Qui doit baptiser les nouveaux convertis ?

Qui peut baptiser ?

J’utilise une version adaptée par mes soins de M2D, un processus de discipulat très efficace créé par Ying Kai et Steve Smith. Dans sa version originale, cette méthode —essentiellement basée sur le commandement missionnaire de Mt 28.18–20 et sur le livre des Actes— met l’accent sur la multiplication des disciples et les enjoint à rapidement se mettre à l’oeuvre après leur conversion, ce qui n’est pas sans soulever certaines questions.

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En voici une : qui devrait réaliser les baptêmes ? Pour Ying Kai, qui s’appuie sur l’itération (le « passage de témoin » appelé à être reproduit) de Mt 28.18–20, ce sont ceux qui ont annoncé l’évangile au nouveau converti qui devraient le baptiser. J’ai adhéré à cette position pendant un temps, avant de rapidement m’en écarter

Quelques réflexions à ce sujet.

Aucun enseignement direct

C’est un élément non négligeable, souvent invoqué comme décisif : il n’existe aucune portion didactique portant sur le mode d’administration du baptême dans le Nouveau Testament. Bien sûr, un tel argument du silence peut être utilisé par toutes les parties.

Théoriquement, tout le monde peut baptiser

Les douze occurrences narratives de baptêmes dans le Nouveau Testament indiquent clairement que les personnes effectuant les baptêmes n’exerçaient pas nécessairement de responsabilité particulière. Ainsi, c’est Ananias, présenté simplement comme disciple, qui a baptisé Paul (Ac 9.18–19; 22.14–16), et c’est Philippe, qui n’était apparemment ni apôtre, ni ancien, qui a baptisé l’eunuque Éthiopien (Ac 8.36–39). On peut raisonnablement affirmer que Philippe a également baptisé les Samaritains auxquels il a annoncé la Parole (Ac 8.5–13).

Certains cherchent à faire le lien entre le ministère supposé de Philippe (évangéliste) et sa “capacité” à effectuer les baptêmes. L’option est alléchante, mais indémontrable. De plus, pour ma part, j’ai tendance à penser que la qualification de Philippe comme “évangéliste” (Ac 21.8) sert simplement à le désambigüiser de Philippe l’apôtre (Ac 1.13). [Pour une excellente discussion autour de la désambiguïsation des noms propres dans le Nouveau Testament et leur impact dans la recherche néo-testamentaire, voir cette excellente conférence de Peter Williams]

La question du baptême des Corinthiens pourrait également appuyer la possibilité d’un rite réalisé par un laïc, voire même par un jeune converti. En effet, Paul oppose à ceux qui se réclament de lui qu’il n’a pas été envoyé pour baptiser (1 Co 1.17), et il justifie son propos en listant ceux qui, de sa main, sont passés par les eaux du baptême. Nous n’y trouvons que deux individus, Crispus et Gaius, et une famille, celle de Stephanas (1 Co 1.14–16). Certains argueront que Silas et Timothée l’avaient rejoint à Corinthe (Ac 18.5), mais un certain laps de temps semble s’être écoulé entre l’arrivée de Paul et celle de ses collaborateurs, de sorte que l’apôtre a dû reprendre un travail séculier (Ac 18.1–4). Dans tous les cas, le fait même que Paul affirme qu’il n’a pas été appelé à baptiser tend à démontrer que les schémas bibliques ne sont aussi rigides que certains voudraient le penser.

Le baptême est un acte qui engage la communauté

Le baptême, en tant qu’engagement public et personnel de celui qui le reçoit, est un acte individuel profondément significatif. Mais il engage également l’Eglise, qui entend le témoignage et atteste de la profession de foi du baptisé.Le baptême est donc un acte communautaire.

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C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’itération de la Grande Mission : les apôtres, qui représentent l’Eglise, sont appelés à faire de « toutes les nations » des disciples qu’elles baptiseront et à qui elles enseigneront à observer « tout ce que [Jésus] a prescrit », incluant l’action de baptiser les nouveaux disciples. Le commandement n’est pas donné à chaque personnalité apostolique individuelle, mais à l’Eglise dans son ensemble représentée ici par les 11 (et sans doute également par les « 500 frères » également présents, 1 Co 15.1–3).

Conclusion : qui devrait baptiser les nouveaux convertis ?

Il me semble que rien n’empêche que le baptême soit réalisé par un laïc, mais l’accent que le Nouveau Testament met sur l’Eglise nous engage à respecter son expression locale. J’estime donc que, lorsque qu’une église locale existe, il est préférable que le baptême soit réalisé par ses responsables identifiés.

Derrière cette question se profile également celle de la représentation du leadership local. Ceux qui visitent une église pour la première fois ont tendance à associer les personnes mises en avant à l’encadrement de l’assemblée. De mon point de vue, ceux qui sont exposés de la sorte devraient à minima être conscient de ce fait.

Enfin, je crois qu’il est souvent très difficile d’identifier celle ou celui qui est à l’origine de la conversion d’une personne. Une conversion est souvent le fruit d’un parcours spirituel dans lequel différents individus  interviennent. En tant que pasteur, j’ai “amené de nombreuses personnes au Seigneur” (je réalise que je n’aime pas du tout cette expression !). Pourquoi ? Parce que je suis souvent le dernier maillon de la chaîne, le “professionnel” auquel les membres de mon assemblée amènent leurs contacts en questionnement. Tout le travail de témoignage s’est fait en amont, et je ne fais que moissonner les fruits de ce que d’autres ont semé.

Être témoin de la profession de foi initiale d’un individu fait-il de moi un meilleur candidat pour le baptiser ? Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un critère si pertinent, au final…

 

 

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Guillaume Bourin est co-fondateur du blog Le Bon Combat et directeur des formations #Transmettre. Docteur en théologie (Ph.D., University of Aberdeen, 2021), il est l'auteur du livre Je répandrai sur vous une eau pure : perspectives bibliques sur la régénération baptismale (2018, Éditions Impact Academia) et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs. Guillaume est marié à Elodie et est l'heureux papa de Jules et de Maël