Les Pères de l’Eglise et l’eschatologie
La patristique -discipline qui se focalise sur l’étude des Pères de l’Eglise (1)- est régulièrement sollicitée dans les débats relatifs à la fin des temps.
Le plus souvent, ce sont les tenants du prémillénarisme (2) qui en usent le plus, affirmant que leur position était partagée par la majeure partie des Pères pré-niceens.
Cette idée semble avoir été développée et popularisée par Georges Eldon Ladd. (3)
Ladd écrivait dans les années 50, période lors de laquelle l’influence du prémillénarisme pré-tribulationiste était à son paroxysme.
Son but était essentiellement de rejeter cette approche et de démontrer que le post-tribulationisme était la seule option possible pour comprendre l’Apocalypse dans une perspective futuriste.
L’un de ses arguments phares était l’historicité du post-tribulationisme : pour lui, la plupart des premiers penseurs chrétiens partageait une telle position.
C’est ce qui l’a conduit à baptiser son approche Prémillénarisme Historique.
Bien que son objectif était de rejeter le pré-tribulationisme, ce qu’il a fait avec efficacité, Ladd a cependant contribué à renforcer les convictions des tenants de cette position.
Paige Patterson, par exemple, dans son récent commentaire sur l’Apocalypse, écrit :
George Eldon Ladd, écrivant en 1956 contre les perspectives d’un enlèvement pré-tribulationiste, a néanmoins démontré jusqu’à un certain point que la foi de l’Eglise Primitive était prémillénariste. Citant la Didaché, l’Epitre de Barnabas, Justin Martyr, Irénée, Lactance et Hippolyte, Ladd a démontré que les premiers chrétiens post-apostoliques attendaient un règne littéral de Christ à la fin des temps. Si cela était l’espérance de l’Eglise dès les temps les plus anciens et celle des plus proches collaborateurs de l’apôtre Jean, il apparait peu rationnel d’embrasser une autre perspective. (4)
Ladd, Patterson, et tous les autres prémillénaristes invoquant un tel consensus parmi les premiers Pères ont-ils raison ?
A titre personnel, j’en doute, et voici quelques éléments qui me conduisent à penser que leurs convictions eschatologiques sont marquées par l’absence de prudence.
1- L’eschatologie des premiers Pères est souvent peu concluante
Premièrement, il est important de noter que, bien que l’eschatologie jouait un rôle de premier plan dans la théologie de l’Eglise Primitive, peu d’auteurs patristiques l’ont traitée de manière systématique.
Dans la plupart des cas, nous ne disposons pas d’éléments suffisants pour déterminer la position exacte de tel ou tel écrit.
D’autre part, il semble que plusieurs Pères aient évolué dans leurs conceptions eschatologiques, un phénomène qui n’est pas surprenant et que l’on observe encore aujourd’hui.
Deuxièmement, souvenons-nous que nous sommes loin de disposer de l’ensemble des sources qui nous seraient nécessaires pour affirmer une position globale de l’Eglise Primitive. Certains ouvrages sont complètement perdus tandis que d’autres sont sérieusement amputés de leur contexte.
L’eschatologie de Papias, par exemple, nous est connue indirectement et de manière très fragmentaire au travers d’Irénée de Lyon (5) et surtout d’Eusèbe de Césarée. (6)
Or, Eusèbe se montre particulièrement critique à l’égard de la position de Papias, dénigrant le témoignage d’Irénée à son égard et affirmant qu’il “paraît avoir été animé d’un esprit fort médiocre, comme on peut le conjecturer d’après ses écrits.“
En réalité, Eusèbe rejette la croyance en un millenium littéral chère à Irénée et Papias, et l’on peut raisonnablement douter de la fiabilité de son rapport.
Notons cependant qu’il est impossible de dater l’oeuvre de Papias, ce qui est pourtant essentiel pour comprendre la globalité de la pensée eschatologique d’un auteur.
Soyons clair : Papias adhérait bel et bien à l’idée d’un règne millénaire littéral de Christ.
Toutefois, en l’état des données dont nous disposons, il me semble difficile de le classer dans le camps des prémillénaristes modernes.
En effet, Papias adhérait à une forme particulière de chiliasme, ce qui nous conduit tout naturellement à notre deuxième point.
2- Incompréhension autour du concept de chiliasme
L’une des raisons expliquant la prise de position maximaliste de certains prémillénariste est la confusion qui règne autour de la notion de chiliasme, ou millénarisme.
