L’eschatologie des épîtres générales
Voici le début d’une nouvelle série d’articles. Le sujet qui nous intéresse ici est celui de l’eschatologie, autrement dit, ce que la Bible – qui est la Parole inspirée de Dieu par l’intermédiaire du Saint-Esprit – nous apprend en ce qui concerne les choses de la fin des temps. L’eschatologie est donc ce que nous appelons une doctrine et fait partie intégrante de la théologie systématique, qui se donne pour tâche d’étudier ce que dit l’ensemble de l’Ecriture par rapport à un sujet particulier afin d’en retirer une synthèse cohérente et applicable à notre vie de chrétien actuelle. Etant donné que cette doctrine s’intéresse aux choses dernières, elle figure classiquement en dernière partie des livres de systématique. Non pas qu’elle serait moins importante ou intéressante que les autres – bien au contraire – mais parce que dans une construction logique de la pensée théologique, les choses dernières sont celles qui referment le sujet global.
De nombreux ouvrages ont été produits en lien avec ce sujet. Que ce soit des systématiques entières, ou que ce soit en se concentrant sur ce qu’un auteur particulier (par exemple l’apôtre Paul) ou un ensemble littéraire (par exemple Luc-Actes) avaient à nous apprendre. Nous sommes ici plus dans le domaine de la théologie biblique. Nous voyons donc qu’il y a un lien entre théologie biblique et systématique.
Mais beaucoup moins de livres ont été écrits en ce qui concerne l’eschatologie des épîtres que l’on appelle « catholiques ». Pourtant ces lettres adressées directement à des églises, malgré leur relative brièveté, regorgent comme nous allons le voir d’enseignements concernant la fin des temps et le Retour du Christ. Nous pouvons à partir de là nous demander ce que ces épîtres, qui forment une partie infime de la Parole de Dieu, peuvent nous apprendre en lien avec notre sujet, et si cet apport est en conformité avec le reste du Nouveau Testament et de la Bible dans son ensemble. Mais également si elles apportent quelque chose de plus que l’enseignement massif de Paul et des évangiles.
Nous définirons donc dans un premier temps ce que nous entendons par le terme « catholique » et si le choix restreint de cet ensemble est légitime, puis nous ferons une étude exégétique et systématique des textes choisis. Nous tirerons ensuite des implications pour nous aujourd’hui avant de conclure.
Les épîtres catholiques
Définition
Que signifie donc cette appellation « d’épîtres catholiques » ? Le mot catholique ici n’a aucun lien avec l’Eglise Catholique Romaine. Ce terme vient du grec katholikos qui veut dire « universel ». Ces lettres ont été désignées comme cela – d’après les sources actuelles – par le grand historien et Père de l’Eglise Eusèbe de Césarée au IVème siècle dans son Histoire Ecclésiastique (HE II, 23, 25). Il s’agit de lettres qui sont dites universelles car elles ne s’adressaient pas en particulier à une personne précise ou une communauté particulière (hormis le cas très net de 3 Jean), mais plutôt à un ensemble de communautés (Jc 1.1 ; 1P 1.1). Ces lettres semblaient également destinées à être transmises à d’autres églises une fois lues. On peut donc également penser à des épîtres qu’on appelle « circulaires », à l’image de celles aux Colossiens ou aux Thessaloniciens avec l’apôtre Paul (Col 1.16 ; 1Th 5.27).
Ces épîtres qui sont aussi qualifiées parfois de « générales » se constituent des lettres de Jacques, 1 Pierre, 2 Pierre, 1 Jean, 2 Jean, 3 Jean, et Jude. Bien que parfois l’épître aux Hébreux y soit associée, elle est aujourd’hui généralement mise à part du fait qu’elle ait été attribuée durant de nombreux siècles à l’apôtre Paul et rattachée à son corpus particulier (ainsi la majorité des commentateurs admettent actuellement qu’il s’agissait plutôt d’un collaborateur très proche de l’apôtre, et non de Paul lui-même).
