Le Baptême en Questions – #3 Passages bibliques explicites : quelle valeur leur accorder ?
Question :
Existe-t-il des exemples bibliques concrets qui permettent de statuer en faveur de l’une ou l’autre des positions ?
Position pédobaptiste (Alexandre Sarran)
La question de savoir s’il faut ou non, en certains cas, administrer le baptême aux nourrissons serait très vite résolue si le Nouveau Testament nous offrait l’exemple incontestable d’un enfant de croyants recevant le baptême sur la base de son appartenance à un foyer chrétien, avec l’aval explicite des apôtres.
À l’inverse, la question serait tout aussi vite résolue si le Nouveau Testament nous offrait l’exemple incontestable d’un enfant de croyants auquel les apôtres auraient refusé le baptême en raison de l’incapacité de l’enfant à professer la foi de manière intelligible et volontaire.
Le fait est qu’il n’existe aucun précédent biblique, dans le Nouveau Testament, qui soit suffisamment explicite pour qu’on puisse, sur cette base, statuer une fois pour toutes en faveur du pédobaptisme ou du crédobaptisme.
Il est vrai qu’il existe un motif récurrent dans le livre des Actes, où l’on voit des individus entendre l’Évangile, le comprendre, le croire, et le professer, avant de recevoir le baptême. Ce motif suffit-il à fonder une pratique qui réserverait le baptême aux personnes capables de le choisir ? Pas du tout, puisque les apôtres pouvaient très bien être des “pédobaptistes“ et avoir agi exactement de la même manière.
Dans le contexte du livre des Actes, la propagation de l’Évangile est en train de produire une première génération de chrétiens. Les personnes auxquelles les apôtres s’adressent sont naturellement des adultes, qui n’ont jamais reçu le baptême chrétien, et qui le reçoivent au moment où ils intègrent la communauté des chrétiens. Le texte ne dit pas explicitement si les enfants (et les futurs enfants) de ces nouveaux croyants ont reçu ou non le baptême en tant que nouveaux-nés.
En revanche, il y a un autre motif dans le livre des Actes qui mérite d’être relevé : c’est la façon dont les personnes qui professent la foi sont baptisées très vite après, généralement le jour-même. Ce délai très court montre que ce n’est pas sur la base de leur régénération (dont personne n’a pu encore observer les preuves) que ces personnes reçoivent le baptême, mais bien sur la base de leur volonté manifeste d’être comptés parmi les membres du peuple de Jésus.
Si donc le baptême n’est pas administré sur la base de la nouvelle naissance, mais bien sur la base de l’incorporation au peuple visible de Dieu, alors comment le refuser aux enfants des croyants, qui font naturellement partie du peuple visible de Dieu de par leur appartenance à un foyer chrétien ?
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Position crédobaptiste (Guillaume Bourin)
Il existe, dans les Ecritures, douze occurrences narratives de baptêmes ayant eu lieu durant la période apostolique (1). Si l’on se pose quelques questions simples à la lecture de chacun de ces textes, alors les conclusions suivantes s’imposent (2) :
- Qui était baptisé ? Des individus ayant fait profession de foi
- Qui baptisait ? Celui ou ceux ayant annoncé l’Evangile
- Comment étaient-ils baptisés ? Par immersion, comme l’indique le sens premier du terme original (3)
- Quand étaient-ils baptisés ? Immédiatement après la profession de foi (4)
- Où étaient-ils baptisés ? Là où l’on trouvait suffisamment d’eau pour le faire
Ces conclusions semblent sans appel. Cependant certains de ces passages sont régulièrement revendiqués par les pédobaptistes.
C’est le cas, en particulier, pour les deux récits d’Actes 16 : il est courant d’invoquer le cas des oikos (οἶκος = ‘maison’) de Lydie et du geôlier pour justifier le baptême de la progéniture d’un croyant, certains allant même jusqu’à avancer la présence de jeunes enfants en leur sein.
Cette dernière assertion, hautement spéculative, s’auto-disqualifie : il n’y a aucune élément textuel permettant de conclure à la présence de nourrissons ou d’enfants en bas âges dans ces oikos.
La première affirmation, quant à elle, nécessite qu’on y consacre quelques lignes :
- Concernant le geôlier de Philippes, il nous faut avant tout considérer le verset 31 : “Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille“. Paul n’est, bien sur, pas en train d’annoncer au geôlier que sa foi personnelle sauvera l’ensemble de sa maison, mais plutôt que l’offre de grâce s’étend à tous ceux vivant sous son toit. Chacun de ces baptême a logiquement été administré sur la base d’une profession de foi individuelle.
- On ne peut pas déterminer avec exactitude le lien de parenté des membres de chaque oikos. Bien qu’il y ait de sérieuses raisons de penser que l’oikos du geôlier soit constituté de sa famille proche, il est impossible de le démontrer réellement. Quant à Lydie, qui était impliquée dans l’industrie locale, son oïkos comprenait très certainement des serviteurs (5). Pourquoi donc ces derniers auraient-ils été baptisés sur la base de la foi de Lydie ? C’est un non sens.
- Un autre croyant voit son oikos être baptisé avec lui : Crispus de Corinthe (Actes 18:8). Dans ce cas précis, la mention de la profession de foi préalable de l’ensemble de sa maison est explicite, de sorte qu’il est légitime de penser que ce qui est le cas dans ce récit l’est aussi dans les deux précédents. Aucun oikos n’est baptisé sur la base de la foi de son réprésentant, contrairement à ce que la position pédobaptiste soutient.
Les 12 occurrences narratives de baptêmes du Nouveau Testament constituent donc un faisceau d’arguments solides en faveur du crédobaptisme.
Notes et références :
(1) Dix d'entre-elles se trouvent dans les Actes : 2:41 ; 8:5-13 ; 8:36-39 ; 9:18-19 ; 10:47-48 ; 16:13-15, 16:33 ; 18:8, 19:1-5 ; 22:14-16. Les deux autres sont dans 1 Corinthiens 1:14-16 -GB (retour)
(2) Voir le détail des éléments textuels contenus dans chaque passage dans le tableau récapitulatif consultable ici.
(3) baptizō (βαπτίζω), littéralement ‘plonger‘, ‘immerger‘. -GB (retour)
(4) Voir à ce sujet cette intéressante réflexion de Steve Smith, issu de son process de discipulat T4T. -GB (retour)
(5) Voir Marshall, “Acts: An introduction and commentary“. Tyndale New Testament Commentaries. Downers Grove, IL: InterVarsity Press. p. 284. -GB (retour)