Maintenir la vérité de l’Evangile
“Nous ne leur cédâmes pas un instant et nous résistâmes à leurs exigences, afin que la vérité de l’Évangile fût maintenue parmi vous.”
(Gal 2.5)
Dans le dernier numéro de Themelios (n° 39.2), Donald Carson nous livre des réflexions très intéressantes sur la manière dont nous évaluons l’importance de certaines problématiques doctrinales et de leur capacité ou non à mettre en péril une saine compréhension de l’évangile. Sa conclusion est ainsi très pertinente :
En résumé, affirmer qu’une chose est ou n’est pas critique pour le maintien de l’évangile n’est pas une affirmation transparente. Cette affirmation sera certainement clair pour ceux qui partagent une même confession en ce qui concerne la définition même de ce qu’est l’évangile. Cependant, cela n’est utile uniquement lorsque cela signifie quelque chose de plus précis que : “une chose “x” peut être reliée d’une certaine manière à l’évangile”. Il doit être alors démontré que sans cette chose “x”, l’Evangile lui-même est sérieusement mis en péril. Il est toujours plus sage de reconnaître que certains sujets sont très importants, mais à un niveau différent que celui de la question de la préservation de l’authenticité de l’évangile ; et aussi de reconnaître que notre choix sur les sujets est conduit en partie par notre perception des menaces et des erreurs de notre propre temps.
Je trouve que la conclusion du Dr Carson est effectivement très pertinente et sage. Si nous prenons l’exemple du débat qu’il existe entre la position évolutionniste théiste et la position créationniste, une telle remarque est en effet à propos. Sans me lancer sur le sujet que j’ai un peu abordé précédemment, je suis persuadé qu’il existe des problématiques critiques au sein de ce débat qui sont effectivement une mise en garde des philosophies de notre siècle qui s’introduisent dans l’herméneutique biblique (comme par exemple dans la compréhension du terme “yom” en Genèse), et il existe des problématiques qui représentent un danger dans la juste compréhension de l’évangile (comme par exemple pour l’historicité d’Adam et Eve).
Tout ce qu’enseigne la Bible est important et aucune impasse ne doit être faite. Et en ce qui concerne la définition de l’évangile, bien qu’aucune doctrine ne puisse être étudiée de façon indépendante, certaines doctrines jouent un rôle plus important que d’autres pour posséder une juste définition Biblique de l’évangile.
Par exemple, le fait d’être amillenariste, premillenariste ou postmillenariste n’est pas décisif à prima bord pour préserver l’authenticité de l’enseignement biblique sur le sacrifice substitutif de Jésus-Christ à la croix. Il devient donc évident que la question essentielle est bien celle de la définition de ce qu’est l’évangile de Jésus-Christ.
Il serait intéressant de faire une sorte de sondage dans votre église locale. Il faudrait que chacun prenne une feuille, et écrive dessus comment il définit l’évangile de Jésus-Christ, et cela dans un temps maximum de 5 minutes. Un tel exercice nous réserverait des surprises…et peut-être pas que des bonnes !
L’épitre aux Galates est une lettre fortement polémique dans laquelle Paul traite de sujets importants pour la saine compréhension de l’évangile. Paul luttait alors contre une certaine tendance judaïsante qui existait au sein de certains membres de l’église de Galatie (ces derniers soulignaient alors la nécessité de l’observance de la loi (en particulier la circoncision) pour une pleine possession de la promesse faite à Abraham et accomplie en Jésus-Christ). Ainsi, au-delà de cet aspect polémique indéniable, l’injonction de Paul peut nous faire réfléchir sur le fait critique de posséder une définition biblique de l’évangile de Jésus-Christ. Nous nous devons de toujours maintenir la vérité de l’évangile de Jésus-Christ.
Ainsi, quel est donc cet évangile dont nous devons défendre la vérité et l’authenticité ?
Un résumé très bref pourrait être : L’évangile est la bonne nouvelle que Jésus-Christ a accompli le salut de Son peuple par sa vie, sa mort et sa résurrection.
Une telle définition, quoique juste, possède des termes qui se doivent d’être précisés, car un témoin de Jéhovah ou un mormon serait d’accord avec cet énoncé.
En effet :
– Qui est Jésus-Christ ?
– Que veux dire le terme salut ? Est-il accessible maintenant ? Si on parle de “salut”, ceci implique une situation de danger de laquelle on doit être effectivement sauvé…mais quel est ce danger ?
– Quel est le sens de sa vie ? De sa mort et de sa résurrection ? Ont-ils une valeur utilitaire ? Exemplaire ? Ou autre ?
Vous voyez bien que ce n’est pas une mince affaire. Mais d’un autre côté, je ne peux pas donner une définition de l’évangile qui ferait 50 pages (bien que cela soit possibilité quand on considère la profondeur de l’œuvre accomplie par Jésus-Christ) dans le cadre d’une évangélisation de rue. Et c’est là que l’exercice est encore plus difficile : nous devons arriver à définir en quelques minutes l’évangile tout en laissant le moins de zones d’ombre possibles.
