Les miracles sont-ils improbables ? Réflexions sur ce qui rend un événement « probable »

Article de Michael J. Kruger publié sur son blog, Canon Fodder, le 24 septembre 2019. Traduction : Guillaume Bourin

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Le scepticisme de notre monde à l’égard des miracles n’est pas nouveau. Depuis David Hume, les philosophes et les scientifiques ont toujours plaidé contre la possibilité ou l’existence de miracles. Mais les choses ont changé. Hume est désormais complètement (et définitivement) réfuté et les philosophes acceptent majoritairement qu’on ne peut pas prouver que les miracles sont impossibles. Mais, ne vous inquiétez pas, il y a un « nouvel » argument : les miracles sont possibles, mais tout simplement improbables. Si improbables, en réalité, que nous ne devrions jamais préférer une explication miraculeuse à une explication de type naturaliste. Ainsi, les historiens n’auraient aucune raison tangible d’affirmer qu’un miracle s’est réellement produit.

Bart Ehrman, spécialiste du Nouveau Testament, utilise exactement le même argument. Compte tenu de l’improbabilité de la résurrection, il insiste sur le fait que nous devrions toujours choisir une autre explication : « Tout autre scénario [en dehors d’un miracle] – aussi improbable soit-il – est plus probable que celui dans lequel un grand miracle s’est produit, puisque le miracle défie toute probabilité (sinon nous ne l’appellerions pas ‘miracle’) » (How Jesus Beacame God, 173).

Ce genre d’argument peut sembler convaincant à première vue, mais il se heurte à de sérieux problèmes. D’une part, la probabilité d’un événement ne peut être déterminée uniquement en considérant l’événement lui-même. La probabilité de cet événement dépend du contexte plus large qui entoure cet événement. Imaginez par exemple que je me rende à une course et que je veuille connaître la probabilité de voir quelqu’un courir un mile (1,609km, NDT) en 4 minutes. Je pense que c’est peu probable. Mais, il n’y a aucun moyen de répondre à cette question sans tenir compte du contexte plus large. Si la rencontre sur piste était réservée à des équipes locales issues d’écoles secondaires, alors oui, les chances seraient très, très faibles. Mais, et si la compétition était une course de qualification pour les jeux olympiques ? Alors dans ce cas les chances ne seraient que très grandes qu’un tel record soit battu.

Il en va de même lorsqu’on considère la probabilité d’un événement miraculeux. Quelqu’un qui croit que Dieu n’existe pas (ou du moins qu’il n’intervient pas dans le monde), alors il considérera cette probabilité d’un miracle comme très, très faible. Et il aurait raison : dans un univers sans Dieu, nous devrions supposer que Jésus de Nazareth est mort et ressuscité d’entre les morts « naturellement ». Les chances que cela se produise seraient incroyablement faibles, surtout après trois jours. Mais si le contexte général inclut l’existence du Dieu de la Bible – un Dieu qui est intervenu et continue d’intervenir dans le monde – alors un miracle n’est plus du tout improbable. Craig Keener va même jusqu’à dire que, selon une vision théiste du monde, « les miracles pourraient même être attendus » (Miracles, 139).

Voilà où je veux en venir : la probabilité d’un événement miraculeux dépend de la vision du monde globale d’une personne et des hypothèses qu’elle fonde sur la réalité. Et cela place le sceptique dans une situation plutôt difficile : pour prétendre qu’un miracle est improbable, il faut d’abord démontrer que le Dieu des chrétiens n’existe pas. Et si le sceptique ne peut pas faire cela (et il ne peut pas), alors il n’a aucune raison de prétendre que les miracles sont improbables.

Mais, il y a un deuxième problème (encore plus grand) avec cet argument de probabilité contre les miracles. Même si un événement est hautement improbable, il est parfois raisonnable de croire qu’un événement s’est produit si les indices pointent dans ce sens. Par exemple, imaginez un scénario où vous jouez au poker avec des amis. Une fois les cartes distribuées, votre ami annonce : « J’ai une quinte flush royale ! » Certes, vous pourriez être sceptique. Après tout, les chances d’obtenir une quinte flush royale (sans tirer de cartes supplémentaires) sont d’environ 1/650000. Cette hypothèse est tellement improbable, qu’il ne serait pas déraisonnable pour vous d’explorer d’autres explications possibles : le croupier a empilé le paquet en sa faveur, il a mal lu les cartes, il ment, il a triché, etc. Mais un travail d’enquête pourrait éliminer rapidement ces options. Vous pourriez par exemple jeter un coup d’œil aux cartes. Ou tout simplement vous confier dans la fiabilité du témoignage de votre ami, si vous savez qu’il est fiable et qu’il n’a pas triché. Cela pourrait vous amener, en fin de compte, à conclure que l’événement s’est effectivement produit, même s’il est extrêmement rare.

Imaginez à quel point ce serait absurde si vous disiez à votre ami : « Eh bien, je ne crois pas que tu aies une quinte flush royale. Après tout, nous devons toujours rejeter les explications hautement improbables au profit d’explications plus raisonnables. Alors j’en conclus que tu as triché. » Non ! La simple improbabilité d’un événement ne suffit pas, en soi, à rejeter sa réalisation effective. Nous devons tenir compte d’autres facteurs tels que les preuves empiriques, la fiabilité des témoins oculaires, etc.

Au bout du compte, c’est une question de vision du monde. Quelqu’un qui n’est pas fermé à la possibilité du miraculeux sera prêt à considérer les éléments de preuves. Quoi qu’il en soit, il n’y a aucune raison pour que nous nous sentions obligés de toujours choisir une explication naturaliste. Avec des témoins oculaires crédibles et des preuves solides, nous devrions être tout à fait disposés à penser qu’un miracle a pu se produire.

 

 

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