leur contexte. Isoler des versets de leur contexte, c’est ne pas respecter l’autorité des Écritures, car cette méthode d’interprétation ne peut pas être appliquée à toute l’Ecriture de manière efficace. Elle ne consiste qu’à sélectionner des versets qui semblent avoir du sens, en laissant de côté tout le reste des Écritures, puisqu’elle ne peut pas être appréhendée de la même manière. Prêcher et enseigner la Parole de la manière dont elle nous invite à l’interpréter — dans son contexte original — permet d’expliquer la Bible de manière fiable et donne à ceux qui l’écoutent un bon moyen de mieux apprendre la Parole.
Quiconque lit un livre ne va pas se contenter de prendre quelques phrases citées au milieu du livre, et ignorer tout ce qui les entoure et qui aide à comprendre la raison pour laquelle ces phrases ont été écrites. Si nous donnons un livre d’histoires à un enfant qui a déjà appris à lire, l’enfant commencera par le début.
Si nous avons si souvent tendance à ne pas lire la Bible en contexte, ce n’est pas parce que cela nous semble naturel, mais parce qu’on nous a souvent donné le mauvais exemple. Sans manquer de respect à ceux qui ont fait de leur mieux mais qui n’ont pas compris l’importance du contexte, nous devons maintenant nous donner la chance de commencer à enseigner à la future génération la bonne méthode pour interpréter la Bible.
La plupart des contradictions que certains lecteurs prétendent trouver dans la Bible vient souvent du fait qu’ils ignorent le contexte des passages qu’ils citent ; ils passent d’un texte à l’autre sans prendre le temps d’essayer de comprendre chaque texte dans son contexte.
Prenons un exemple : lorsque Paul dit que nous sommes justifiés par la foi sans les œuvres (Romains 3.28), le contexte montre bien qu’il définit la foi comme allant bien plus loin qu’une simple prise de position passive ; elle est une conviction que Christ est notre salut, une conviction pour laquelle chacun risque sa vie (Romains 1.5). Jacques déclare que l’on ne peut pas être justifié par la foi sans les œuvres, (Jacques 2.14) — parce qu’il utilise le terme “foi” pour désigner une vague opinion qui concède que qu’une chose est vraie (2.19). Il exige qu’une telle opinion soit activement démontrée par une obéissance qui prouve qu’elle est sincère (2.18).
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En d’autres termes, Jacques et Paul utilisent le mot “foi” différemment, mais ils ne se contredisent pas au niveau du sens. Si nous ignorons le contexte et que nous relions vaguement différents versets sur la base d’une proximité lexicale, nous nous retrouverons avec des contradictions que les auteurs de la Bible n’auraient jamais imaginées.
Craig S. Keener est professeur de Nouveau Testament à la faculté de théologie Asbury. Il est particulièrement connu pour son commentaire en quatre volumes sur le livre des Actes et pour ses travaux sur l’arrière plan historique de la Bible. Craig Keener est titulaire d’un doctorat (Ph.D.) décerné par l’université de Duke.