Retour d’exil et eschatologie dans le Nouveau Testament

Nous poursuivons notre série sur la relation entre exil et eschatologie, et après avoir survolé différents livres Esaïe, Ezechiel, et Daniel, nous nous tournons maintenant vers le Nouveau Testament.

 

 

Le christ comme accomplissement des prophéties vétérotestamentaires

 

1) La Nouvelle Alliance comme cadre de la résurrection (Jr 31)

Le livre du prophète Jérémie est le seul qui ne semble pas contenir de références explicites à la résurrection en rapport à la dimension eschatologique du Retour d’Exil. Cependant, ce dernier thème sature l’ensemble du livre. C’est même d’ailleurs Jérémie qui avait prophétisé la durée de l’Exil (Jr 29.10 ; Dn 9.2). En réalité, si nous regardons au Nouveau Testament et à l’accomplissement que le Christ a effectué par son œuvre et dans sa personne, le chapitre 31 du prophète contient d’une manière indirecte des références à la résurrection qui ne deviendront explicites que plus tard. De plus, de nombreux liens thématiques et le vocabulaire lient d’une manière très forte ce chapitre avec les trois que nous avons déjà vus.

Pour commencer, il est important de préciser que ce chapitre fait partie d’un ensemble qui s’étend du chapitre 30 jusqu’au chapitre 33 et qui est communément appelé « le livre de la restauration ». Le contexte du chapitre 31 est donc bel et bien celui du Retour d’Exil. La prophétie commence par : « Voici que les jours viennent, déclare l’Eternel […] » (Jr 31.31). Jérémie s’adresse en tant que premiers auditeurs au peuple d’Israël. Ces mots devaient leur laisser penser que ce que le prophète annonçait était proche. Il mentionne ensuite la communauté / maison d’Israël. Expression que l’on retrouve chez le prophète Ézéchiel à plusieurs reprises dans les passages déjà vu (Ez 37.11). Comme le faisait Ézéchiel (Ez 37.16-21), Jérémie prend la peine de mentionner les deux Royaumes israélites pour montrer leur réunification future.

Dans la suite, le prophète lie et compare l’Exode au Retour d’Exil (Jr 31.32). Ce dernier devenant comme un Nouvel Exode qui supplantera le premier. Ce qui montre que l’Exode était devenu dans la pensée juive un paradigme du Salut[1]. Salut déjà évoqué par Esaïe et Daniel (Es 53.11 ; Dn 12.1). Tout comme Dieu avait conclu une Alliance sur le mont Sinaï avec son peuple par l’intermédiaire de Moïse (Ex 19-20), il promet ici qu’il établira une Alliance Nouvelle. Celle-ci ne sera pas comme l’Ancienne Alliance. Jérémie précise que cette dernière pouvait être violée, ce qu’ont fait les israélites. Cependant, la Nouvelle ne pourra plus l’être. Ézéchiel annonce que cette Alliance sera une Alliance de paix qui sera éternelle (Ez 37.26). Ceux qui seront entrés une fois pour toute dans cette Alliance ne pourront plus en sortir – et ne le voudront pas.

Puis Jérémie va préciser encore plus la nature de cette Alliance. Dans cette Nouvelle Alliance, les commandements de Dieu ne seront plus écrits sur des tables de pierre comme le Décalogue, mais ils seront écrits directement dans les cœurs. Cela rappelle ce que promettait Ezéchiel avec les cœurs de chair qui remplaceraient les cœurs de pierre. C’est par l’Esprit de Dieu que ces commandements seraient gravés dans les cœurs (Ez 36.26-27). Autrement dit – et ce que confirmera le Nouveau Testament – Jérémie promet ici que ceux qui reviendront fidèlement à Dieu entreront dans une Alliance Nouvelle et éternelle grâce au Saint-Esprit qui les fera naître de nouveau. Les rendant capables non seulement d’obéir aux commandements divins, mais également qui leur faisant aimer ces commandements (2Co 3). C’est ainsi que Dieu sera le Dieu d’un peuple nouveau et purifié (Ez 36.25 ; Dn 12.10), et qu’il viendra habiter au milieu d’eux, leur accordant le repos (Ez 37.14 ; Dn 12.13). C’est le langage de la promesse qui est utilisé (Jr 31.33 ; Ez 37.27). Dieu avait promis à Abraham une descendance nombreuse. Il y a donc une avancée dans la réalisation de la promesse (Es 53.10 ; Jr 31.27 ; Ez 36.37 ; Dn 12.3-4). Notons également les similarités d’expressions dans le fait « d’arracher et de planter » (Jr 31.28 ; Ez 36.36) et dans le vocabulaire créationnel / édénique qui est utilisé (Jr 31.35 ; Ez 36.35). Au  travers de cette Nouvelle Alliance, Dieu promet que les fautes et les péchés du peuple seront pardonnés définitivement. Et cela se fera par l’intermédiaire du Serviteur-Souffrant qui devient médiateur de la Nouvelle Alliance (Jr 31.34 ; Es 53.11).

