Mais où sont les pasteurs célibataires ?
Article de Sam Alberry initialement publié sur le site de Crossway le 27 février 2019. Le nouveau livre de Sam Alberry, 7 mensonges sur le célibat (BLF Éditions, 2020), sort dans quelques semaines !
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Une question de culture
Il y a quelques temps, j’ai reçu l’appel d’un responsable américain qui voulait s’entretenir avec un pasteur célibataire à propos d’un projet sur le célibat. Il désirait discuter avec un pasteur pour savoir comment la question du célibat était abordée au sein de l’Église locale. Mais il voulait surtout parler à un pasteur célibataire afin d’entendre ce qu’avait à dire un responsable d’Église dans la quarantaine qui faisait lui-même face au célibat. Il était agréable de pouvoir partager sur le sujet, mais cela posait aussi une question lourde de sens : je vivais au Royaume-Uni. Pourquoi cet homme avait-il dû faire appel à un pasteur célibataire si loin du continent américain ?
Celui-ci m’a expliqué ne connaître aucun pasteur célibataire aux États-Unis. Il avait donc été contraint de chercher par-delà l’Atlantique quelqu’un qui pourrait répondre à ses attentes.
Il se trouve qu’en Grande-Bretagne, les pasteurs célibataires ne sont pas rares. Certains grands hommes du christianisme ont montré l’exemple, tels que John Stott ou Dick Lucas, deux brillants prédicateurs londoniens de la fin du XXe siècle. Je pense également à de nombreux leaders chrétiens de notre époque comme Vaughan Roberts et Ed Shaw, deux noms que les Américains connaissent peut-être. Je pourrais en citer encore beaucoup d’autres.
Mais alors, pourquoi avons-nous tant de peine à trouver des pasteurs célibataires aux États-Unis ? Ces dernières années, j’ai passé plus de temps sur le continent américain qu’en Angleterre. J’ai visité de nombreuses assemblées dans divers États et ces voyages m’ont permis d’identifier quatre raisons qui font que les Églises semblent avoir une préférence pour les pasteurs engagés dans le mariage.
1. Un pasteur doit pouvoir exercer son ministère auprès des familles
Les familles constituent une part importante de nos assemblées locales et il est naturel de veiller à ce qu’elles bénéficient d’un bon soutien pastoral. Or, nous tendons à croire qu’un pasteur non marié ne peut assumer ce rôle aussi bien qu’un pasteur marié. Mais nous nous trompons.
Certes, la vie conjugale et l’expérience personnelle d’un pasteur lui sont d’une grande aide dans l’exercice de son ministère auprès des couples. Cette expérience demeure toutefois limitée : la vie de couple de ce pasteur sera sûrement très différente de celle de la plupart des membres de son Église. Ce n’est pas notre expérience personnelle (même si elle s’avère souvent très utile) mais plutôt la façon dont nous abordons la Parole qui donne à notre enseignement sa légitimité. Car c’est la sagesse de Dieu que nous voulons transmettre, et non la nôtre. De même, le fait d’avoir des enfants nous procurera un éclairage supplémentaire dans notre manière de conseiller les parents, mais cela ne déterminera jamais nos compétences pastorales. Aucun pasteur n’a expérimenté toutes les situations qu’il est amené à accompagner lors de son ministère.
2. Un couple, c’est deux pasteurs pour le prix d’un
Les Églises pensent souvent (bien qu’elles ne le formulent pas aussi crûment) qu’un pasteur marié sera accompagné dans ses responsabilités pastorales par une femme qui travaillera gratuitement pour leur assemblée. Quel serait alors l’intérêt d’employer une seule personne quand on pourrait en avoir deux pour le prix d’une ?
