Prier en langues, est-ce réellement édifiant ?
Cet article n’a pas pour but de reprendre, de corriger, ou même de blesser le lecteur. Personne ne remet en cause la réalité de l’expérience de ceux qui pratiquent le parler en langues. Dans les lignes qui vont suivre, vous découvrirez simplement le témoignage d’un homme qui pratiquait le parler en langues « moderne » et qui ne le pratique plus. Nous espérons que vous percevrez tous la perspective irénique de ce billet.
Mise à jour du 27/05/2017 : nous avons supprimé toute référence à la délivrance, voir cet article pour davantage d’explications.
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Introduction
Je suis né dans les milieux pentecôtistes. J’ai parlé en langues régulièrement, instinctivement, et activement pendant plus d’une décennie après avoir reçu l’imposition des mains d’une prophétesse Anglo-Canadienne alors que j’avais entre 10 et 12 ans. C’était quelques temps avant mon baptême.
Depuis maintenant plus de 15 ans, à la lumière d’une étude attentive des écritures, j’en suis venu à la conclusion que mon expérience, aussi réelle fusse-t-elle, n’était pas compatible avec le don des langues tel que présenté dans le livre des Actes, ni même avec une interprétation correcte de la deuxième lettre aux Corinthiens.
J’ai donc décidé d’arrêter la pratique. Je vous explique plus en détails dans les paragraphes qui suivent.
Compréhension globale du don des langues
Nombre d’études existent sur les passages clés des Écritures touchant le sujet du parler en langues. Je ne veux pas en faire une exposition systématique ici. Mais je peux simplement affirmer que je crois que quand l’apôtre Paul parle des langues, il montre que les langues sont une prophétie pour ceux qui la comprennent (les nations / les croyants, 1 Cor 14 :22), tandis qu’un signe de jugement pour/sur ceux qui ne la comprennent pas (les Hébreux / les incroyants, 1 Cor 14 :22).
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Cette interprétation est totalement compatible avec ce qui s’est passé en Actes 2. C’est comme si par cet événement Dieu disait aux Hébreux incroyants : « Je ne vous parle plus, je parle maintenant aux nations». Dans le contexte de transition de l’Ancienne à la Nouvelle Alliance au premier siècle de notre ère, les langues étrangères sont donc un signe de jugement sur Israël incrédule.
« Il est écrit dans la loi : C’est par des hommes d’une autre langue Et par des lèvres d’étrangers Que je parlerai à ce peuple, Et ils ne m’écouteront pas même ainsi, dit le Seigneur. »
1 Cor 14:21 / Ésaïe 28 :11
« Or je vous le déclare, plusieurs viendront de l’Orient et de l’Occident, et se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux. Mais les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. »
Matthieu 8: 11 – 12
« C’est pourquoi, je vous le dis, le royaume de Dieu vous sera enlevé et sera donné à une nation qui en produira les fruits. Quiconque tombera sur cette pierre s’y brisera, et celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera. »
Matthieu 21: 43 – 44
Outre la destruction de Jérusalem et du temple en 70 après JC, la preuve la plus apparente de ce jugement encore aujourd’hui est le simple fait que le NT ait été écrit, non pas dans la langue Hébraïque, mais dans la langue des nations.
Ainsi, prophétiser via des langues incompréhensibles ne fait aucun sens dans la perspective de l’édification de l’église, surtout en tenant compte du fait que cela a mené à la destruction de l’ancien système religieux. Au mieux, cela ne fait qu’édifier celui qui parle (1 Cor 14:4). Au pire, ça ne le fait peut-être même pas si Paul est ironique quand il dit cela — et personnellement, je perçois une certaine ironie dans son discours.
Mon expérience moderne de la prière en langues
De par mon expérience personnelle, je crois qu’il existe un danger à la prière pratiquée par le parlé en langues : la paresse intellectuelle. En effet, j’ai constaté qu’il est beaucoup plus facile de prier en langues que de prier avec l’intelligence. L’utilisation des langues dans la prière peut être un moyen de persévérer dans une atmosphère de prière en remplissant les vides entres les phrases intelligibles. Un peu comme les « heuuuu » s’insérant quasi-automatiquement dans le discours d’une personne hésitante. Cela tend à éviter le malaise des temps morts.
Ou encore, les langues peuvent prendre la place de toutes les phrases intelligibles. Cela vous surprendra peut-être, mais ce genre de prière n’est pas nécessairement considéré incomplet par la personne qui prie en langues. Dans sa perspective, elle a accompli ce qui était difficile : prier avec l’aide de l’Esprit … Comment cela pourrait-il être incomplet? Cette pensée peut facilement laisser croire à la personne qu’elle a réellement et pleinement prié. Cependant, ceci ne correspond en rien aux modèles de prières que nous trouvons dans les Écritures.
Ceux qui n’ont jamais parlé en langues ont généralement une incompréhension totale de ce mode d’expression. Une analogie pourrait peut-être les aider. Je crois que le parler en langues tel que nous le retrouvons dans certains cercles évangéliques aujourd’hui est semblable aux discours que font les bébés avant de même savoir parler. Ils veulent communiquer, ils ressentent beaucoup d’émotions, mais ils ne savent ni quoi dire, ni comment le dire. Alors ils font toutes sortes de sons pour exprimer leurs émotions et leurs désirs avant même de savoir véritablement parler. La prière en langues ressemble beaucoup à ce phénomène.