Nous voyons donc à quel point ces quatre chapitres étudiés sont liés les uns aux autres. Les trois premiers contenaient des références à la résurrection en lien avec le Retour d’Exil, et Jérémie se situe dans le même cadre bien que ce ne soit pas de manière explicite. Les thèmes comme ceux de la justice, du sacrifice, de l’idolâtrie, des nations, ou encore « du jour » renforcent cette impression d’intertextualité.

Le Nouveau Testament va permettre quant à lui de confirmer cette impression au travers de deux passages. Premièrement, dans les évangiles synoptiques, celui qui va établir cette Nouvelle Alliance sera Jésus-Christ au travers de son sacrifice sur la croix pour le rachat de nos péchés (Mt 26.28 ; Mc 14.24 ; Lc 22.20). C’est ce que confirmera l’apôtre Paul (1Co 11.25). De plus, Jésus est identifié de nombreuses fois au Serviteur-Souffrant d’Esaïe venant apporter le Salut aux nations au travers de son Nouvel Exode (Mt 2, 12.17-21 ; Lc 2.29-32, 9.28-36 ; Ac 8.30-35 ; 1P 2.24-25). L’insistance de l’Exil dans sa généalogie est aussi caractéristique (Mt 1.11-12, 17). C’est son Esprit que nous recevons et qui nous fait naître de nouveau (Jn 3.3, 5 ; Rm 8.9-10 ; Tt 3.5). Il est le premier ressuscité d’entre les morts, devenant l’archétype de notre résurrection (Col 1.16 ; He 1.6 ; 1Jn 3.2-6).

Deuxièmement, l’ensemble que forment les chapitres 8 à 10 de l’épître aux Hébreux sont vraiment importants, car l’auteur de cette lettre reprend à deux reprises le texte de Jérémie que nous venons de voir pour l’appliquer à Jésus et à son nouveau peuple qu’est l’Eglise. Cette Nouvelle Alliance remplace la première qui devait être temporaire (He 8.13) et qui n’était pas irréprochable (He 8.7). Elle est jugée comme meilleure, que ce soit du fait de son médiateur qui est aussi notre grand-prêtre éternel, Jésus, mais également par les promesses supérieures qu’elle contient (He 8.6). L’Ancienne Alliance n’était qu’une ombre, un type, qui annonçait cette Nouvelle Alliance inaugurée par le sacrifice substitutif du Christ (He 9.15). Le caractère permanent et parfait de cette dernière étant bien mis en avant (He 10.10-12). Comme nous avions pu lire en Daniel qu’il y avait une condition à notre résurrection corporelle dans le Paradis, l’auteur de l’épître dit de manière explicite que cette condition est la foi en Christ (He 10.38) comme l’avaient annoncés les prophètes (Ha 2.4). C’est elle qui procure la justice de Dieu annoncée par Esaïe et son Serviteur-Souffrant (Rm 1.16-17). Comme la foi est un don de Dieu qui ne dépend pas de nous (Ep 2.8-9), nous comprenons pourquoi cette Alliance Nouvelle ne peut être violée. La grâce ne pouvant retirer ce qu’elle a offert à un si grand prix (1Co 6.20). La deuxième citation de Jérémie 31 faite par l’auteur de l’épître aux Hébreux confirme l’enseignement Ézéchiel 36 et 37 sur le rôle du Saint-Esprit dans la purification et la sanctification du nouveau peuple de Dieu au sein de la Nouvelle Alliance (He 10.14-17).

