Comment prêcher les Psaumes ?

 

Suite et fin notre étude du livre des Psaumes, que ce soit dans son contenu ou bien en ce qui concerne le livre en lui-même.

Voici la liste des articles précédents, si vous n’avez pas eu l’occasion de les lire :

  1. Sur l’entrée du Psautier
  2. Sur la structure du Psautier
  3. À quoi donc les Psaumes peuvent servir pour le chrétien du 21ème siècle ?
  4. L’utilisation des Psaumes dans l’histoire du peuple de Dieu
  5. Formation et caractéristiques du livre des Psaumes
  6. Les suscriptions des Psaumes et le problème des Psaumes d’imprécation

 

Nous arrivons donc à la fin de notre étude sur le livre des Psaumes. Ce dernier article se veut pratique, dans le sens où nous allons aborder le sujet de la prédication du psautier. Maintenant que nous sommes familiers de la structure de ce livre, que nous connaissons mieux son histoire, son utilisation, et que nous avons abordé quelques questions difficiles le concernant, comment pouvons-nous étudier et enseigner ce livre dans nos Églises locales aujourd’hui ?

Afin de répondre à cette question et de pouvoir approfondir notre exégèse et notre herméneutique de ces psaumes, nous allons survoler quelques éléments concernant la théologie du psautier ainsi que les grands thèmes qui le parcourent.

 

 

La théologie du livre des Psaumes

Le premier élément qui doit être mentionné avant toute chose est qu’il est particulièrement difficile de discerner un message théologique dans le livre des Psaumes, beaucoup plus que dans les autres livres de l’Ancien Testament[1]. Pourtant, la théologie du psautier est très approfondie. Longman et Dillard n’hésitent pas à parler d’ailleurs d’un « microcosme de l’Ancien Testament ». La difficulté de discerner un message théologique global dans le livre des Psaumes ne vient donc pas du manque de contenu, mais plutôt du fait que la théologie du psautier est de même envergure que la théologie de l’Ancien Testament[2]. Cependant, bien que la théologie des Psaumes comporte beaucoup de chevauchements avec le reste de l’Ancien Testament, elle possède des aspects spécifiques et des thèmes dominants qui seront développés par la suite.

La question que nous pouvons nous poser devant cette ampleur théologique est de savoir si finalement le livre des Psaumes possède une théologie cohérente. Et la réponse est oui (pour plus de détails, lire cet article : « La structure du psautier »). De plus, la cohérence globale du psautier devrait nous pousser, malgré la diversité de contexte des différents psaumes, à interpréter chaque psaume dans le contexte global du psautier. Ainsi, l’étude théologique des Psaumes s’apparente essentiellement à de la théologie biblique. À cause de cette particularité structurelle du livre des Psaumes, Longman et Dillard mettent en avant l’importance du genre littéraire de chaque psaume. Ils conseillent donc, lors de l’étude d’un psaume particulier, d’éviter l’exégèse avec les psaumes qui le précèdent et qui le suivent, mais plutôt d’étudier les psaumes qui sont d’un même genre littéraire que celui étudié[3].

 

 

Les grands thèmes du livre des Psaumes

Même si nous pouvons avoir une impression globale de joie à la lecture des Psaumes, ce sont pourtant les lamentations qui sont les plus nombreuses[4]. Grogan explique aussi que malgré un triomphalisme apparent, ce sont bien la nature pécheresse de l’homme et son besoin de justification par la foi seule qui ressortent (Ps 32.1-2) – deux grands thèmes de la théologie du salut dans le Nouveau Testament (Rm 3.10-18, 4.6-8)[5].

Mais quels sont les grands thèmes qui traversent et unissent le livre des Psaumes ? Celui qui est peut-être le plus évident est le thème de la royauté. Bien que le personnage du roi David soit presque partout, notamment dans les deux premiers livres du psautier, le thème de la royauté ne disparaît pas du livre des Psaumes avec lui, puisque la royauté se retrouve également dans les psaumes 110 et 132. En ce qui concerne David, ce qui revient aussi très souvent – et qui sera réellement mis en avant dans le Nouveau Testament – sont les souffrances du roi messianique (Ps 22, 69)[6]. Selon Waltke, cette interprétation royale des Psaumes est légitime pour trois raisons[7]. Premièrement, elle nous permet de pouvoir entendre les pensées du roi. Deuxièmement, le Nouveau Testament attribue la plupart de ses citations des Psaumes au roi David. Troisièmement, cette interprétation royale nous permet d’avoir en même temps une compréhension messianique des Psaumes.

