Aux origines du canon biblique : un curieux indice dans les pages du Nouveau Testament

Cet article a été publié le 20 février 2017 sur Canon Fodder, le site de Michael J. Kruger, président de Reformed Theological Seminary à Charlotte (Caroline du Nord). Traduction : Timothée Boggetto.

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Bien que la plupart des discussions à propos de l’établissement du canon se concentrent sur la période patristique (à partir du IIe siècle), les pages du Nouveau Testament recèlent davantage de trésors qui nous éclairent à ce sujet. Malheureusement, cette recherche est bien souvent mise de côté.

Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Mais peut être la plupart des gens pense tout simplement que l’idée même d’un « canon » est forcément un développement tardif, et ils ne s’attendent donc pas à trouver quoi que ce soit à ce sujet dans les livres du Nouveau Testament. En dehors du fait que cette position se base sur une approche du canon qu’on peut qualifier « d’extrinsèque » (pour ma critique de cette vision, se référer à mon livre The Question of Canon), elle nous empêche de repérer des indices fascinants.

Un passage en particulier contient à mon avis plusieurs indices significatifs. Il s’agit de 2 Corinthiens 3.14, dans lequel Paul dit : « …dans la lecture de l’ancienne alliance, ce même voile demeure sans être levé, lequel prend fin en Christ » (Darby). Dans ce passage, l’on néglige souvent le fait que Paul parle d’une alliance comme quelque chose que l’on est censé lire. En d’autres termes, pour Paul (et ses lecteurs), les alliances sont considérées comme des documents écrits.

Compte tenu du contexte juif de Paul, cela ne devrait pas nous surprendre.
La relation entre l’alliance et les documents de l’alliance est si étroite que les auteurs de l’Ancien Testament ne faisaient souvent aucune distinction entre les deux. Dans un certain sens, donc, l’alliance, est un texte écrit.

Par exemple :

– “Il prit le livre de l’alliance, et le lut en présence du peuple” (Exode 24.7, cf. aussi 1 Maccabées 1.60).
– “Il lut devant eux toutes les paroles du livre de l’alliance, qu’on avait trouvé dans la maison de l’Éternel” (2 Rois 23.2, cf. 2 Chroniques 34.30).
– “Il publia son alliance, qu’il vous ordonna d’observer, les dix commandements ; et il les écrivit sur deux tables de pierre” (Deutéronome 4.13).
– “Et l’Éternel écrivit sur les tables les paroles de l’alliance, les dix paroles” (Exode 34.28).
– “L’Éternel le séparera, pour son malheur, de toutes les tribus d’Israël, selon toutes les malédictions de l’alliance écrite dans ce livre de la loi” (Deutéronome 29.21).

 

Tous ces passages nous montrent que les alliances étaient généralement considérées comme quelque chose d’écrit et de lu, c’est à dire quelque chose que l’on peut trouver dans un livre. C’est précisément pour cette raison qu’il existe des avertissements contre le fait de modifier le texte de l’alliance (Deutéronome 4.2) et des recommandations sur l’endroit préciseoù il devait être conservé (Exode 25.16).

S’il en est ainsi, comment devons-nous considérer les paroles de Paul en 2 Corinthiens 3.6 affirmant que lui et les autres apôtres étaient des “ministres de la nouvelle alliance” ?

En gardant en tête l’affirmation de Paul en 2 Corinthiens 3.14 que nous avons examinée précédemment, il est naturel de penser que Paul fait référence à un nouvel ensemble de documents écrits témoignant des termes d’une nouvelle alliance en Christ.

Comme le dit Jean Carmignac, “Si Paul utilise l’expression ‘Ancien Testament’, il doit être conscient de l’existence d’un ‘Nouveau Testament”. [1] Carmignac va encore plus loin et suggère que ce ‘Nouveau Testament’ doit contenir un ensemble de livres afin d’être de la même nature que l’Ancien.

Le simple fait que Paul revendique pour lui-même cette autorité alliancielle au sein d’une lettre écrite rend d’autant plus vraisemblable le fait que Paul envisage la Nouvelle Alliance comme un recueil de documents écrits. Les spécialistes observent d’ailleurs que cette lettre prend la forme d’un “procès d’alliance” dans lequel les corinthiens sont les accusés [2].

Ainsi, Il parait difficile de blâmer les corinthiens si ceux-ci considéraient la lettre elle-même comme porteuse d’une autorité alliancielle.

Dans l’ensemble, 2 Corinthiens 3.14 nous fournit un certin nombre de curieux indices à propos des origines du canon du Nouveau Testament.

 

 

Notes et références

[1] Jean Carmignac, « II Corinthiens III.6, 14 et le Début de la Formation du Nouveau Testament », NTS 24 (1977): 384–386.

[2] Lane, « Covenant: The Key To Paul’s Conflict with Corinth », 3–29

 

 

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Guillaume Bourin est co-fondateur du blog Le Bon Combat et directeur des formations #Transmettre. Docteur en théologie (Ph.D., University of Aberdeen, 2021), il est l'auteur du livre Je répandrai sur vous une eau pure : perspectives bibliques sur la régénération baptismale (2018, Éditions Impact Academia) et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs. Guillaume est marié à Elodie et est l'heureux papa de Jules et de Maël