Jésus est-il descendu aux enfers ?

Cette question relative au Symbole des apôtres nous est régulièrement posée par nos lecteurs. L’article ci-dessous est une traduction d’un post de Wayne Grudem sur le blog académique de l’éditeur Zondervan le 14 avril 2017. Il s’agit d’une version abrégée d’un article de recherche publié dans la 34ème édition du Journal of the Evangelical Theological Society en 1991. Traduction : Elodie Meribault.

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On dit souvent que Jésus serait descendu aux enfers après sa mort. Le Symbole des Apôtres dit que Christ « a été crucifié, est mort, a été enseveli, et est descendu aux enfers ; il est ressuscité des morts le troisième jour ».

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Cependant la phrase « il est descendu aux enfers » n’apparaît nulle part dans la Bible.

 

D’où vient cette phrase ?

Le contexte dans lequel l’histoire de cette phrase s’inscrit est lui-même assez trouble ; son origine est, de ce que l’on en sait, bien peu glorieuse. Fait étonnant : la phrase « il est descendu aux enfers » n’a été retrouvée dans aucune des premières versions du Credo (c’est-à-dire, dans les versions utilisées à Rome, dans le reste de l’Italie et en Afrique), jusqu’à ce qu’elle apparaisse dans l’une des deux versions de Rufin en 390 après J.C. Ensuite, elle n’a plus été incluse dans aucune version du Credo jusqu’en 650 après J.C.

De plus, pour Rufin, le seul à l’avoir intégrée avant 650 après J.C, cette phrase ne signifiait pas que Christ était descendu aux enfers, mais plus simplement qu’il avait été « enseveli ». En d’autres termes, il l’avait comprise comme voulant dire que Christ était « descendu dans sa tombe » (la phrase grecque contient le terme hadès, dont le sens peut parfois se limiter à celui de « tombe » sans aller jusqu’à signifier geenna, « enfer, lieu de perdition ».) Il faut noter en outre que la phrase n’apparaît que dans l’une des deux versions que nous tenons que Rufin ; elle ne se trouve pas dans la version romaine du Credo qu’il a conservée.

Ainsi donc, jusqu’en 650 après J.C, aucune version du Credo n’utilisait cette expression, en tout cas pas avec l’intention de dire que Jésus serait « descendu aux enfers ». La seule et unique version faisant mention d’une telle phrase la comprenait dans un sens différent. Lorsque la phrase a été largement intégrée aux versions plus tardives— lesquelles contenaient déjà les termes « a été enseveli » — on lui a donné des significations différentes.

Trois sens différents ont été proposés pour cette phrase au cours de l’histoire de l’Église :

  1. Certains estiment que la phrase signifie que Christ a souffert la douleur de l’enfer alors qu’il était encore sur la croix. C’est notamment l’approche prônée par Calvin et par le Catéchisme de Heidelberg.
  2. D’autres ont compris que Christ a demeuré dans un « état de mort », jusqu’à sa résurrection. Le Grand Catéchisme de Westminster approuve ce point de vue : « L’humiliation de Christ après sa mort consistait à être enseveli et à demeurer dans son état de mort et sous son pouvoir jusqu’au troisième jour, ce qui a été exprimé d’une autre manière par : ‘il est descendu aux enfers’ ».
  3. Enfin, certains ont soutenu que la phrase ne signifie pas autre chose que ce qu’elle dit : Christ est réellement descendu aux enfers après sa mort sur la Croix.

 

 

Que dit la Bible ? 5 passages utilisés pour défendre la descente de Christ aux enfers

Cinq passages sont souvent utilisés pour appuyer l’idée que Christ est réellement descendu aux enfers entre sa mort et sa résurrection.

 

Actes 2:27

Il s’agit d’une partie du discours de Pierre le jour de la Pentecôte, dans lequel il cite le Psaume 16:10 : « Car tu n’abandonneras pas mon âme au séjour des morts (hades), et tu ne permettras pas que ton Saint voie la corruption. »

Cela signifie-t-il que Jésus est descendu aux enfers ? Pas nécessairement. Pierre utilisait ce Psaume de David pour dire que le corps de Christ n’a pas connu la corruption — contrairement à David, qui « est mort, a été enseveli et [dont le] tombeau est encore aujourd’hui parmi nous. »

 

Romains 10:6‑7

Ces versets contiennent deux questions rhétoriques, qui sont, une fois de plus, deux citations de l’Ancien Testament (provenant de Deutéronome 30:13) : « Ne dis pas en ton cœur : Qui montera au ciel ? — c’est-à-dire : pour en faire descendre le Christ — ou : Qui descendra dans l’abîme ? — c’est-à-dire : pour faire remonter le Christ d’entre les morts. » Il n’est pas à dire que ce passage enseigne que Christ est descendu aux enfers. Le but de ce passage est de montrer aux croyants qu’il est inutile de se poser ces questions car Christ n’est pas loin de nous, mais tout près ; notre foi en lui est palpable si nous confessons de notre bouche et si nous croyons de notre cœur (v. 9).

