“Libéral” et “fondamentaliste” : deux termes que l’on devrait cesser d’utiliser
Timothée Davi a traduit, il quelques temps de cela, une citation d’Alvin Plantinga qu’il nous a paru bon de reproduire ici. Nous attirons également votre attention sur l’excellent plaidoyer de Timothée Minard à ce sujet.
**
Vous avez dit : « Fondamentaliste » ? Le fait est, il nous semble, que la vieille comptine sonne à cet effet fort juste : « c’est souvent celui qui dit qui l’est. »
Ces deux qualificatifs, et surtout le premier (fondamentaliste), fusent à tout va et souvent de façon bien puérile. Dès lors, tout homme, être normalement doué de raison et prétendant à la plus grande objectivité possible, est amené à tenter de comprendre si l’on a réellement affaire à des qualificatifs ou à des insultes basses et grossières anathématisant l’autre afin de ne pas avoir à réfléchir sur le pourquoi du système idéologique de celui-ci et le pourquoi, toutes choses étant égales par ailleurs, de son propre système.
Nous avons trouvé à ce propos quelques mots du philosophe de l’université de Notre-Dame Alvin Plantinga (certainement l’un des plus grands philosophes analytiques en vie) que nous avons traduits et modifiés (un tout petit peu ; cela reste ses [choquants !] mots). Lisez-le en pensant aussi à l’adjectif « libéral » pour lequel ce texte pourrait aussi s’appliquer :
Nous devons tout d’abord nous intéresser à l’utilisation du terme « fondamentaliste ». Selon l’utilisation contemporaine académique la plus courante, c’est un terme d’injure ou de désapprobation, plutôt comme « fils de pute », ou plus exactement, eu égard au caractère fruste de son utilisation : « filsd’putt ».
Quand le terme est utilisé de cette façon, aucune définition n’est d’ordinaire donnée. (Si vous appeliez quelqu’un « fils de pute », vous sentiriez-vous obligé de préalablement définir le terme ?) Cependant, une autre réalité se profile derrière l’utilisation du terme « fondamentaliste » (dans cet usage largement courant) : ce n’est point seulement un terme d’insulte.
Outre sa force émotive et définitivement subjective, l’on peut y trouver quelque contenu cognitif, il dénote d’ordinaire des positions théologiques relativement conservatrices. Ce qui rend ce terme plus équivalent à « stupide filsd’putt » (ou peut-être « filsd’putt fasciste » ?) que simplement « filsd’putt ».
Pourtant, il ne se rapproche pas non plus de cette formulation, car son contenu cognitif peut s’étendre et se contracter à la demande ; son contenu semble en fait dépendre de celui qui l’utilise. Dans la bouche de certains théologiens ultralibéraux, par exemple, il tend à dénoter tout qui accepte la chrétienté traditionnelle, pouvant de facto inclure de grands esprits comme Augustin, Acquin, Luther, Calvin et Barth ; dans la bouche des sécularistes, il tend tout simplement à dénoter tout qui croit qu’il y a une telle chose qu’un Dieu.
L’explication réside dans le fait que le terme tend à « classer » les gens : son contenu cognitif semble in fine fidèlement rendu par la définition suivante : « fondamentaliste – homme considérablement à droite, théologiquement parlant, de moi et mes amis éclairés. » La pleine signification de ce terme, dès lors (dans cette utilisation), peut être rendu par une phrase de ce type : « stupide filsd’putt dont les opinions théologiques sont considérablement à droite des miennes. »
Librement traduit et modifié de : Alvin Plantinga, Warranted Christian Belief (Oxford: 2000), p. 245.
Lisez la suite sur le blog Un homme et une croix