Ce présupposé a beau être largement répandu, il n’en est pas moins erroné. Toutes les femmes de pasteurs n’ont pas le don du pastorat. Certaines ne s’engagent pas en tant que responsable d’Église, mais contribuent simplement au ministère de leur mari en étant pour lui un soutien quotidien. De plus, toute femme de pasteur n’est pas nécessairement en mesure de consacrer à son assemblée trente-cinq heures par semaine. Certaines ont des obligations familiales ou se trouvent dans une situation particulière (des parents âgés, un frère ou une sœur en difficulté, un enfant handicapé, des problèmes de santé, etc.). D’autres ont une occupation professionnelle. D’ailleurs, certaines doivent peut-être subvenir aux besoins de leur famille. Engager un pasteur marié ne signifie donc pas que les apports seront doubles.
De même, un pasteur célibataire n’en sera pas moitié moins capable. Ce n’est pas pour rien que Paul recommande le célibat : une personne non mariée est en mesure de servir le Seigneur « sans tiraillements » (1 Cor. 7 : 35). Le célibat ne nous empêche pas d’accomplir la tâche que Dieu nous confie. En fait, il nous rend sans doute plus à même de nous y consacrer.
3. La Bible semble exiger des pasteurs qu’ils soient mariés
Ce que Paul écrit dans sa lettre à Timothée ne signifie pas qu’il exige que les pasteurs soient mariés, mais plutôt qu’il s’attend à ce qu’ils le soient. Paul ordonne d’abord aux pasteurs d’être fidèles à leur femme. Il s’adresse ici en particulier à ceux qui avaient plusieurs femmes, et non à ceux qui n’en avaient pas.
Et admettons que Paul exige effectivement de tous les pasteurs qu’ils soient mariés, cela entraînerait de nombreuses conséquences loin d’être négligeables. D’abord, ceux-ci devraient avoir au moins deux enfants. Être marié et sans enfants ou marié avec un seul enfant serait tout aussi inacceptable que d’être célibataire. En effet, le passage biblique qui enjoint à un responsable d’Église d’être « mari d’une seule femme » exige aussi que celui-ci « tienne ses enfants dans la soumission » (notez l’usage du pluriel). Pour rester cohérents, nous devrions donc engager des pasteurs mariés et pères d’au moins deux enfants. Ensuite, les pasteurs veufs se verraient dans l’obligation de démissionner, puisqu’ils ne seraient plus mari d’une femme.
4. Si quelqu’un n’est pas marié, c’est sûrement que quelque chose ne va pas chez lui
La raison principale qui pousse les Églises à privilégier les pasteurs mariés est sans doute la suivante : nous pensons souvent que, si une personne n’est pas mariée, c’est que quelque chose ne va pas chez elle. Engager un jeune pasteur qui n’est pas encore marié (ce qui ne saurait tarder), c’est une chose. Engager un pasteur de plus de, disons, trente-cinq ans et qui n’est toujours pas marié, c’en est une autre. Dans notre culture évangélique, ce genre de situation semble inhabituel et même bizarre, voire suspect.
Cela nous ramène au cœur du problème : nous considérons le mariage comme un signe de maturité spirituelle. Le mariage serait une sorte de diplôme qui prouve que nous sommes passés d’un stade primaire à un stade plus mûr de notre spiritualité. Ce serait (et il est si facile de le croire) le signe que nous assumons enfin de véritables responsabilités. Il est vrai qu’il existe dans nos assemblées des gens qui se complaisent dans leur célibat par paresse ou par peur de l’engagement. Mais le manque de maturité n’est pas la seule raison pour laquelle certains demeurent célibataires. Je ne manquerai d’ailleurs pas de préciser que je connais des hommes qui, par paresse et par peur de l’engagement, se sont mariés en pensant que leur femme subviendrait à tous leurs besoins et leur permettrait de mener une existence d’éternel adolescent.
Ce n’est donc pas notre vision des pasteurs célibataires qui est problématique, mais notre vision du célibat. Et, d’après moi, cela prouve que nous n’avons pas accordé assez d’attention à ce que dit le Nouveau Testament sur le sujet.
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