Pourquoi la Bible parle-t-elle d’un combat entre Dieu et des monstres marins à la création ?

– Article de Michael S. Heiser publié le 10 octobre 2017 sur Logos Talk et extrait de son livre « I Dare You Not to Bore Me with the Bible » (« Je vous mets au défi de ne pas m’ennuyer avec la Bible »). Traduction : Anthony Ramaherison.

 

Quand nous pensons à la création, nos regards se focalisent sur le commencement, avec la parole parlée de Dieu – tel que Genèse 1 nous l’indique. Mais certains spécialistes de l’Ancien Testament s’intéressent à un autre aspect de la création – un aspect pour le moins étrange. Dans le Psaume 74, au beau milieu de la description de Dieu ordonnançant la mer et la terre sèche, et établissant le soleil, la lune, les étoiles, et les saisons, nous découvrons un autre événement : Dieu écrasant des monstres marins.

Dieu est mon roi dès les temps anciens,
Lui qui opère des délivrances au milieu de la terre.
Tu as fendu la mer par ta puissance,
Tu as brisé les têtes des monstres sur les eaux;
Tu as écrasé la tête du crocodile [léviathan],
Tu l’as donné pour nourriture au peuple du désert.
Tu as fait jaillir des sources et des torrents,
Tu as mis à sec des fleuves qui ne tarissent point.
A toi est le jour, à toi est la nuit;
Tu as créé la lumière et le soleil.
Tu as fixé toutes les limites de la terre,
Tu as établi l’été et l’hiver.
‭‭(Psaumes‬ ‭74.12-17‬) ‭

 

En guerre avec le monstre marin

La référence à Dieu « brisant la tête des monstres des mers » et écrasant « la tête du léviathan » a conduit de nombreux spécialistes à l’étude désespérée de la zoologie de l’Ancien Testament. Mais, de même que d’autres images de l’Ancien Testament, ce thème fait appel à un contexte culturel bien précis. Dans le monde antique, les conditions chaotiques initiales (« primordiales ») de la création étaient souvent représentées sous les traits d’un dragon monstrueux. Ceci est notamment reflété dans les textes Babyloniens et du proche voisin d’Israël, Ougarit (l’ancienne Syrie, juste au nord d’Israël).

Dans la littérature ougaritique ancienne, le dieu Baal affronte Yamm, qui est illustré par un dragon terrifiant, chaotique, agitant les mers, et qui nommé tantôt Tannun ou tantôt Litanu. Ces termes sont équivalents aux mots hébreux du Psaume 74.13-14: « Tu as fendu la mer (ים, yam) par ta puissance, tu as brisé les têtes des monstres des eaux (תנינים, tanninim); tu as écrasé la tête du léviathan (לויתן, liwyatan). »

D’autres parallèles se trouvent se trouvent à d’autres endroits de l’Ancien Testament. Dans les récits ougaritiques, Litanu est décrit comme un « serpent fuyant ». Ce sont très précisément les mêmes phrases qui sont utilisées pour décrire le monstre marin Léviathan dans l’Ancien Testament (Es 27.1 ; Jb 26.13).

 

Quelle est l’explication ?

Dieu ne s’est pas littéralement battu contre un dragon au commencement de la création. Cette imagerie reflète une ancienne vision du monde voyant la mer comme une entité imprévisible, violente et indomptable. Elle effrayait les anciens. Seul le pouvoir d’un puissant Dieu pouvait produire un monde habitable de cette mer chaotique -un acte présenté comme une bataille avec l’abîme. Dieu fut victorieux dans ce conflit, comme le raconte Psaume 74.

Cette imagerie est intentionnellement réutilisée tout au long de l’Ancien Testament. En Es 51.9-10, l’image du monstre marin (cette fois appelé « Rahab ») est appliquée aux Israélites échappés d’Égypte. C’est le bras du Seigneur qui « abattit Rahab » et « qui transperça le dragon (תנין, tannin)… qui mis la mer à sec, les eaux du grand abîme, et frayas dans les profondeurs de la mer un chemin pour le passage des rachetés » (NBS). Ce motif – le même que celui utilisé dans les histoires de la création -décrit efficacement la naissance d’une nouvelle nation après que Dieu ait défait l’Égypte.

C’est avec le même langage qu’Ésaïe décrit la fin des temps  : « En ce jour, l’Eternel frappera de sa dure, grande et forte épée, le léviathan, serpent fuyard, le léviathan, serpent tortueux ; Et il tuera le monstre qui est dans la mer » (Es‬ ‭27.1‬). Le livre de l’Apocalypse, s’appuyant sur Es 27:1, décrit un temps où « la mer n’est plus » (Ap 21.1). L’élimination de tous ceux qui s’opposent à Dieu ne viendra qu’avec son règne final sur la terre. Ce violent monstre marin ne sera vraiment mis à mort que lorsque les nouveaux cieux et la nouvelle terre seront intronisés.

 

 

Michael S. Heiser est éditeur académique chez Faithlife, la compagnie produisant et diffusant le logiciel biblique Logos. Spécialiste des études sémitiques, Heiser est capable de traduire des textes issus d’une douzaine de langues anciennes. Il titulaire d’un master et d’un doctorat en Bible hébraïque et en langues sémitiques anciennes de l’Université de Wisconsin-Madison. Lisez ses contributions fréquentes sur son blog

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