L’évangélisation : une opération de sauvetage, pas une action commerciale
Cet article est extrait du livre L’évangélisation durable, de Franck Segonne. Franck est le professeur de notre tout prochain cours #Transmettre. Inscrivez-vous ici et tentez de gagner un exemplaire de son livre !
Si nous adoptons la définition de Michael Green, l’évangélisation se résume à la « proclamation de la Bonne Nouvelle du salut aux hommes et femmes, en vue de leur conversion à Christ et de leur insertion dans l’Église ». Selon Green, l’évangélisation vise deux objectifs :
- la conversion à Christ ;
- l’incorporation dans une Église locale.
Cela signifie que l’évangélisation ne vise pas seulement la conver- sion mais également la formation de disciples qui participent à une vie communautaire. […]
Prier pour nos « contacts » ?
«J’ai eu un bon contact.»
« Nous avons eu 15 contacts lors de notre dernière campagne d’évangélisation. »
« Prions pour tous nos contacts. »
« Que le Seigneur nous aide à avoir de nouveaux contacts. »
Toutes ces phrases ont été glanées dans des réunions de prières ou des discussions à l’Église, entre chrétiens. Je comprends l’idée derrière le mot « contact ». Avoir un contact, c’est avoir une première connexion avec une personne. Or généralement, lorsqu’une personne demande de prier pour son « contact », elle pense rarement à une première connexion, il s’agit bien souvent d’une personne que l’on connaît et que l’on fréquente depuis un certain temps. Dans ce cas-là, le terme « contact » devient quelque peu « maladroit ».
Pour la plupart d’entre elles, les personnes qui m’entourent ne connaissent pas Jésus. Je désire plus que tout qu’elles le rencontrent. Qu’elles fassent la paix avec leur créateur. Mais ces gens ne sont pas mes « contacts ». Ce sont des hommes et des femmes. Ce sont des étudiants, des retraités, des chômeurs, des cadres, des artisans, des voisins, des conseillers municipaux, des membres de ma famille, etc. Ce sont des personnes avec qui j’entretiens de vraies relations. Certaines sont très proches et partagent mon intimité, d’autres moins. Mais ce ne sont pas mes « contacts ». Ils ont tous une identité avec un prénom et un nom. Ils ont une histoire. Une personnalité. Un parcours de vie qui fait d’eux des êtres uniques. Ce sont des êtres créés à l’image de Dieu. Par conséquent, ils ont une valeur immense aux yeux du créateur, au point qu’il a choisi de sacrifier son fils pour les sauver. Par respect envers notre créateur, par amour pour eux, nous ne devrions jamais les considérer comme des « clients potentiels », des « futurs adeptes » de la religion évangélique.
Mon ami Marcello, agent commercial dans une grande entreprise, utilise cette terminologie pour décrire ses futurs clients. Il quantifie ses « contacts » car il a un intérêt financier évident. C’est pour du business. C’est pour développer un chiffre d’affaires. C’est pour atteindre des objectifs. Ses contacts sont des clients potentiels qu’il compte ajouter à son portefeuille un jour ou l’autre. Je comprends que Marcello utilise ce vocabulaire à des fins commerciales. En revanche, je trouve inacceptable d’emprunter la même terminologie à l’égard de ceux qui ne connaissent pas encore le Seigneur. C’est, à mon sens, un cruel manque de considération.
Mettons-nous quelques instants dans la peau d’un non-croyant pour comprendre l’impact de cette expression. Imaginons que Justine, une collègue de travail, pénètre pour la première fois dans une Église évangélique. Elle assiste au culte dominical. Pendant le temps d’an- nonces, un frère zélé pour le Seigneur souhaite encourager l’assemblée à participer à la prochaine réunion de prière. Il monte en chaire pour que tout le monde entende bien l’annonce. Il saisit le micro et d’un cœur sincère s’exclame :
Chers frères et sœurs en Christ. C’est un devoir et une nécessité de prier pour que des gens se tournent vers le Seigneur.
Aussi je vous encourage vivement à participer à la réunion de prière mardi soir. Nous intercèderons pour tous nos contacts. Nous avons jeté nos filets lors de notre dernière campagne d’évangélisation et avons attrapé quelques poissons.
