Que penser des « évangiles perdus » ?
Article de Michael J. Kruger initialement publié sur son blog le 8 février 2022. Traduction : D. Orchanian.
Pour ceux qui seraient intéressé, l’article original contient également une intervention de M. Kruger pour TGC USA.
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Dans les travaux modernes sur le canon du Nouveau Testament, les livres dits « perdus » de la Bible font l’objet de nombreuses discussions (voire même une obsession !). On trouve ainsi des ouvrages récents avec des titres comme Lost Scriptures (Les Écritures perdues), Forgotten Scriptures (Les Écritures oubliée), et The Lost Bible (La Bible perdue). Cette fascination est telle au sein de la communauté universitaire que le chercheur Philip Jenkins a écrit un livre entier pour documenter (et critiquer) ce phénomène : Hidden Gospels: How the Search for Jesus Lost Its Way (Les évangiles cachés: comment la recherche sur Jésus a perdu la tête)
Que faire alors de ces autres livres de la période du Nouveau Testament ? Passons en revue quelques éléments importants.
Tout d’abord, la plupart de ces livres n’ont jamais vraiment été « perdus ». Les premiers pères de l’Église étaient tout à fait conscients de leur existence. De fait, ils les connaissaient suffisamment pour reconnaître qu’ils n’avaient pas affaire à d’authentiques écrits apostoliques. Personne n’a donc dissimulé ou supprimé ces livres. Au contraire, les premiers chrétiens étaient assez ouverts sur la question et ont clairement affirmé pourquoi il fallait les écarter du canon biblique.
Deuxièmement, la plupart de ces livres « perdus » n’étaient pas vraiment populaires. Certaines études modernes sur le canon suggèrent faussement que ces textes étaient lus massivement par les premiers chrétiens. Ce serait à une période ultérieure, une fois que les autorités ecclésiastiques auraient décidé de sévir, que ces livres auraient vu leur popularité réduite.
Mais les indices historiques dont nous disposons démontrent le contraire. Certes, il arrivait aux pères de l’Église d’utiliser à l’occasion des évangiles apocryphes. Cependant, quand on considère la fréquence de citation de ces textes par rapport aux évangiles canoniques, aucune comparaison n’est possible. Ainsi, John Barton (Spirit and the Letter, 19) affirme que « les citations d’évangiles et autres livres apocryphes qui ont été exclus du canon par la suite sont très loin de rivaliser avec la fréquence de citation du noyau de base ».
Clément d’Alexandrie en est un excellent exemple : il cite les évangiles apocryphes 16 fois.Ce nombre peut sembler élevé jusqu’à ce qu’on le compare avec le nombre de références aux évangiles canoniques dans ses oeuvreds : Matthieu : 757 fois ; Luc : 402 fois ; Jean : 331 fois ; Marc : 182 fois. (Pour en savoir plus, consultez mon ouvrage Question of Canon, 168).
Et on arrive ainsi au troisième point que je souhaite mentionner : les chrétiens n’ont pas attendu qu’un concile du quatrième siècle vienne leur dire quels livres ils devaient lire. Il existait de toute évidence un « noyau » de livres du Nouveau Testament (près de 22 sur 27) qui était reconnu comme « les Écritures » dès la première moitié du deuxième siècle. Bien sûr, certaines discussions existaient au sujet de certains livres mineurs. Mais pour l’essentiel, le canon du NT était déjà largement établi dès le milieu du deuxième siècle.
Tout ceci indique que les livres apocryphes n’ont pas été exclus du canon par les chrétiens du IIIème ou IVème siècle. En fait, la plupart n’y ont jamais été inclus.
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