Ce terme vient du grec kilia ētè (χίλια ἔτη), littéralement “mille ans“ et désigne au sens strict un règne messianique terrestre.
De nombreux prémillénaristes modernes ont tendance à lire leur propre position dans celle des chiliastes des trois premiers siècles.
Par exemple, Michael Vlach, respectable Professeur de Théologie à The Master’s Seminary, écrit :
La position prémillénariste est fortement appuyée par l’histoire de l’Eglise. Le prémillénarisme était la vue prédominante durant les trois premiers siècles de l’histoire de l’Eglise, comme le rappelle l’historien Philip Schaff : “L’élément le plus frappant dans l’eschatologie de l’Eglise avant le concile de Nicée est ce chiliasme, ou millénarisme, c’est à dire la croyance en un règne terrestre glorieux de Christ avec les saints ressuscités pour 1000 ans, avant la résurrection générale et le jugement.“ (7)
Nul doute qu’en citant Schaff, le célèbre historien Suisse-Allemand, Vlach cherche à présenter à ses lecteurs un argument d’autorité.
Il est cependant regrettable que ce dernier se fende d’une citation aussi sélective.
En effet, la phrase suivant l’extrait choisi par Vlach met à mal l’argument qu’il pensait en tirer :
Dans les faits, il ne s’agissait pas de la doctrine de l’Eglise telle qu’intégrée à un crédo ou à formule liturgique, mais une opinion répandue parmi certains enseignants distingués comme Barnabas, Papias, Justin Martyr, Irénée, Tertullien, Méthodius, Lactance. Cependant Caius, Origène, Dionysius le Grand, Eusèbe (à la suite de Jérôme et d’Augustin) s’y opposaient. (8)
Pour Schaff, les choses sont claires : le chiliasme existait, mais on ne peut pas parler de consensus.
Schaff n’assimile pas non plus systématiquement le prémillénarisme moderne au chiliasme.
Au contraire, il évalue chacun des partisans historiques d’un millenium littéral et note leurs profondes divergences. (9)
Enfin, Schaff ne manque pas de souligner l’incohérence de la plupart des premiers chiliastes, et surtout le flou qui règne sur certains aspects de leurs positions.
Lorsqu’il identifie le chiliasme avec un règne millénaire de Christ précédant la résurrection (cf. la citation de Vlach), ceci est en réalité loin de s’accorder avec les perspectives prémillénaristes.
Dans les faits, le chiliasme désigne simplement la croyance en un règne millénaire de Christ.
D’autres conditions son nécessaires pour que cette position puisse être associé au prémillénarisme moderne, comme par exemple la résurrection des justes avant ou au moment de l’établissement du millenium.
Or, pour certains chiliastes, les choses sont loin d’êtres évidentes, comme nous allons le voir ci-dessous.
Quoi qu’il en soit, parler de consensus prémillénariste dans l’église primitive est aller un peu vite en besogne.
Et, en la matière, citer Philipp Schaff comme argument d’autorité est loin d’être judicieux.
3- Un consensus prémillénariste avant Augustin ?
Les travaux de Ladd ont largement influencé les prémillénaristes soucieux d’enraciner leur position dans l’histoire de l’Eglise.
Plusieurs de ses conclusions semblent cependant être teintées de partialité, et certains de ses raccourcis logiques sont à évaluer avec beaucoup de précautions.
Ladd invoque huit auteurs chrétiens antérieurs au Concile de Nicée (325) pour appuyer sa position.
Relevons en premier lieu le challenge de son approche : défendre l’idée d’un consensus prémillénariste sur une période de plus de deux siècles en invoquant si peu de sources est pour le moins une tâche ardue.
En deuxième lieu, après analyse, il apparait que ces huit Pères peuvent être classés en trois catégories (référez-vous aux notes de fin d’article pour évaluer le bienfondé de ce classement) :
- Ceux qui -malgré l’argumentation de Ladd- ne paraissent s’accorder ni avec le prémillénarisme, ni avec le chiliasme, au nombre de deux : La Didachè (10) et Le Pasteur d’Hermas (11)
– - Ceux qui sont bien chiliastes, mais ne sauraient être assimilés au prémillénarisme moderne. Ils sont trois : Barnabas (12), Irénée de Lyon (13), et Hippolyte (14)
– - Ceux qui peuvent être rapprochés de la position prémillénariste, mais avec réserves. Trois là encore : Tertullien (15), Lactance (16), et Justin Martyr (17)
Ladd ne cite pas Commodien, pourtant régulièrement invoqué par les prémillénaristes. Je l’aurais classé sans hésitation dans la deuxième catégorie. (18)
L’approche de Philipp Schaff est beaucoup plus prudente que celle de Ladd. Il note lui aussi que les approches eschatologiques de plusieurs chiliastes avérés sont largement incompatibles avec les positions prémillénaristes modernes, et que plusieurs groupes gnostiques et montanistes en faisaient également la promotion.
