Quel est le rôle du chrétien dans un gouvernement?

 

Question: Quel est le rôle du chrétien dans un gouvernement?

Réponse: Puisque les croyants doivent cohabiter avec les non-croyants, ils sont appelés à participer avec eux au gouvernement de la société. Ils le font comme chrétiens en étant la lumière du monde ~ Matthieu 5.14-16

Question précédente: Quel est le rôle du gouvernement?

 

La question du rôle du chrétien dans un gouvernement soulève toute la question du rapport entre l’Église et l’État. Devraient-ils être absolument séparés? Y a-t-il un ordre hiérarchique entre les deux? Faut-il souhaiter un gouvernement chrétien? Bien sûr, nous ne pourrons pas répondre en détail à l’ensemble de ces questions, mais espérons que nous pourrons fournir des éléments de réponse satisfaisants.

(Par. 2) Il est légitime pour des chrétiens d’accepter et de s’acquitter de la charge de magistrat quand ils y sont appelés. Dans l’exercice de cette fonction, comme ils doivent spécialement maintenir la justice et la paix, selon le droit de chaque État et royaume, ils peuvent, sous le Nouveau Testament, faire légitimement la guerre lorsque les circonstances le justifient et l’imposent.

 

Le gouvernement politique n’est pas une institution proprement chrétienne, car il doit gouverner la sphère commune de la société où les enfants du royaume de Dieu cohabitent avec ceux du siècle présent. Certains considèrent que la cohabitation pacifique est impossible, lorsque vient le temps d’établir un gouvernement, en raison de l’incompatibilité religieuse entre les enfants de ce siècle et ceux du siècle à venir. Tôt ou tard, l’une des deux postérités cherchera à dominer l’autre en contrôlant le gouvernement.

Devant cette difficulté, les chrétiens ont tenté différentes solutions. À un extrême, il y a ceux qui optent pour la séparation. Parfois pour fonder une société chrétienne parallèle avec son propre gouvernement. Mais le plus souvent en affirmant qu’il n’est pas légitime pour un chrétien de participer au gouvernement d’un monde impie au sein duquel il nous faut plutôt accepter de souffrir que d’aspirer à le gouverner. À l’autre extrême, il y a ceux qui proposent la domination. Puisque ce monde appartient à Dieu, il revient à ses enfants de le gouverner et d’en faire un royaume pour Christ. Cette approche peut prendre différente forme entre la théonomie stricte et le principe d’établissement de la vraie religion par l’État.

Entre ces deux postures antithétiques, il existe une troisième approche qui partage à la fois le réalisme des uns et l’optimisme des autres : la cohabitation. Cette approche affirme qu’aucun gouvernement ne peut être proprement chrétien, ni n’est appelé à l’être, car Christ n’est pas venu fonder un pays, mais une Église et celle-ci n’appartient à aucune nation tout en étant composée de toutes les nations (Mt 28.19 ; Col 3.11 ; Ap 5.9-10). L’Église est un royaume en soi, mais qui n’est pas de ce monde. Cette approche voit le monde comme un champ missionnaire qui ne doit jamais être confondu avec l’Église, mais les deux cohabiteront jusqu’à la fin du monde (Mt 13.38-39). Les chrétiens ne doivent pas sortir du monde, mais vivre comme la lumière du monde (Jn 17.15 ; Mt 5.14-16).

Ainsi, les chrétiens peuvent légitimement exercer un rôle au sein d’un gouvernement non-chrétien en agissant comme chrétiens. Le rôle d’un chrétien dans un gouvernement est le même que celui du chrétien dans la société : exercer une influence chrétienne qui a pour but de préserver l’ordre moral dans le monde et de favoriser la réconciliation avec Dieu (1 P 2.12-17). Un chrétien doit gouverner en tant que chrétien ; il peut servir un souverain idolâtre, mais il ne peut se prosterner que devant Dieu (Dn 3.12, 17-18, 6.13). Il peut chercher les intérêts d’un royaume terrestre, mais jamais au détriment du royaume de Dieu (Né 2.1-5) et sans chercher partialement les intérêts de l’Église, il défendra publiquement la cause de celle-ci (Ps 105.14-15 ; 1 Co 6.4). En connaissant la sagesse d’en haut, il sera d’une grande utilité pour la vie dans le siècle présent en vue de la paix et de la justice (Ps 82.3-4 ; Tt 2.12). Il ne peut y avoir de meilleure bénédiction pour une nation, qu’un gouvernement qui craint Dieu (2 S 23.3-4).

