Le pardon doit-il être inconditionnel ?
L’idée que certaines offenses seraient impardonnables sans que n’intervienne la repentance de l’offenseur est assez répandue.
Il n’est pas rare de la voir être défendue par de brillants exégètes (1) tandis que d’autres combattent farouchement une telle approche. (2)
Sans vouloir me lancer dans un long développement, j’aimerais rappeler au lecteur l’existence de cette parole de Christ :
Lorsque vous êtes debout faisant votre prière, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, pardonnez, afin que votre Père qui est dans les cieux vous pardonne aussi vos offenses.
(Marc 11:25)
Ce verset, dans le contexte de l’épisode du figuier stérile et de la prière de la foi (Marc 11:20-26) est le pendant de la recommandation du Sermon sur la Montagne (Matt. 5:23-26) qui lui se focalise davantage sur un grief occasionné plutôt que sur une offense reçue.
A la lecture de ce verset, il semble que le pardon que j’accorde n’ait rien à voir avec une quelconque démarche de la part de celui qui m’a offensé, mais qu’il a par contre tout à voir avec ma vie de prière…
Un élément de réflexion supplémentaire qu’il est important de noter est celui des différents commandements éthiques du Royaume concernant les ennemis.
Le chrétien, d’ores et déjà citoyen du Royaume de Dieu (cf. Col. 1:13), est appelé à marcher sur cette terre comme Christ lui-même a marché.
Pas étonnant, dès lors, de trouver de tels versets :
Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux [qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux.
(Matt. 5:44)
Ou encore :
Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas. […] Ne rendez à personne le mal pour le mal. Recherchez ce qui est bien devant tous les hommes.
S’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes.
Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère; car il est écrit: A moi la vengeance, à moi la rétribution, dit le Seigneur.
Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s’il a soif, donne-lui à boire; car en agissant ainsi, ce sont des charbons ardents que tu amasseras sur sa tête.
(Rom. 12:14, 17-20)
Comment pouvoir prier, bénir, faire du bien à quelqu’un qui nous hait et nous maltraite si nous ne lui avons pas pardonné de tout notre cœur ?
Et si nous sommes appelés à pardonner comme Christ a pardonné, à aimer comme Christ a aimé, alors il nous faut nous souvenir que c’est lorsque nous étions encore ennemi que Christ est mort pour nous (Romains 5:6-11).
Nous sommes disciples de Celui qui a donné sa vie pour ses ennemis, et nous marchons à sa ressemblance. Par conséquent, notre pardon est semblable à celui de Christ : il est inconditionnel, et il n’exige rien en retour.
Pour conclure, j’ai déjà eu l’occasion de donner sur ce blog une citation de Thomas Watson que je crois être la meilleure définition du pardon.
Je ne résiste pas à l’envie de lui donner le mot de la fin :
Question : “quand pardonnons-nous aux autres ?“
Réponse : “Lorsque nous luttons contre toutes nos pensées de vengeance, quand nous ne rendons pas le mal à nos ennemis mais souhaitons leur bien, lorsque nous pleurons sur leur malheur, lorsque nous prions pour eux, lorsque nous nous réconcilions avec eux, et lorsque nous nous montrons prêt en toutes occasions à leur venir en aide.“
–
– Thomas Watson
Note et Références :
(1) Le pardon conditionné à la repentance de l'offenseur est une idée défendue, par exemple, par Jacques Buchold. Le pardon et l'oubli, Excelsis. (retour)
(2) Voir par exemple John Mac Arthur, La liberté et la puissance que procure le pardon, Impact. (retour)