Méfiez-vous comme la peste du découragement
Voici un extrait de l’une des deux Lettres à Théodore après sa chute, de Jean Chrysostome (344-407). Les spécialistes débattent encore de l’identité de ce Théodore – il s’agit très probablement de Théodore de Mopsueste (350-428), qui avait renoncé à sa vocation religieuse par amour pour une certaine Hermione.
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C’est [Dieu] qui donne une maison à la femme stérile, devenue l’heureuse mėre de nombreux enfants. » (Ps 112.7-9)Psalm. Ne désespérez donc pas de revenir à une vie meilleure. Le diable a bien pu vous précipiter du sublime faite de la vertu dans le dernier abîme de la perversité: Dieu n’a-t-il pas assez de puissance pour vous ramener à votre liberté, pour vous rendre non seulement tel que vous étiez mais beaucoup plus heureux encore?
Ce que je vous demande, c’est de ne pas vous laisser abattre, de ne pas renoncer à l’espoir du salut, afin que vous ne subissiez pas le sort des impies. Ce n’est pas la multitude des péchés qui jette dans le désespoir, c’est l’impiété s’emparant totalement d’une âme. […]
En effet, ce n’est là que la maladie des impies, quand ils sont tombés au dernier degré de la malice. C’est ce qui ne leur permet pas de venir à résipiscence (la reconnaissance d’une faute et la volonté de réparation, NDLR), de remonter au point d’où ils sont descendus. Cette pensée funeste pèse comme un joug accablant sur la tète de l’âme, la force à regarder constamment la terre, et l’empêche de reporter les yeux vers son Seigneur.
Or il est d’un homme généreux et magnanime de briser ce joug, de repousser la main qui le lui impose, en redisant ces paroles du Prophète :
Comme les yeux de la servante sont fixés sur les mains de sa maitresse, ainsi nos yeux sont fixés sur le Seigneur notre Dieu, jusqu’à ce qu’il nous ait accordé sa miséricorde. Ayez pitić de nous; car nous avons été comme inondés par le mépris. »
(Ps 121.2-3)
Voilà des enseignements vraiment divins, les dogmes d’une philosophie toute céleste. Nous avons été comme inondés de mépris, dit le Prophète, et des chagrins sans nombre se sont appesantis sur nous; mais nous ne cesserons d’elever nos regards vers Dieu, et jusqu’à ce qu’il nous ait accordé l’objet de nos prières nous continuerons à le prier. C’est le propre d’une âme généreuse, de ne pas se laisser abattre, de ne jamais désespérer, quelle que soit la grandeur de ses peines; de ne point s’éloigner de Dieu, alors même que ses prières seront demeurées bien souvent sans effet; d’insister enfin jusqu’à ce qu’elle ait obtenu ce qu’elle demande, comme s’exprime le bienheureux David.
Le diable nous jette dans des pensées de découragement, afin de déraciner de notre cœur l’espérance que nous avons en Dieu, cette ancre assurée, cet inébranlable soutien de notre vie, ce guide qui nous conduit dans le chemin du ciel, ce dernier gage de salut pour les âmes perdues. « C’est par l’espérance, dit Paul, que nous sommes sauvés. » (Ro. 12.24). Elle est, oui vraiment, elle est comme une forte chaine qui descend du ciel, tient nos âmes suspendues, les attire peu à peu vers ces sublimes hauteurs, et les soustrait aux orages de la vie présente, pourvu qu’elles y restent fortement attachées. Celle qui, se laissant gagner par la mollesse, abandonne cette ancre sacrée, tombe aussitot et périt engloutie dans les abimes du mal.
Le perfide ennemi ne l’ignore pas, et dès qu’il nous voit accablés par la conscience de nos péchés, il se précipite alors et jette dans notre coeur des pensées désespérantes plus lourdes que le plomb: si nous les accueillons, nous sommes aussitôt entrainés par ce fardeau, nous abandonnons la chaine qui nous soulevait et nous roulons au fond de cet abime.
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