Pourquoi Dieu semble-t-il préférer les « froids » aux « tièdes », en Apocalypse 3.15-16 ?

 

Voici un texte surprenant : « Je connais tes œuvres. Je sais que tu n’es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant! Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. » (Ap 3.15-16)

Pourquoi Dieu semble-t-il préférer les « froids » aux tièdes ? Voici la réponse de G.K. Beale :

 

L’image des Laodicéens n’étant « ni chaud ni froid » mais « tièdes » a traditionnellement été comprise comme une métaphore de leur manque de ferveur spirituelle et de leur engagement à Christ d’un cœur partagé. Le problème de cette approche est que Christ désire apparement qu’ils soient « chauds ou froids », ce qui implique que les deux extrêmes sont vus positivement. L’approche traditionnelle, cependant, voit généralement le « froid » négativement ; l’idée est que Jésus voudrait que ses lecteurs soient soit zélés (« chauds ») ou completement désengagés (« froids »), mais pas « un pied entre les deux ». Mais il est peu probable que Christ incite les lecteurs de l’Apocalypse à un tel extrême de déloyauté totale (quoique, voir 2 P 2.21).

Une interprétation plus récente aborde la métaphore différemment. L’image du chaud, du froid, et de l’eau tiède est alors vue comme un élément spécifique à la Laodicée du premier siècle et à sa région immédiate. L’eau chaude de Hiérapolis avait un effet médicinal et les eaux froides de Colosse étaient pures, potables, et avaient un effet bienfaisant. Cependant, certains indices démontrent que Laodicee n’avait accès qu’à de l’eau chaude, qui n’était pas vraiment potable et qui causait des nausées. En réalité, Laodicee avait atteint la taille d’une ville car sa position géographique était favorable au commerce, mais elle était située loin de toute bonne source d’eau. Quand la ville a cherché à canaliser l’eau, elle n’a rien pu obtenir de plus qu’une eau tiède et nauséabonde.

L’effet de leur conduite sur Christ était semblable à l’effet de leur propre eau sur eux-mêmes—Christ voulait les « recracher de sa bouche ».

Cependant, notre analyse précédente (dans le commentaire, NDLR) a conclut que les « œuvres » inneffectives des Laodicéens consistaient dans leurs efforts de témoignage. Les non-croyants de la ville ne recevaient ni guérison spirituelle, ni vie, car l’Église ne remplissait pas activemement son rôle de témoin de l’Évangile de Christ.

Deux raisons suggèrent que c’est bien la question du témoignage qui est en vue ici:

(1) C’est la raison même pour laquelle toutes les autres églises (citées en Ap. 1-3, NDLR) étaient félicitées ou condamnées. Il serait surprenant que la situation Laodiceene fasse exception
(2) Christ se présente lui même comme « le temoin fidèle et véritable », et puisque toutes les descriptions de Christ dans les autres lettres aux Églises sont directement connectées aux situations particulières de ces églises locales, c’est certainement le cas aussi ici.

 

En d’autres termes, si les chrétiens Laodiceens ne s’approprient pas leur identité en Christ, il ne les reconnaîtra pas au jour du jugement mais il les « vomira de sa bouche ».

 

 

 

Beale, G. K. The Book of Revelation: A Commentary on the Greek Text. New International Greek Testament Commentary. Grand Rapids, MI; Carlisle, Cumbria: W.B. Eerdmans; Paternoster Press, 1999, p. 303-304.

En photo : le système de canalisation de Laodicée, dans l’actuelle Turquie

 

 

 

Gregory K. Beale est professeur de Nouveau Testament à Westminster Theological Seminary (Pennsylvanie, USA). Grand spécialiste de l’intertextualité, notamment en matière d’usage de l’Ancien Testament par les auteurs du Nouveau, son commentaire sur l’Apocalypse dans une perspective évangélique est l’un des plus influents.

 

 

 

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