Un autre grand thème du psautier est celui de la foi. En effet, pour le psalmiste, l’Éternel est un refuge. De plus, les auteurs des Psaumes posent régulièrement des questions à YHWH, et ils ont une forte espérance en l’accomplissement eschatologique des promesses de Dieu[8]. Il y a également le thème de l’obéissance. Cette dernière façonne et réoriente la foi comme nous pouvons le lire dans les psaumes dits « de reconnaissance ». Longman et Dillard font aussi remarquer que les Psaumes commencent par l’obéissance et finissent par la louange[9].

Vient ensuite le thème de la personne de Dieu. Le nom YHWH apparaît environ 600 fois. C’est le nom de Dieu qui est le plus utilisé dans le psautier : le nom personnel de Dieu pour une relation de piété personnelle. Dans le livre 2, c’est le nom Élohim qui est plus présent. On retrouve également « le Seigneur des armées » lors des guerres de David et « le Très-Haut » (Ps 76.3). Dieu est également présenté comme le Dieu créateur, protecteur, et tout-puissant, celui qui est opposé aux idoles. Il est le Dieu d’Israël, le « Saint d’Israël »[10]. De plus, partout dans le psautier, les attributs et les œuvres de Dieu suscitent la louange[11]. Il y a encore le thème de l’espérance eschatologique (Ps 10, 73)[12], l’insistance sur la rectitude morale plutôt que sur le cérémoniel (Ps 15, 24)[13], l’invitation à venir à Dieu adressée aux nations (Ps 89), ainsi que le thème très important de l’alliance et des relations de Dieu avec son peuple élu. Dieu est présenté comme berger, guerrier, père, mère, roi, et mari pour Israël[14]. Ce sont notamment les alliances abrahamique et davidique qui sont mises en avant[15].

Les Psaumes sont également un abrégé de la théologie d’Israël au sujet de Sion[16]. Waltke écrit que dans la pensée proche-orientale, le temple céleste d’une divinité était inséparable de sa résidence terrestre. Ainsi, la ville de Jérusalem / Sion est sainte et glorieuse car elle abrite la maison de l’Éternel. C’est parce que Dieu y a établi sa demeure que Sion semble invulnérable[17]. Enfin, l’altitude de Sion, élevée au-dessus de toute la création, est vue théologiquement.

Pour terminer sur les grands thèmes du psautier, relevons une transformation du concept de royauté dans les périodes postexilique et intertestamentaire avec l’attente d’un « David de la fin des temps » : le Messie[18]. Le livre des Psaumes fournit une contribution importante à la doctrine du Messie – peut-être plus qu’aucun autre livre de l’Ancien Testament –, et il offre un avancement significatif du message de la Bible selon lequel le royaume de Dieu arrive pour manifester la gloire et le règne universel de YHWH. Nous pouvons lire dans les livres des prophètes Agée et Zacharie une grande déception au sujet du roi Zorobabel et du grand-prêtre Josué. Bien qu’Israël soit rentré d’exil et que le temple ait été reconstruit, il y a une attente d’un Messie futur[19]. Ainsi, progressivement, est née la nécessité de revêtir le psautier d’un sens nouveau afin de l’appliquer non plus au roi historique, mais au Messie. Le roi n’aura plus seulement un mandat terrestre et national, mais il sera revêtu d’un mandat divin et universel[20].

 

 

Application pour l’Église

Plusieurs questions se posent maintenant pour nous, chrétiens modernes : que faire aujourd’hui des thèmes comme « roi messianique » ou « ennemis »[21] ? Gordon Fee ajoute : « Comment ces paroles adressées à Dieu fonctionnent-elles comme une parole de Dieu pour nous ? Dans quelle mesure, aujourd’hui, faire siennes les paroles des psalmistes qui reflètent la vie spirituelle des croyants de l’époque qui ne connaissent pas Jésus »[22] ? La piété juive est-elle identique à la piété chrétienne ? En quoi l’œuvre du Christ me place-t-elle dans une situation différente de celle du psalmiste[23] ? Nous avons déjà donné des éléments de réponse à la plupart de ces questions tout au long des différents articles et des différents sujets que nous avons abordés. Cependant, deux points méritent d’être ajoutés ici.