Il est important de préciser, cependant, que s’il « est légitime pour des chrétiens d’accepter et de s’acquitter de la charge de magistrat », cela n’implique pas que l’Église en tant que telle ait une fonction politique. Il est impératif de distinguer le rôle du chrétien dans la société de celui de l’Église. Il faut maintenir la spiritualité de cette dernière, c’est-à-dire le caractère non politique de l’Église et sa vocation exclusivement religieuse. Que l’Église ait une doctrine du gouvernement et un idéal politique n’implique pas qu’elle soit partisane ou engagée au service d’une cause en dehors de son mandat missionnaire. Un chrétien peut, quant à lui, défendre une cause qu’il croit juste, mais tout militantisme devrait être évité au sein de l’assemblée (Rm 14.1).

Certains croyants contestent toute légitimité pour un chrétien de participer à un gouvernement politique puisqu’ils considèrent qu’il est impossible de ne pas devenir complice du mal fait par un gouvernement. Plus spécifiquement, les chrétiens pacifistes croient qu’il est impossible d’obéir fidèlement à Dieu tout en participant à un effort de guerre. La guerre implique qu’il faille tuer des hommes, peut-être même des chrétiens du camp adverse et cela est radicalement incompatible avec l’éthique du Nouveau Testament. Sous l’Ancien Testament, les choses étaient différentes, puisqu’il s’agissait « des guerres de l’Éternel ». Le paragraphe 2 termine en répondant spécifiquement à cette question.

La confession s’appuie simplement sur le fait que lorsque des soldats ont demandé ce qu’ils devaient faire pour se repentir et obéir à Dieu, Jean-Baptiste leur répondit (Lc 3.14) : « Ne commettez ni extorsion ni fraude envers personne, et contentez-vous de votre solde. » Le fait qu’il ne leur fut pas commandé d’abandonner cette profession pour pouvoir entrer dans le royaume des cieux est une indication de la compatibilité entre leur vocation civile et céleste. Ils ne furent pas les seuls militaires à avoir reçu un bon accueil dans le royaume de Christ (Mt 8.9-10 ; Ac 10.1-2).

La confession n’autorise pas les chrétiens à faire n’importe quelle exaction, du moment qu’ils le font au service du gouvernement (cf. 1 S 22.16-17) ; mais en parlant des « circonstances qui le justifient et l’imposent », elle fait référence à ce que les théologiens ont appelé « la guerre juste ». De plus, la légitimité de prendre les armes pour le bien public repose sur une distinction entre la vengeance privée qui est interdite (Rm 12.17-21) et la vengeance publique qui est commandée (Rm 13.3-4). C’est aussi le rôle d’un chrétien de rappeler ce principe fondamental de justice non seulement au sein d’un gouvernement, mais à toute la société. Remettons toute injustice à chaque autorité compétente établie par Dieu pour gouverner la sphère sociale, ecclésiale et familiale.

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Pascal Denault est pasteur de l’Église réformée baptiste de St-Jérôme. Il est titulaire d’une Licence (BA) et d’un Master en théologie (ThM) de la Faculté de théologie évangélique de Montréal. Pascal est l’auteur des livres Le côté obscur de la vie chrétienne (2019, Éditions Cruciforme) – Une alliance plus excellente (2016, Impact Académia) – Solas, la quintessence de la foi chrétienne (2015, Cruciforme) – The Distinctiveness of Baptist Covenant Theology (2017 Revised Edition, Solid Ground Christian Books).