Schaff mentionne ensuite une liste de farouches opposants au chiliasme, parmi lesquels se trouve notamment Caius de Rome.
Ce dernier, cité par Eusèbe, associait le millénarisme à l’hérésie Montaniste, et en faisait remonter l’origine à Cérinthe (19), celui là même contre lequel Jean a possiblement écrit sa première épître.
Enfin, et c’est particulièrement remarquable, Justin Martyr (? – 165) ne semble pas croire à l’existence d’un tel consensus à son époque.
Dans son Dialogue avec Tryphon, écrit autour de 150, il commente sa propre position millénariste et écrit :
Je vous ai déjà fait l’aveu que plusieurs partageaient avec moi ce sentiment ; mais je vous ai dit aussi que beaucoup d’autres dont la doctrine est pure et saine sont d’un avis différent. (20)
Si un auteur de IIème siècle, chiliaste avéré et militant, est prêt à reconnaitre que sa position n’est pas partagée par “beaucoup“, que penser des affirmations de certains évangéliques modernes qui croient voir un consensus de l’Eglise Primitive autour de cette approche ?
Conclusion
Indéniablement, plusieurs Pères pré-nicéens adhéraient à l’idée d’un règne millénaire littéral de Christ.
Mais cela n’accrédite pas la thèse d’une Eglise primitive largement regroupée derrière la bannière du prémillénarisme.
La plupart des positions chiliastes primitives auraient été rejetées par les prémillénaristes modernes.
Quoi qu’il en soit, il parait très difficile de lire une positon eschatologique moderne dans les écrits des Pères de l’Eglise.
Que penser, dès lors, de l’appellation “Prémillénarisme Historique” ?
En ce qui me concerne, je préfère ne pas l’utiliser, car elle me parait être essentiellement fondée sur une lecture conditionnée des écrits patristiques.
La discipline de la Théologie Historique ne tend pas nécessairement à déterminer l’ancienneté d’une position, mais avant tout à montrer l’évolution de la manière dont la théologie est abordée au fil des siècles.
Les désaccords qui existent encore aujourd’hui en matière d’eschatologie prouvent que ce sujet est d’une profondeur immense.
C’est donc avec beaucoup d’humilité et de précautions qu’il nous faut l’aborder, en reconnaissant que “les choses cachées sont à l’Eternel, notre Dieu; les choses révélées sont à nous et à nos enfants, à perpétuité, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette loi.“ (Deut. 29:29).
Que Christ nous donne donc de la sagesse pour vivre notre vie conformément à son appel, d’ici à ce qu’il revienne !
GB
Notes et références :
(1) La notion même de “Pères de l’Eglise“ est sujette à caution. Pour ma part, quand j’utilise cette expression, elle désigne l’ensemble des penseurs chrétiens significatifs doctrinalement orthodoxes ayant vécus de la période apostolique jusqu’au concile de Chalcédoine (451).
(2) Pour une définition des principales positions relatives à la fin des temps, voir mon article Comprendre l’Apocalypse… oui, mais comment ?.
(3) Ladd, George E. The Blessed Hope. Grand Rapids: Eerdmans, 1956, p. 20-31.
(4) Patterson, Paige. Revelation. The New American Commentary. Nashville, Tenn.: B & H Publishing Group, 2012, p. 36.
(5) Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, V.33.4
(6) Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclesiastique, III.39.1-12
(6) Ibid., III.39.12
(7) Au moment où j’écris ces lignes, l’ancien blog de Michael Vlach n’est plus accessible, et je ne suis pas en mesure d’indiquer le lien de cette citation. Elle a cependant été reprise maintes fois sur la toile internet. Vlach cite Schaff, Philip, and David Schley Schaff. History of the Christian Church. New York: Charles Scribner’s Sons, 1910, vol. 2, p. 614.
(8) Schaff, p. 614.
(9) Ibid., p. 618.