L’action du Saint-Esprit est donc indissociable de celle du Serviteur-Souffrant qui n’est autre que le Fils de Dieu ressuscité qui a inauguré cette Alliance Nouvelle par sa mort et sa résurrection sur la croix, et qui est remonté en gloire s’asseoir à la droite du Père afin de régner et d’ouvrir le chemin à son Eglise. Sa résurrection précédant la nôtre et étant le fondement de notre espérance eschatologique durant notre Exil jusqu’au jour de son Retour. Les trois personnes de Dieu sont impliquées dans ce processus.

 

 

2) Dimension trinitaire

Il y a donc une dimension trinitaire forte en ce qui concerne la résurrection dans le cadre du Retour d’Exil au travers du discours eschatologique des prophètes de l’Ancien Testament. Chez le prophète Esaïe, c’est Dieu le Père qui commence à parler de son Serviteur-Souffrant qui n’est autre que son Fils Jésus-Christ. C’est également lui qui le brise en faisant retomber sur lui la colère divine qui nous était réservée à cause de notre péché. Le Fils a porté nos péchés en obéissant parfaitement et en se soumettant à la volonté du Père. Il a été jugé et condamné par les hommes de son temps. Puis il est mort sur la croix avant de ressusciter en gloire et de retourner siéger auprès du Père. La justice qu’il a ainsi acquise nous est imputée si nous tournons les regards vers lui. Et l’apôtre Pierre nous dit que c’est par le Saint-Esprit que le Père a ressuscité le Fils (1P 3.18). C’est lui qui nous applique la justice du Christ en venant habiter en nous (Rm 14.17).

Jérémie déclare que Dieu le Père décide d’établir une Nouvelle Alliance avec son peuple nouveau. Le médiateur de cette Alliance Nouvelle n’étant autre que le Fils. C’est ce que décrivent les passages concernant la sainte cène chez l’apôtre Paul dans sa première lettre aux Corinthiens, et dans l’épître aux Hébreux. Cette Nouvelle Alliance avec ses prescriptions est maintenant inscrite directement dans les cœurs par le don du Saint-Esprit qui nous équipe afin de pouvoir obéir avec joie et par amour à ces commandements.

Ezéchiel explique que le Père a décidé de faire rentrer un « reste » de l’Exil pour lui offrir le repos. Ce reste sera purifié, sanctifié, régénéré par l’action du Saint-Esprit. Et Jésus explique à Nicodème que cette œuvre qu’est la nouvelle naissance ne peut s’opérer si lui-même qui a été envoyé par le Père ne va pas mourir sur la croix (Jn 3.13-14). C’est lui qui est le roi et le bon berger dont parlait Ezéchiel.

Puis Daniel nous décrit cet homme en lin qui peut être le Fils dans sa tenue de grand-prêtre, levant les mains au ciel pour prier le Père éternel par l’intermédiaire du Saint-Esprit (Rm 8.26). C’est lui qui tel un prophète annonce les choses de la fin à Daniel et lui promet la résurrection corporelle et l’entrée par la foi dans la Nouvelle Création car il est devenu héritier du Royaume, enfant de Dieu. Et tout comme le Christ a été ressuscité par le Saint-Esprit, Daniel aussi sera ressuscité par l’Esprit de gloire.

Finalement, la Trinité est à l’œuvre partout, et elle était déjà présente dans l’Ancien Testament. Dieu a révélé plus pleinement les choses par la suite et a accompli ce qu’il avait promis à ses prophètes et à son peuple. Si l’Eglise est aujourd’hui le peuple de Dieu, en continuité avec Israël (malgré quelques discontinuités), quelles peuvent être les implications de tout cela pour nous ? C’est ce que l’article suivant tentera de développer.

 

 

 

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Notes et références :

[1] ALEXANDER Desmond T. & ROSNER Brian S., Dictionnaire de théologie biblique, Exelcis, Charols, 2006, p. 591

 

 

 

 

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Renaud Genevois est pasteur à l’Église Perspectives de Colmar. Avant cela, il a été enseignant dans des écoles chrétiennes durant plusieurs années. Il a étudié à l’Institut Biblique de Genève et à l’Institut Supérieur Protestant à Guebwiller. Il prépare actuellement un master de théologie à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. Renaud est allé plusieurs fois en Afrique enseigner dans un institut biblique et former des enseignants chrétiens. Il écrit régulièrement pour le Bon Combat.