 

Éphésiens 4:8-9

Paul écrit ici : « Or, que signifie : Il est monté, sinon qu’il est aussi descendu dans les régions inférieures de la terre ? »

Cela signifie-t-il que Christ est descendu aux enfers ? L’expression « régions inférieures de la terre » est difficile, mais une autre traduction rend un sens plus fidèle : « Or, que signifie : il est monté, sinon qu’il est aussi descendu dans les régions inférieures, sur la terre ? » (NBS). Ici, la version NBS lie le fait d’être « descendu » à l’événement de l’incarnation, au fait que Christ soit venu sur terre sous la forme d’un petit enfant. Les quatre derniers mots sont une traduction acceptable du texte grec, si l’on considère que « les régions inférieures de la terre » sont à comprendre comme « les régions inférieures, c’est-à-dire la terre ».

Ainsi, Paul dit ici que le Christ qui s’en est allé au ciel (lors de l’ascension) est le même que celui qui en est descendu peu auparavant (v.10). Cette « descente » du ciel désigne bien évidemment le fait que Christ soit venu naître comme un être humain. Le verset parle donc de l’incarnation, non pas d’une descente aux enfers.

 

1 Pierre 3:18-20

Voici ce que dit ce passage : « Christ aussi a souffert une fois pour les péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous amener à Dieu, ayant été mis à mort quant à la chair, mais ayant été rendu vivant quant à l’Esprit, dans lequel aussi il est allé prêcher aux esprits en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsque la patience de Dieu se prolongeait, aux jours de Noé, pendant la construction de l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, c’est-à-dire, huit, furent sauvées à travers l’eau. »

Ce passage est, pour beaucoup, le plus déconcertant. Tirons au clair quelques questions soulevées par ce texte.

 

1 Pierre 3:18-20 dit-il que Christ a prêché aux enfers ?

Certains ont compris la phrase « il est allé prêcher aux esprits en prison » comme signifiant que Christ est descendu aux enfers pour prêcher aux esprits qui s’y trouvaient — soit en proclamant l’évangile et leur offrant donc une nouvelle chance de se repentir, soit en proclamant qu’il avait triomphé d’eux et qu’ils étaient pour toujours condamnés.

Mais ces interprétations n’expliquent en rien ce passage ou la raison pour laquelle il se trouve placé dans ce contexte. Pierre ne dit pas que Christ a prêché aux esprits en général, mais uniquement à ceux « qui autrefois avaient été incrédules […] aux jours de Noé, pendant la construction de l’arche. » Descendre aux enfers pour prêcher à une audience si limitée — ceux qui n’avaient pas obéi au temps de la construction de l’arche — est une bien étrange idée.

Si Christ y était descendu proclamer son triomphe, pourquoi le faire face à ces pécheurs uniquement ? Et s’il venait offrir une autre chance de salut, pourquoi ne l’annoncer qu’à ces pécheurs-là et non aux autres ? En outre — et c’est là un obstacle de taille — les Écritures affirment clairement ailleurs qu’il n’existe pas de possibilité de repentance après la mort (Luc 16:26 ; Hébreux 10:26-27).

D’autre part, le contexte d’1 Pierre 3 semble détonner avec l’idée d’une « prédication aux enfers ». Pierre encourage ses lecteurs à témoigner sans crainte auprès des non-croyants qu’ils rencontrent. Il leur dit simplement d’être « toujours prêts à présenter [leur] défense devant quiconque [leur] demande de rendre compte de l’espérance qui est en [eux] » (1 Pierre 3:15 ; NBS). Ce motif d’évangélisation perdrait de son urgence s’il était possible d’avoir une deuxième chance après la mort. Cela n’irait d’ailleurs pas non plus avec l’idée de « prêcher la condamnation ».

 

1 Pierre 3:18-20 dit-il que Christ prêche aux anges déchus ?

Afin de mieux interpréter ce passage, quelques commentateurs ont supposé que les « esprits en prison » font référence à des esprits démoniaques, les esprits des anges déchus. Christ aurait donc prêché la condamnation à ces démons. Ceci, selon eux, est censé réconforter les lecteurs de Pierre en leur montrant que les forces démoniaques qui les oppressent ont elles aussi été vaincues par Christ.