Face à la grandeur de Christ est de son amour, nous ne savons quoi dire. Alors nous nous exprimons tout de même. Cependant, je ne conçois pas que le Seigneur nous appelle à demeurer au stade «d’enfant » dans la prière, mais à grandir dans celle-ci au même titre que croissons dans notre foi.
Le point tournant
Quand j’ai commencé à avoir des doutes sur la véracité du don des langues tel que pratiqué dans mon milieu, j’ai eu l’idée de mettre le mien à l’épreuve. Je vous épargne les détails de cette méthode pas vraiment scientifique. J’ai alors réalisé que mes langues n’avaient rien de commun avec les langues structurées telles que celles dont les nations de la terre usent. De plus, si c’était des langues inspirées de l’Esprit, comment se fait-il que je pouvais les modifier à volonté ? Comment se fait-il que j’avais un contrôle sur leur manifestation ? J’en suis venu à la conclusion que les langues telles que les Écritures nous les présentent ne sont pas les langues inintelligibles et sans structure, à la différence de celles pratiquées dans les milieux pentecôtistes/charismatiques.
Ma compréhension de la Parole a eu le dessus sur mon expérience : si mon expérience n’était pas commandée par les Écritures, pourquoi continuer à la pratiquer?
Le sevrage
Comme pour toute habitude bien ancrée, un processus de sevrage personnel a été nécessaire. Par sevrage, j’entends qu’il m’a été difficile d’abandonner le réflexe que j’avais de prier en langues en toutes circonstances, surtout lorsque mes émotions atteignaient un point culminant : deuil, excitation, peine, etc.
J’ai dû combattre ces réflexes pendant plusieurs mois. J’ai dû apprendre à transformer mes mots inintelligibles en mots intelligibles. De plus en plus, les périodes de « rechute » s’espaçaient, jusqu’au jour où j’ai été surpris de me rendre compte que je n’avais plus eu le réflexe de prier en langues depuis plusieurs mois. Soyez en certains: quelqu’un ne pourra arrêter de parler en langues aussi facilement qu’il change de paires de chaussures …
Le vide laissé
Par la suite, mon sevrage du parler en langues a laissé un vide dans mes prières, et cela a duré longtemps. Comme cette pratique était considérée comme le moyen par excellence pour prier –prier par l’Esprit disait-on — je n’avais pas appris à prier comme le roi David. Je n’en avais même jamais ressenti le besoin. Je priais par l’Esprit après tout ! Ou d’un autre point de vue, « l’Esprit lui-même [intercédait] par des soupirs inexprimables » (Rom 8 :26)
David nous a laissé le manuel de prières que l’Éternel à bien voulu donner dans Sa Parole pour les chrétiens de toutes générations (les Psaumes). Ce « manuel » enseigne à prier non pas en langues inintelligibles, mais avec toute son intelligence. Christ chantait les Psaumes et les méditait juste avant son arrestation à Gethsémané. L’Eglise en a fait un usage important dans le cadre de l’adoration tout au long de son histoire. La réforme protestante, l’un des plus grands réveils évangéliques, les a élevés comme le plus important recueil de chants et de prières inspirés. Qui oserait le remplacer par quoique-ce soit d’autre?
C’est récemment que j’ai redécouvert la pertinence du Psautier (les Psaumes mis en vers français) et de son utilité pour combler le vide de ma prière, mes méditations, et pour faire véritablement grandir ma foi en Dieu et ma connaissance de Sa Parole. Et ce n’est pas moi seul, mais aussi la famille que Dieu m’a accordé de conduire spirituellement. Je n’ai jamais eu autant de discussion sur la foi, sur le péché, sur la repentance, sur le pardon, et sur la piété chrétienne que depuis que je chante les Psaumes de David avec mes enfants. Nous apprenons à prier, non pas comme des enfants, mais comme des adultes. En priant les Psaumes, c’est véritablement les paroles de Christ qui sont mises dans notre bouche. Le Saint Esprit scelle la Parole de Christ dans nos coeurs afin que nous apprenions à prier comme Christ. Tout à coup, il est possible de prier par l’Esprit et avec l’intelligence! (1 Cor 14:15)
Conclusion
Ce parler en langues, moderne et populaire, incompréhensible par qui que ce soit sur la terre, est-il le parler en langues biblique? Je ne peux plus croire cela. Davantage, alors que j’ai longtemps pensé que cette pratique était inoffensive, je me rends compte aujourd’hui qu’une chose vaine prend toujours la place d’une chose importante, et qu’elle invite toujours d’autres vanités qui lui sont jointes.
Pour ma part, une fois sevré, j’ai constaté le vide que ce parler en langues a laissé. Merci Seigneur de le combler par une nourriture bien plus satisfaisante : Sa véritable Parole!
Seigneur, enseigne-nous à prier.
Luc 11:1
NB: Pour ceux qui chercheraient un psautier moderne et fidèle au texte original, je suggère fortement l’adaptation en français actuel du Psautier de Genève par Marc-François Gonin. Aucun verset n’est négligé et il est toujours possible de les chanter avec les airs originaux. Un chef d’oeuvre!