Un corpus à part entière
Mais alors, pourquoi avoir décidé de porter notre attention particulière pour traiter notre sujet sur cet ensemble de lettres qui semblent à première vue disparate du fait des différents auteurs, des différents destinataires, des différentes époques d’écriture, des différents contextes historiques et culturels, des différents styles d’écriture, et qui sont de plus étalées sur une période de rédaction qui pourrait aller au plus haut de l’an 45 pour l’épître de Jacques aux années 90 environ pour celles de Jean ? Ce choix volontaire vient de la conviction que cet ensemble n’est en réalité pas si disparate qu’il semblerait à première vue. Au contraire, de nombreux indices nous laisseraient à penser qu’il forme un corpus à part entière au même titre que les épîtres pauliniennes ou les évangiles. Cela ne signifie pas qu’il y aurait un canon dans le canon, de sorte que celui-ci serait auto-suffisant et que nous n’aurions pas besoin du reste de la Bible. La Parole de Dieu est une et indivisible, à l’image de celui qui l’a inspirée. Mais tout comme notre Dieu trinitaire nous révèle et nous apprend l’unité dans la multiplicité, de manière analogique, nous pouvons trouver une forme de diversité dans l’unité de la Révélation progressive. Et cette unité de ce corpus des épîtres catholiques se fait par exemple à l’aide d’un ensemble de thèmes communs, notamment celui de l’eschatologie.
Ainsi, nous pouvons relever que Ladd dans sa Théologie du Nouveau Testament utilise dans son sommaire le terme « d’épîtres générales » à la suite de l’épître aux Hébreux pour parler de l’ensemble allant de Jacques à Jude [1]. De même Carson et Moo utilisent ce vocable dans leur Introduction au livre de Jacques [2]. C’est aussi le cas du Dictionnaire de Théologie Biblique [3]. Relevons comme déjà mentionné, que contrairement à certains, les trois exclus l’épître aux Hébreux de ce corpus. Rajoutons en plus de ce qui a déjà été dit en ce qui concerne cette épître, que sa longueur par rapport aux autres lettres considérées et son affinité avec le corpus paulinien sont suffisamment importants pour en faire un objet d’étude à part entière.
De plus, deux de mes enseignants voient également un corpus à part entière dans les épîtres catholiques. Que ce soit Philippe Henchoz dans son cours de Théologie Biblique donné à l’Institut Biblique de Genève en 2014 ou que ce soit le docteur Donald Cobb dans son cours de Nouveau Testament de 2017, tous deux voient une cohérence dans cet ensemble. Nous pouvons en effet remarquer que ces écrits viennent compléter ce qui est dit ailleurs dans le Nouveau Testament, apportant une lumière nouvelle sur certains aspects déjà révélés. De plus, nous pouvons voir que deux de ces livres sont écrits par des frères de Jésus (Jacques et Jude), alors que les autres sont écrits par deux apôtres (Pierre et Jean). Les deux frères du Seigneur entourant les témoignages du « prince des apôtres » et du « disciple que Jésus aimait ». Les trois colonnes de l’ère apostoliques (Ga 2.9) nous léguant ainsi un témoignage oculaire précieux. De plus, nous pouvons mentionner le fait que leurs écrits viennent juste après ceux de Paul qui n’était pas un apôtre de la première heure et qui était même auparavant un persécuteur zélé de l’Eglise. Ils viennent donc en leur qualité d’apôtres et de témoins du Christ authentifier et confirmer les enseignements de l’apôtre des païens. Ils complètent également notre enseignement afin que nous puissions entrer avec tout ce dont nous avions besoin dans le dernier livre de l’Apocalypse qui clôt la Révélation biblique.
Mais bien que ces écrits soient aussi importants que les autres, il faut également reconnaître le fait que malgré un regain d’intérêt ces dernières années, ils ont été longtemps négligés dans l’étude biblique. Rappelons-nous de Luther qui voyait dans l’épître de Jacques une « épître de paille », dans le sens qu’elle ne nous apprenait rien de plus que ce que Paul avait déjà dit, et que même, elle pouvait prêter à confusion sur certains points. Il a donc semblé intéressant maintenant que nous avons vu la légitimité de ce corpus, de nous pencher sur ce qu’il a à nous apprendre en matière d’eschatologie. C’est ce que nous ferons dans la partie suivante.
Ces ressources pourraient vous intéresser :
- Qu’est-ce que l’image de Dieu a à avoir avec le complémentarisme ?
- Avons-nous le droit d’utiliser des images pour représenter Dieu ?
- Avons-nous de la valeur aux yeux de Dieu ?
Notes et références :
[1] LADD George E., Théologie du Nouveau Testament, Excelsis, Charols, 2010, p 786
[2] CARSON Donald A. & MOO Douglas, Introduction au Nouveau Testament, Excelsis, Charols, 2007, p 579
[3] ALEXANDER Desmond T. & ROSNER Brian S., Dictionnaire de théologie biblique, Exelcis, Charols, 2006, p 76