Alors que ce soit dans une prédication, ou dans un témoignage, quels sont les non négociables qui caractérisent l’évangile et qui me permettront d’en préserver la véracité ?
Pour ma part, lorsque j’évangélise dans la rue, je suis la trame narrative de la Bible pour parler de l’évangile, c’est la règle du C4 (non, pas cet outil explosif pratique pour ouvrir une porte, ni la petite bombe développée par Citroën !) :
Création-Chute-Croix-Couronne
Certains reconnaîtront la trame Création/Chute/Rédemption dont elle s’inspire directement.
Création : Qui sommes-nous ?
Dieu est le Créateur de toutes choses, y compris de l’humanité.
Dieu créa l’homme à son image et lui donna la terre et ce qu’elle contient pour y être son vice-régent. Dieu l’a créé pour Sa gloire.
Cet acte de création est aussi un acte de générosité, car il l’a créé à son image afin qu’il puisse (entre autre) entretenir une relation personnelle avec lui au sein d’une alliance aussi forte et aussi profonde que les liens conjugaux. Cette relation personnelle était alors caractérisée par une joie et une paix où la réalité même Créateur/créature était préservée et vécue.
La création qui l’entourait était alors une création au sein de laquelle il pouvait jouir de tout ce que Dieu avait créé, une jouissance alors cohérente avec la réalité que Dieu était Son Dieu, Son Seigneur, Son Créateur.Ultimement, la jouissance que l’homme pouvait avoir dans la création se concluait dans une sainte révérence et une profonde adoration envers son Créateur.
Cette relation Dieu la scella aussi par un commandement qu’il donna à l’homme : Tu pourras manger de tous les arbres du jardin; mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras. Dieu donna ainsi à l’homme et à la femme (Adam et Eve) un moyen d’exprimer concrètement leur adoration et leur révérence en plaçant, au centre du jardin dans lequel ils se trouvaient, un arbre dont ils ne devaient pas se nourrir. Ce commandement était juste, bon et saint. Il était le moyen par lequel l’homme exprimerait sa soumission et sa révérence envers son Créateur.
Chute : L’origine du problème !
Lorsque nous regardons autour de nous : la mort, la maladie, la guerre, la souffrance sont autant de choses qui font naitre en nous un malaise, et cela comme si toutes ces choses n’étaient pas normales !
Nous sommes révoltés face à la méchanceté qui se manifeste dans les conflits armés. Nous sommes révoltés lorsque la mort touche un de nos proches. Nous sommes révoltés quand nous voyons le cancer détruire la vie de l’un de nos proches.
Notre intuition de dire que ce n’est pas normal est juste. Mais elle n’est rationnelle que dans une vision chrétienne du monde.
En effet, si le mal et la souffrance n’ont pas d’origine historique ; alors quel est l’intérêt de lutter contre quelque chose qui serait alors une caractéristique essentielle de la vie et qui serait une élément intréseque de la condition humaine ?
Notre désir de justice, notre révolte contre la mort, nos soupirs pour une libération de nos souffrances sont les échos d’un malaise qui a une origine historique.
Plus qu’un malaise, ce fut plus précisément une Révolte. Alors qu’Adam et Eve avaient tout pour croître dans la sainteté et la justice, ils ont rejeté le commandement donné par Dieu. Ils ont préféré croire en une autonomie illusoire au sein de laquelle ils pourraient décider pour eux-mêmes ce qui est bon et mauvais. Ils ont placé la créature au même niveau que le Créateur.
Une telle offense ne nous est pas inconnue. Tout homme que nous croisons, à commencer par celui que nous voyons dans notre miroir, préfère adorer la créature plutôt que le Créateur. Ce mensonge, il le cultive en persistant à croire qu’il est autonome. Autonome dans sa décision de choisir ce qui est vrai et faux, juste ou injuste, bien ou mal. Mais cette autonomie est illusoire, car la création sur laquelle il devait dominer, devient le tyran et l’idole qu’il sert dorénavant. Que ce soit sa propre personne, le sexe, la nourriture, le travail, la famille ….toutes ces choses qui étaient bonnes pour lui, qui étaient des sujets de reconnaissance et des moyens pour adorer Dieu sont devenues ses propres entraves.
Nous sommes tous devenus pécheurs et rebelles en Adam (Rom 5:12-21). Nous sommes tous morts en Adam (1 Cor 15:51). La mort est la manifestation du jugement que Dieu a énoncé envers Adam et sa descendance à cause de son péché. Cette mort qui comprend à la fois notre mort physique et aussi notre jugement éternel en enfer est la juste rétribution de notre péché et de notre révolte quotidienne envers l’autorité de notre Créateur dont la Gloire se voit à l’œil nu lorsque l’on considère la création qui nous entoure. La mort, la maladie, les souffrances sont ainsi autant de choses dont le caractère horrible et inacceptable sont un écho de l’horreur de notre péché (Rom 8:20).
