Pourquoi la Bonne Nouvelle devient-elle mauvaise sans Adam ?
Michael Reeves est auteur et Conseiller Théologique de l’UCCF (équivalent des GBU Français) au Royaume-Uni. Il supervise Theology Network, un site web anglo-saxon de ressources théologiques, et a officié dans le passé à l’église All Souls Church, Langham Place. L’article ci-dessous est un billet posté sur le site de John Piper, desiringGod, le 26 janvier 2013.
Traduction de l’anglais par Helène Messet.
Imaginez la scène : George Whitefield (1) vient juste de prêcher. Partout, les yeux brillent et les gens parlent de la merveilleuse grâce de Christ. Des milliers de cœurs viennent d’être renversés et confondus ; des vies sont transformées.
Mais maintenant : si l’Eglise renonce à croire en l’existence d’un Adam historique, nous ne reverrons plus jamais de telles scènes.
- Pensez-vous que j’aille trop loin ?
- Me trouvez-vous trop dur ?
Ce n’est certainement pas le cas.
Car ce n’est pas uniquement le fait que les généalogies bibliques présentent Adam comme une figure historique, ou encore que Paul lie certains arguments clés de sa doctrine au fait qu’Adam soit tout aussi réel que Christ (Romains 5 ; 1 Corinthiens 15).
Adam a, dans la Bible, une signification qui dépasse de loin le simple nombre de mentions qui en est fait. En réalité, sa signification tellement centrale que, sans lui, l’Evangile serait méconnaissable.
Compte tenu de certaines contraintes de longueur, j’indiquerai seulement deux raisons pour lesquelles le fait de mythifier Adam sape le fondement de l’Evangile.
1- Mythifier Adam fait de Dieu un Dieu mauvais
Considérons les choses sous cet angle : et si le péché n’était pas entré dans le monde à un moment précis dans le temps, et qu’il n’y avait pas eu de premier péché historique, et réel ? Dans ce cas, nous sommes obligés de considérer que Dieu a créé un monde déchu, marqué par le péché.
Le péché est alors forcément une partie de ce que Dieu a déclaré “très bon“ (Genèse 1 :31). Par conséquent, il s’agit soit d’une faille dans le caractère de Dieu, d’une certaine tendance au mal en lui, soit du résultat d’un compromis qu’il aurait fait avec un mal préexistant ou encore avec une forme de matière déficiente.
En d’autres termes, nous devenons dans ce cas obligés de nier soit la bonté absolue de Dieu, soit la souveraineté absolue de Dieu. Or, le rejet de l’un ou de l’autre ébranle nécessairement les fondements de la foi chrétienne.
Et l’on peut également se demander : qu’est-ce que Jésus était en train de faire sur la croix, alors qu’il triomphait du péché, de la mort et du mal ? Etait-il en train de défaire ce qu’il avait lui-même instauré ?
2- Mythifier Adam déchire notre salut
Maintenant interrogeons-nous : et si Adam n’était qu’une figure mythologique symbolisant la manière dont nous nous sommes tous détournés de Dieu ?
Dans ce cas, pécher ne constituerait pas un problème en soi, puisque nous sommes tous nés avec : c’est en quelque sorte un héritage. Le péché n’est alors pas quelque chose qui nous façonne encore et encore depuis notre naissance ; il s’agit de quelque chose de superficiel, une chose pour laquelle nous optons librement.
Notons, premièrement, que cela va complètement à l’encontre de tout ce que la Bible dit au sujet du péché. Je ne pèche pas parce que j’aurais librement choisi de pécher depuis une certaine ‘position de neutralité‘ spirituelle ; je pèche parce que mes inclinaisons les plus profondes sont pécheresses.
Je pèche parce que je suis pécheur. “Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits“, dit Jésus (Matthieu 7:17)
Deuxièmement, et plus préoccupant : si le péché est quelque chose de superficiel, quelque chose pour lequel j’opte simplement, dans ce cas mon besoin de grâce est également superficiel. Si j’ai librement choisi le péché, je peux donc maintenant librement choisir Christ. En d’autres termes, je n’ai nullement besoin d’une régénération surnaturelle de mon cœur et de mon être tout entier.
Le péché a juste été un mauvais choix. Je ne suis pas si malade que cela.
Et qu’est-ce que ces choses nous amènent à penser de Christ ? Et bien, s’il n’y a pas un problème radical avec notre humanité même, un problème qui précède notre propre naissance, et si nous sommes capables de choisir Dieu aussi facilement que nous choisissons le péché, alors Christ aurait pu tout simplement nous appeler à nous repentir et à le suivre. Ni son incarnation, ni sa mort, ni sa résurrection n’auraient été nécessaires pour nous transformer de bas en haut.
Si Adam est un mythe alors nous n’avons guère besoin d’un sauveur – tout juste d’un enseignant qui nous montre le chemin.
C’est pourquoi nous ne verrons plus jamais de ministères comme celui de Whitefield, si l’Eglise renonce à croire en un Adam historique.
Car, sans la croyance en un Adam historique, Whitefield n’aurait plus eu de Dieu parfaitement bon et souverain à proclamer ; la Nouvelle Naissance n’aurait jamais été le cœur de son message. Au lieu d’offrir une vie nouvelle à des pécheurs en détresse, il aurait simplement invité ceux qui auraient mal choisi à faire un choix meilleur.
Où est la Bonne Nouvelle dans tout cela ?
Notes et références :
(1) Georges Whitefield (1714-1770) était un pasteur issu de l'église d'Angleterre (anglicane), l'un des chefs de file du méthodisme, et surtout l'un des principaux artisans du Grand Réveil. Une biographie sommaire de cette figure incontournable de l'histoire de l'église est disponible ici.