(10) Lorsque Ladd cite la Didachè, il met en évidence que l’auteur (si tant est qu’il n’y en ait qu’un) prépare ses lecteurs à un avenir de plus en plus sombre avant le retour de Christ (cf. Didachè, XVI). Pour Ladd, c’est la preuve que “le but du Didachiste […] était de préparer l’Eglise pour la Grande Tribulation et les souffrances qui allaient être infligées par l’Antichrist » (Ladd, p. 21). Par conséquent, selon lui, la Didachè exclue toute forme de pré-tribulationisme et valide donc son modèle prémillénariste historique. Cependant, si la Didachè fait bien référence au “Séducteur du monde (se donnant) comme fils de Dieu“, elle ne fait nullement mention d’un millenium entre son apparition et le retour du Seigneur. Elle n’associe pas non plus “le feu de l’épreuve“ par lequel passera la création avec la Grande Tribulation. En bref, rien qui ne soit incompatible avec une position amillénariste… De plus, les spécialistes sont divisés sur la date de rédaction de la Didachè. Mais si, comme certains le pensent, elle a été au moins partiellement écrite avant la fin du Ier siècle ap. J.C. , alors il serait possible d’y lire une approche prétériste.
(11) Le Pasteur d’Hermas constitue un autre exemple de partialité de la part de Ladd. Il examine l’une des fameuses “visions“ de ce texte dans laquelle l’auteur associe une bête fabuleuse à “la préfiguration de la grande épreuve qui arrive“ (Le Pasteur d’Hermas, Vision 4, 2.5). Pour Ladd, nul doute que cette grande épreuve est la Grande Tribulation par laquelle l’Eglise doit passer avant d’entrer dans le millenium (Ladd, p. 23-24). Cependant, le Pasteur d’Hermas ne fait aucune mention d’une telle période de mille ans, et il ne lie pas cette “grande épreuve“ au retour de Christ. Plus troublant encore : dans le même passage, l’auteur affirme qu’il sera possible à certains d’échapper à cette “épreuve“, ce qui ne parait inconciliable avec la position que Ladd cherche à défendre.
(12) Selon Schaff (p. 617), Barnabas serait pourtant “le premier et le seul [Père Apostollique] ayant enseigné expressément un règne pré-millénaire de Christ sur la terre“. Cette affirmation est importante, attendu que les Pères Apostoliques sont les auteurs et/ou des écrits datant de la période immédiate après celle des apôtres. On y range généralement le Pasteur d’Hermas et les épitres de Clément de Rome, d’Ignace d’Antioche, de Polycarpe de Smyrne et de Barnabé. Il est courant également d’y voir associé Papias d’Hiérapolis, la lettre à Diognète, la Didachè et le fragment de Quadratus. Cependant, Barnabas place la résurrection des injustes et le jugement avant millénium (cf. Epitre de Barnabas, ch. XV), ce qui ne saurait s’accorder avec le prémillénarisme moderne. De plus, son interprétation allégorique des jours de la création et son usage typologique du jour du Seigneur ferait pâlir le plus modéré des exégètes fondamentalistes modernes.
(13) Le classement d’Irénée de Lyon est très disputé, certains le classant parmi les prémillénaristes, d’autres parmi les postmillénaristes. Sa position est assez ambigüe, et il semble parfois se contredire. Il y a débat sur les “justes“ qui, selon Irénée, règneront avec Christ durant le millenium (Contre les Hérésies, V.28.3), puisqu’il place la résurrection générale des justes et des injustes après le règne terrestre de Christ, selon certains interprètes (voir Schaff, p. 617 et Ziegler, Iren.der B. v. Lyon (Berl. 1871), p. 298–320). Sa référence au millenium semble parfois se confondre avec le règne éternel de Christ (voir C.H. V.27.1). C’est la raison pour laquelle certains vont jusqu’à le classer parmi les amillénaristes (voir par exemple cet article en anglais). Pour ma part, je préfère considérer l’eschatologie d’Irénée inconclusive, et ne pas chercher à la classer selon des critères modernes.
(14) Hippolyte de Rome adhérait bien à un millenium littéral, mais il ne croyait qu’à une seule résurrection et dénonçait le rétablissement d’Israël et la reconstruction de Jérusalem comme une erreur grossière (cf. Réfutations, IX.25).