Les lecteurs de Pierre auraient cependant dû passer par un raisonnement incroyablement complexe pour tirer une telle conclusion d’une phrase si obscure. Premièrement, ils auraient dû savoir que certains démons qui avaient péché il y a longtemps étaient condamnés ; deuxièmement, que d’autres démons animent les personnes qui les persécutent ; troisièmement, que ces démons seront apparemment condamnés un jour ; et, quatrièmement, que les personnes qui les persécutent seront un jour jugées elles-aussi. Dès lors seulement, les lecteurs de Pierre auraient pu en arriver à la conclusion : « Ne craignez pas ceux qui vous persécutent. »

Ne semble-t-il pas tiré par les cheveux d’imaginer que Pierre pensait que ses lecteurs allaient comprendre toutes ces choses uniquement grâce à cette phrase ?

En outre, le contexte nous indique que Pierre met l’accent sur les personnes rejetant l’évangile et non pas sur les démons (1 Pierre 3:14, 16). Comment les lecteurs de Pierre auraient-ils pu tirer la conclusion qu’il parlait des anges qui avaient péché « pendant la construction de l’arche » ? L’idée que Pierre parle ici de la proclamation d’un jugement sur les anges déchus n’est donc pas non plus pertinente.

 

1 Pierre 3:18-20 fait-il référence à une prédication de Christ aux saints de l’Ancien Testament ?

Une autre explication pour ce texte est que Christ, après sa mort, est allé proclamer la libération des croyants de l’Ancien Testament qui ne pouvaient pas entrer dans le ciel avant le terme de l’œuvre rédemptrice de Christ.

Une fois encore, nous nous devons de nous demander si ce point de vue est en accord avec le sens du texte. Car ce dernier ne dit pas que Christ a prêché aux croyants, ou à ceux qui étaient fidèles à Dieu, mais à ceux qui ont été « incrédules » — Pierre met ici l’accent sur la désobéissance. Il ne parle donc pas des croyants de l’Ancien Testament en général, mais de ceux qui étaient désobéissants « aux jours de Noé, pendant la construction de l’arche » (1 Pierre 3:20).

Enfin, les Écritures ne nous donnent pas de preuves que les croyants de l’Ancien Testament aient pu être privés de l’accès complet aux bénédictions de la présence de Dieu dans le ciel à leur mort. Tout au contraire, plusieurs passages suggèrent que les croyants qui sont morts avant le supplice de Christ sont entrés tous ensemble dans la présence de Dieu, car leurs péchés leur ont été pardonnés par le fidèle Messie à venir (Genèse 5:24 ; 2 Samuel 12:23 ; Psaumes 16:11 ; 17:15 ; 23:6 ; Ecclésiaste 12:7 ; Matthieu 22:31–32 ; Luc 16:22 ; Romains 4:1–8 ; Hébreux 11:5).

 

Une explication plus appropriée d’1 Pierre 3:18‑20

L’explication la plus convaincante d’1 Pierre 3:18‑20 semble avoir été avancée (mais pas défendue), il y a déjà longtemps par Augustin : le passage ne se réfère pas à quelque chose Christ aurait fait entre sa mort et sa résurrection, mais à ce qu’il a fait dans « le règne spirituel de l’existence » (ou « à travers l’esprit ») au temps de Noé. Lorsque Noé construisait l’arche, Christ prêchait « en esprit » par Noé à ses contemporains.

Cette interprétation est plus en harmonie avec le contexte plus large d’1 Pierre 3:13‑22. Le parallèle entre l’interprétation de Noé et la situation des lecteurs de Pierre est clair :

  • Ils faisaient tout deux partie d’une minorité religieuse.
  • Ils étaient tous deux entourés de non-croyants hostiles.
  • Ils faisaient tous les deux face à la possibilité d’un jugement imminent.
  • Ils devaient tous les deux témoigner.
  • Tous deux ont finalement été sauvés.

Une telle lecture d’1 Pierre 3:18‑20 semble être la plus adéquate face à un texte aussi déroutant que celui-ci.

 

1 Pierre 4:6

Ce cinquième et dernier passage soutenant l’idée d’une descente aux enfers de Jésus dit : « Car l’Évangile a été aussi annoncé aux morts, afin que, après avoir été jugés comme les hommes quant à la chair, ils vivent selon Dieu quant à l’Esprit. »

Ce verset signifie-t-il que Christ a prêché l’évangile à ceux qui sont morts ? Si tel est le cas, ce serait le seul et unique passage de toute la Bible à enseigner une « deuxième chance » de salut après la mort et il contredirait donc des passages tels que Luc 16:19-31 et Hébreux 9:27, lesquels semblent clairement nier une telle possibilité.