Croix : Dieu parmi nous !
Mais la chute et la souffrance ne sont pas la fin de l’histoire. Car, à ce jugement, Dieu a ajouté une promesse : Il y aurait une descendance qui serait vivante et victorieuse.
Cette promesse, Dieu décida de la cristalliser plusieurs générations plus tard en choisissant un homme comme vous et moi. Un pécheur du nom d’Abraham. Dieu lui demande de LE suivre et lui promet…une descendance à la fois bénie et source de bénédictions. C’est une promesse que Dieu scelle avec cet homme au sein d’une nouvelle alliance. Cette alliance ne dépend plus de l’homme, mais Dieu s’engage à la réaliser.
Cependant, la réalité, c’est qu’autant Abraham que nous, nous sommes incapables de LE suivre par nos forces. Le péché est notre péché. Il n’est pas quelque chose qui nous maltraite, mais c’est quelque chose que nous chérissons et que nous aimons. Notre autonomie illusoire est quelque chose que nous affectionnons tellement, que nous sommes opposés et violents envers tout ce qui pourrait la mettre en danger.
Comment alors Dieu pourrait-il nous sauver à la fois du jugement qui est nôtre et de nos affections qui nous enchaînent ?
Dieu est venu parmi nous pour accomplir ce miracle.
Dieu, dans la personne du Fils, s’est incarné.
Il a vécu une vie parfaite alors caractérisée par une sainte révérence et sainte adoration envers Son Père. Il a accompli, en tant qu’homme, ce qu’Adam n’a pu faire et ce que nous sommes incapables d’accomplir.
Cette vie d’obéissance, il l’a conclue en offrant sa vie sur la croix pour y recevoir notre jugement, la mort : autant cette mort physique que spirituelle.
Ce fut une mort substitutive : il a pris notre place.
Mais la mort ne fut pas la conclusion de sa vie, car en le ressuscitant des morts par Son Esprit, Dieu le Père déclara la justice immaculée et parfaite de Son Fils.
Aujourd’hui, Jésus-Christ règne à la droite du Père et il appelle tous les hommes à se repentir.
Couronne : Le salut c’est dès maintenant !
Ceux qui placent leur confiance en Jésus-Christ ne subiront pas la pleine consommation du jugement attenante à leur péché.
Celui qui reconnait que Jésus-Christ est le Seigneur et qui place sa foi en lui pour le pardon de ses péchés est sauvé, il est passé de la mort à la vie. Il devient le temple du Saint-Esprit, auteur de sa nouvelle naissance.
En plaçant sa foi “en” Christ, il reconnait l’ineffable beauté du Fils éternel qui s’est humilié pour lui afin de prendre à sa place le jugement qu’il méritait.
Il reconnait aussi que la vie qu’il a reçue est une vie fondée, non sur sa justice, mais sur la justice parfaite du Christ. Jésus-Christ est la descendance victorieuse promise à Adam et Eve. Jésus-Christ est la descendance promise à Abraham qui serait une bénédiction pour toutes les nations.
Il reconnait qu’il n’est que créature et que la gloire et l’honneur ne reviennent plus à sa propre personne, mais à son Créateur qui s’est révélé en Jésus-Christ !
Jésus règne dès maintenant, mais nous attendons son retour glorieux où il effacera de cette terre la mort, la souffrance, la maladie et la corruption. Ce sera un jour de victoire et un jour de jugement. Car ceux qui sont unis à lui par le moyen de la foi rentreront dans leur complet héritage acquis par Jésus-Christ, dans sa mort et sa résurrection. Mais tous ceux qui auront persévéré dans leur autonomie illusoire source de multiples idolâtries blessantes recevront le juste jugement de leur révolte, car bien qu’ayant connu Dieu au travers de la création, ils ne l’ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces; mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur coeur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres.
L’évangile est ancré dans l’Histoire, c’est une annonce historique en accord avec ce qui avait été annoncé (1 Cor 15). Et c’est dans l’évangile que se trouve la raison d’être de l’Histoire de l’humanité.
Pour conclure, je citerais un excellent condensé que Don Carson fait dans son article sur l’évangile (Themelios 39:2) :
L’Evangile est la bonne nouvelle qu’en Christ, et spécifiquement dans sa mort et sa résurrection, Dieu a exécuté une action décisive pour sauver son peuple de ses péchés, tel que par la mort de Jésus le péché est annulé, la colère judicaire de Dieu est détournée, les croyants reçoivent ce que Christ a mérité alors que lui reçoit ce que nous, pécheurs, nous méritions, le diable est vaincu, et Dieu déploie son amour incalculable en déversant son Esprit sur nous afin de nous convaincre, nous régénérer, nous transformer, et ceci en anticipation de la consommation qui est à venir.