(15) Les vues de Tertullien sur le millénium étaient assez singulières. D’autre part, son interprétation de Daniel et du Sermon sur la Montagne ne cadre pas avec la plupart des positions prémillénaristes modernes. Pour lui, la chute de l’empire Romain allait précipiter l’apparition de l’Antichrist et les temps de la fin (voir Contre Marcion III.24 ; Apologie XXII ; Résurrection XXIV ; Réponse aux Juifs, VIII). Certains spécialistes estiment que son eschatologie était influencée par la pensée Montaniste, vers laquelle Tertullien se tourna probablement à la fin de sa vie. Cette secte hérétique pensait que la nouvelle Jérusalem allait apparaître en Phrygie, dans l’actuelle Turquie. Tertullien a discuté en détail de l’eschatologie dans De Spe Fidelium, un ouvrage qui ne nous est pas parvenu. Néanmoins, parce que dans Contre Marcion il place la résurrection des justes avant le millénium et qu’il mentionne leur règne terrestre avec Christ comme étant distinct de l’éternité, je préfère le classer comme prémillénariste, mais avec réserves. Notons toutefois que sa compréhension du timing du jugement et de la résurrection des injustes n’est pas très claire.
(16) L’eschatologie de ce Père très proche du concile de Nicée (il serait mort autour de 325) semble s’appuyer sur “un curieux mélange de christianisme apocalyptique et de littérature prophétique du paganisme tardif“ (Brian Daley, The Hope of the Early Church, Wipf & Stock, 1991, p. 68). Certains spécialistes y ont identifié des citations et des allusions à des oeuvres non chrétiennes comme les Oracles Sybillyns, le tract Asclepius issu du Corpus Hermeticum, ou encore les Oracles d’Hystapes, un texte probablement zoroastrien (voir par ex. Swift, “Lactancius and the Golden Age,“ AJP 89, 1968, p. 144-156). Néanmoins, parce qu’il semble qu’il fasse précéder le millenium littéral de la résurrection des juste, et qu’il place la résurrection des injustes au moment du jugement, je le classe également la liste des prémillénaristes avec réserves. Pour la source primaire voir Lactance, Institutions Divines, VII.17-27
(17) Des trois, Justin est probablement le plus proches des positions prémillénaristes modernes. Il commente son approche essentiellement dans son Dialogue avec Tryphon. Cependant, certains problèmes demeurent : au ch. 80.2, il semble dire que seule une petite poignée de fidèle ressuscitera avant le millenium (voir Schaff, p. 615), tandis que la résurrection générale de tous les hommes aura lieu après le millenium (ch. 81.3). D’autre part, il place le règne millénaire de Christ sur les nouveaux cieux et la nouvelle terre (ch. 80:1-2, voir également ch. 113.4 et 139). C’est donc avec réserves qu’il nous faut le classer parmi les prémillénaristes éventuels.
(18) Commodien est probablement l’un des premiers poètes latins chrétiens. Dans ses Instructions, il argue qu’il y aura deux résurrections et deux jugements différents (Instructions, LXXX). Pour lui, le millenium sera vécu dans la Jérusalem céleste qui descendra du ciel et sera établie pour mille ans sur terre (XLIV). Enfin, Commodien adhérait à la fameuse croyance populaire du Nero Redividus, selon laquelle Nero serait l’Antichrist devant revenir des morts avant d’accomplir son oeuvre (XLI). Difficile d’y voir un accord avec la pensée prémillénariste moderne.
(19) Eusèbe, II. 25 (contre le Montaniste Proclus), et III. 28 (contre le chiliasme).
(20) Justin Martyr, Dialogue avec Tryphon, 80.2. [Ajout du 22/07/2015] Cette dernière citation parait sans appel. Néanmoins, un frère prémillénariste nous a écrit pour la réfuter, prétextant que nous l’aurions mal traduite. Tout d’abord, il s’agit de la traduction de Phillipe Remacles, et non de la notre. Ensuite, nous l’avons vérifié, et nous n’y trouvons absolument rien à redire ! Si quelqu’un doutait encore du bien fondé de cette citation, nous en reproduisons ici l’original, dans son contexte : Κἀγὼ εἶπον· Οὐχ οὕτω τάλας ἐγώ, ὦ Τρύφων, ὡς ἕτερα λέγειν παρ’ ἃ φρονῶ. Ὡμολόγησα οὖν σοι καὶ πρότερον ὅτι ἐγὼ μὲν καὶ ἄλλοι πολλοὶ ταῦτα φρονοῦμεν, ὡς καὶ πάντως ἐπίστασθε τοῦτο γενησόμενον· πολλοὺς δ’ αὖ καὶ τῶν τῆς καθαρᾶς καὶ εὐσεβοῦς ὄντων Χριστιανῶν γνώμης τοῦτο μὴ γνωρίζειν ἐσήμανά σοι.
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