À ce moment précis, au mieux Justine trouvera cet homme maladroit, au pire elle se sentira piégée et prendra la porte. Si j’avais entendu ce genre de propos la première fois que j’ai mis les pieds dans une église évangélique, je serais parti en courant. Devenir un « pêcheur d’hommes » (selon l’expression de Jésus en Matthieu 4.19 et Luc 5.10), ne fait pas de nous des pêcheurs sans état d’âme et prêts à tout pour capturer des poissons dans nos filets. Jésus a utilisé cette expression en s’adressant à des pêcheurs professionnels.
Cela avait du sens pour eux, pas forcément pour nous. D’ailleurs, Jésus n’a jamais réutilisé cette expression dans un autre contexte. Pourquoi vouloir l’appliquer à tous les chrétiens alors que Jésus s’adresse à ses futurs apôtres ? En admettant que Jésus s’adresse à tous les
croyants, notons qu’il fera de ses disciples des « pêcheurs d’hommes » seulement s’ils le suivent (suivez-moi ET je vous ferai pêcheurs d’hommes). Nous ne pouvons pas être des « pêcheurs d’hommes » si nous ne suivons pas Jésus. Or suivre Jésus consiste à l’aimer de tout notre cœur et à aimer notre prochain, au moins autant que nous nous aimons nous-même. Suivre Jésus, c’est lui faire confiance en appliquant sa parole avec joie. Toutes les actions d’un « pêcheur d’hommes » devraient être effectuées avec foi et moti- vées par l’amour (Ga 5.6). Par conséquent, un « pêcheur d’hommes » ne devrait jamais considérer les gens à qui il annonce l’Évangile comme des poissons, des clients potentiels ou des contacts.
C’est une des raisons pour lesquelles j’ai choisi de ne pas utiliser ces expressions dans l’Église. Chaque dimanche, nous accueillons de nouveaux venus, des gens « du dehors » comme dirait l’apôtre Paul. Nous ne souhaitons surtout pas que nos visiteurs se sentent mal à l’aise, qu’ils flairent une arnaque ou un quelconque intérêt de notre part à les adjoindre à notre assemblée. Nous espérons que nos visiteurs seront dérangés par le message et non par notre manque de sensibilité, par le fond et non par la forme. Ils doivent se sentir pleinement libres de partir comme de revenir.
D’accord, me direz-vous, mais alors par quoi remplacer ces expressions ? Je vous suggère le mot « ami ». Certains hésiteront avec ce terme. En tant qu’évangéliques, nous avons parfois une idée précise du mot « ami ». Le terme grec philéo traduit par « ami » dans nos Bibles, sous-entend une certaine intimité, un engagement, une réciprocité dans la relation. Jésus nous considère comme ses amis dès lors que nous l’aimons et lui obéissons et qu’il nous communique des choses intimes et importantes11.
L’amitié représente donc quelque chose de fort pour nous. Ceci dit, le mot « ami » n’a pas le même sens dans notre société (comme le mot « Église12 »). Il est beaucoup moins fort. Les gens ont de nombreux « amis » sur les réseaux sociaux. Parfois, ce sont des gens qu’ils ne côtoient qu’une fois par an. Un autre élément qui me fait pencher vers ce terme est que Jésus lui-même avait des amis non-croyants. Les gens le considé- raient comme « l’ami des pécheurs et des péagers13 ». Je ne pense pas pour autant que Jésus était intime avec eux. Par conséquent, pourquoi ne pas considérer aussi les gens que nous côtoyons comme des amis ? Si vous ne choisissez pas le terme « ami », choisissez-en un autre. À votre convenance.
Priez pour eux en les appelant par leur prénom, mais évitez de prier pour vos « contacts ».
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Votre professeur
Franck Segonne a étudié à l’Institut Biblique de Genève où il est actuellement chargé de cours. Il a été pasteur d’une Église Évangélique à Dijon pendant 18 ans. Parallèlement, il a créé et dirigé un café collaboratif avec une équipe de bénévoles. En 2018, il a entamé un Master en missiologie et implantation d’Eglises à la FLTE de Vaux sur Seine. Depuis septembre 2020, il est pasteur de l’Église Évangélique Internationale de Genève. Il participe régulièrement à des formations et séminaires pour encourager les Eglises et les responsables à persévérer et progresser dans le domaine de l’évangélisation.
Franck est aussi l’auteur d’un ouvrage sur l’évangélisation : L’évangélisation durable : une vie à partager (Éditions Clé 2020). Il est marié à Sandrine et l’heureux père de trois enfants.