Les évangiles apocryphes, les théories du complot, et les médias « mainstream »

Article de Michael J. Kruger initialement publié sur son blog, Canon Fodder, le 1er juillet 2019. Traduction : Ariasy Rahamefy.

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Au fil des années, j’ai pu remarquer une chose : les médias adorent les évangiles apocryphes. A chaque évocation de Jésus, habituellement à Pâques ou Noël, un débat se crée autour de l’histoire cachée de Jésus, dont la vérité se trouverait uniquement dans ces évangiles perdus.

Plusieurs articles extrémistes prétendent qu’aucun consensus sur l’histoire de Jésus n’a été trouvé au cours des quatre premiers siècles et que des milliers d’autres histoires circulaient à cette époque. Ce ne serait qu’après l’arrivée de Constantin que l’Eglise aurait décidé quels livres adopter (et ainsi réfuter tout autre livre).

Ce type de reconstruction historique est effectivement parfait pour la couverture d’un magazine. Le public raffole de ce type de théorie du complot. Les gens veulent croire qu’il y a des « secrets cachés”, “perdus” ou “oubliés” (expressions les plus utilisées dans ce type d’article) sur Jésus qui vont, une bonne fois pour toute, nous dévoiler la vérité. Tout le monde aime également penser que l’Église est corrompue, autoritaire, et qu’elle ne veut qu’une chose : préserver son pouvoir comme n’importe quelle autre institution.

En 2012, Philip Jenkins a posté sur son blog un article qui démontrait la tendance des médias à mettre en avant ce type de théorie du complot, en suivant à la lettre les évangiles apocryphes. Par exemple, le journal UK Daily Telegraph a sorti un article, en abordant la mort de Marvin Meyer (professeur du Nouveau Testament), analysant les premiers évangiles :

« Le Nouveau Testament tel que nous le connaissons (les évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean, le livre des Actes, les Epitres et l’Apocalypse) est issu de milliers de textes et d’évangiles qui circulaient durant les premiers siècles. Les premiers chrétiens étaient sujets à la persécution et les fondateurs de l’Église sentaient que pour la survie du Christianisme ils devaient mettre en place une seule et même croyance issus de textes précis. Environ 180 ans après J-C, l’évêque Irénée de Lyon déclare donc tous les évangiles hérétiques à l’exception de ceux de Matthieu, Marc, Luc et Jean. Ce n’est que 50 ans après la conversion de Constantin, au IVe siècle, que les livres du Nouveau Testament sont devenus les textes officiels des chrétiens. »

 

Ce type d’affirmation est rempli d’idées reçues. J’en ai d’ailleurs confronté plusieurs dans cet article (en anglais). Non, il n’y avait pas « des milliers » d’évangile au début du christianisme. Irénée n’était pas en charge du choix des évangiles canoniques et de la répression des autres évangiles. Et ce n’est certainement pas au IVe siècle que le Nouveau Testament a été considéré pour la première fois comme un ensemble de livre officiel pour les chrétiens. Jenkins leur répond donc de la manière suivante:

« Contrairement à ce qu’affirme le Telegraph, avec tout le respect que je dois à ce journal conservateur, les premiers responsables de l’Église ont privilégié ces quatre évangiles car ils étaient clairement les textes les plus proches de Jésus d’un point de vue chronologique et qu’ils étaient les plus fiables. Aucun patriarche grincheux ne s’est assis autour de la table et a dit : “Bon, il faut exclure Marie car euh… ça a une connotation sexuelle. Jean peut en revanche rester car il spiritualise beaucoup et ça pourrait être utile dans un siècle quand nous aurons un poids politique”. En effet si vous lisez les véritables écrits de l’Église sur la canonisation ou l’exclusion des textes, vous serez impressionnés par la logique chronologique et historique de ces choix. »

 

Nous pouvons somme toute dire que les premiers chrétiens n’ont pas choisi les quatre évangiles parmi tant d’autre. Ces textes étaient simplement les seuls présents depuis le début. Ils n’ont pas choisi les évangiles mais en ont hérité.

Dans ce type de débat, j’aime rappeler à mes étudiants le simple fait (mais souvent négligé) que, de tous les évangiles associés au christianisme primitif, seul ceux de Matthieu, Marc, Luc et Jean sont datés du Ier siècle. Bien sûr, il y a eu quelques tentatives de fausse datation de l’évangile de Thomas au Iersiècle, mais aucune n’a été acceptée par les spécialistes.

Ainsi donc, si nous voulons vraiment savoir qui était Jésus, le meilleur moyen est de se fier aux livres qui, au moins, ont été écrits lorsque des témoins étaient encore vivants. Et il n’y a que quatre évangiles qui répondent à ce critère.

Au final, le fait que l’Église primitive ait gardé uniquement ces quatre évangiles est loin d’être arbitraire. Au contraire cela parait tout à fait logique.

 

 

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