De plus, ce passage ne dit pas explicitement que Christ ait prêché à ces personnes après leur mort, mais pourrait plus vraisemblablement vouloir dire que l’évangile en général a été prêché (ce verset ne dit d’ailleurs même pas qu’il aurait été prêché par Christ) à ceux qui sont à présent morts, pendant qu’ils étaient encore en vie sur cette terre.

Il s’agit là d’une explication très courante, qui semble éclairer ce verset de manière plus pertinente. Elle s’appuie sur le premier terme « car » qui fait référence au jugement final mentionné à la fin du verset 5. Pierre nous indique ici la raison pour laquelle l’évangile a été prêché aux morts. Ainsi donc, « les morts » sont ceux qui sont morts depuis longtemps et ceux qui viennent de mourir, bien qu’ils aient été en vie sur terre au moment où l’évangile leur a été prêché. Nous concluons donc, au regard de ce passage replacé dans son contexte, qu’il n’existe aucune base solide venant appuyer la doctrine de la descente de Christ aux enfers.

 

 

3 passages indiquant que Jésus n’est pas descendu aux enfers

Outre le fait qu’il n’existe que peu — voire aucun — support biblique pour l’idée d’une descente de Christ aux enfers, il existe des textes du Nouveau Testament qui s’opposent à l’idée que Christ ait pu descendre aux enfers après sa mort.

 

Luc 23:43

Les mots de Jésus sur la croix adressés au brigand « aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (Luc 23:43), suggèrent qu’après la mort de Jésus, son âme (ou son esprit) a directement rejoint la présence du Père au ciel, même si son corps demeurait sur terre enseveli.

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Certains s’opposent à cette interprétation en disant que le terme de « paradis » désigne une place bien déterminée du ciel. Cependant, les deux autres occurrences de ce terme dans le Nouveau Testament désignent clairement le ciel : en 2 Corinthiens 12:4, il s’agit de l’endroit où Paul est enlevé lors des révélations qui lui sont adressées ; en Apocalypse 2:7, il s’agit de l’endroit dans lequel on trouve l’arbre de vie — endroit qui est très clairement désigné comme étant le ciel en Apocalypse 22:2 et 14.

 

Jean 19:30

Par ailleurs, le cri de Jésus « Tout est accompli » (Jean 19:30) suggère fortement que les souffrances de Christ étaient terminées au moment de la croix et que son aliénation provenant du Père à cause de nos péchés prenait fin. Ceci implique donc qu’il ne descendrait pas aux enfers mais qu’il rejoindrait tout de suite la présence du Père.

 

Luc 23:46

Enfin, le cri « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Luc 23 : 46) suggère lui aussi que Christ attendait la fin immédiate de ses souffrances et de sa séparation d’avec le Père, ainsi que l’accueil de son esprit au ciel par Dieu le Père (à noter le cri similaire d’Étienne en Actes 7 : 59).

 

 

Si Jésus n’est pas descendu aux enfers, que s’est-il passé à sa mort ?

Ces textes indiquent donc que Christ a connu, à sa mort, ce que connaissent les croyants de nos jours lorsqu’ils meurent : son corps mort a demeuré sur terre et a été enseveli (comme le seront les nôtres), mais son esprit (ou son âme) a immédiatement rejoint la présence de Dieu au ciel (tout comme le feront les nôtres).

Ainsi donc, le premier matin de Pâques, l’esprit de Christ a rejoint son corps et il est donc ressuscité des morts — tout comme les chrétiens qui sont morts regagneront, au retour de Christ, leurs corps et se relèveront, dans une enveloppe nouvelle, perfectionnée pour leur nouvelle vie.

Ces choses constituent pour nous un encouragement : n’ayons pas peur de la mort, non seulement parce que nous avons pour nous la vie éternelle, mais également parce que nous savons que notre Sauveur lui-même a traversé l’expérience même que nous vivrons un jour : il a préparé, voire même, sanctifié notre chemin, afin que nous le suivons avec confiance à chaque pas.

 

 

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Guillaume Bourin est co-fondateur du blog Le Bon Combat et directeur des formations #Transmettre. Docteur en théologie (Ph.D., University of Aberdeen, 2021), il est l'auteur du livre Je répandrai sur vous une eau pure : perspectives bibliques sur la régénération baptismale (2018, Éditions Impact Academia) et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs. Guillaume est marié à Elodie et est l'heureux papa de Jules et de Maël