Le premier concerne la notion de typologie. En effet, les notions de continuité et de discontinuité sont importantes à prendre en compte lorsque nous lisons les Psaumes. Ainsi, selon Matthieu Sanders, il y a une réelle légitimité pour les chrétiens de faire une lecture typologique des Psaumes[24]. En revanche, cela ne signifie pas que chaque mot doit être dit du Christ. Les règles herméneutiques relatives à l’utilisation de la typologie – notamment les notions de continuité et de discontinuité entre deux éléments, ainsi que la nécessité de points de contact clairs et d’un avancement du type vers l’antitype – doivent être respectées. Par exemple, Jacques Buchhold explique que seules les manifestations eschatologiques de YHWH peuvent êtres dites du Christ. C’est dans ces seuls cas que YHWH est un type du Christ[25].

Le deuxième point concerne la manière de lire un psaume. En effet, le « je » du psalmiste peut être interprété sur trois niveaux de lecture différents qui sont :

– le témoignage personnel : le « je » est le psalmiste.

– la lecture communautaire : le « je » est le directeur du culte.

– la lecture individuelle : le « je » est moi-même.

 

 

Conclusion

Pour terminer, nous pouvons dire qu’interpréter les Psaumes et les appliquer à l’Église d’aujourd’hui n’est pas une mince affaire. La théologie des Psaumes est large et profonde. Pour être comprise, elle nécessite une bonne connaissance de l’Ancien Testament et de l’histoire du peuple Juif. De plus, de nombreux thèmes traversent le livre des Psaumes.

Il est important de les connaître et de les garder à l’esprit tous ensemble lorsque nous faisons notre lecture ou notre étude. Ils sont autant de fils qui nous permettent de relier les différentes parties et les différents livres du psautier afin de donner une cohérence à cette grande fresque théologique et historique. La discipline de la théologie biblique et certaines règles de base de l’herméneutique, comme la typologie et les différents niveaux de lecture, peuvent être d’une grande aide dans la préparation d’une prédication d’un psaume particulier. La tâche est grande et peut sembler compliquée, mais quels beaux fruits porteront une étude et une exposition sérieuses de ces poèmes de Dieu pour le peuple de Dieu aujourd’hui.

 

 

 

Notes et références :

[1] T. Longman et R.B. Dillard, Introduction à l’Ancien Testament, Excelsis, Charols, 2008, p. 238.

[2] Ibid., p. 239.

[3] Ibid., p. 238.

[4] Ibid., p. 237-238.

[5] G.W. Grogan, « Les Psaumes », in T.D. Alexander et B.S. Rosner (sous dir.), Dictionnaire de Théologie Biblique, Excelsis, Charols, 2006, p. 228.

[6] T. Longman et R.B. Dillard, op. cit., p. 225, 240-243 ; B. Waltke, op. cit., p. 960.

[7] B. Waltke, Théologie de l’Ancien Testament, Excelsis, Charols, 2012, p. 941.

[8] T. Longman et R.B. Dillard, op. cit., p. 225-226.

[9] Ibid., p. 226.

[10] Ibid., p. 227.

[11] Ibid., p. 229.

[12] Ibid., p. 228.

[13] Ibid., p. 229.

[14] T. Longman et R.B. Dillard, op. cit., p. 239.

[15] B. Waltke, op. cit., p. 959.

[16] Ibid., p. 578.

[17] Ibid., p. 579.

[18] Ibid., p. 937.

[19] Ibid., p. 956.

[20] M. Petrossian, « Les Psaumes dans le judaïsme du Second Temple », Redécouvrir les Psaumes : Actes du Colloque 2012 à Vaux-sur-Seine, collection Interprétation, Excelsis, Édifac, Charols, Vaux-sur-Seine, 2015, p. 64.

[21] Ibid., p. 164.

[22] Ibid., p. 163.

[23] Ibid., p. 173.

[24] M. Sanders, Introduction à l’Herméneutique, Édifac, Vaux-sur-Seine, 2015, p. 173.

[25] J. Buchold, « Jésus et les apôtres, lecteurs des Psaumes (II) », Redécouvrir les Psaumes, p. 206.

 

 

 

 

 

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Renaud Genevois est pasteur à l’Église Perspectives de Colmar. Avant cela, il a été enseignant dans des écoles chrétiennes durant plusieurs années. Il a étudié à l’Institut Biblique de Genève et à l’Institut Supérieur Protestant à Guebwiller. Il prépare actuellement un master de théologie à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. Renaud est allé plusieurs fois en Afrique enseigner dans un institut biblique et former des enseignants chrétiens. Il écrit régulièrement pour le Bon Combat.