A quoi correspondent les « fleuves d’eau vive » dont parle Jésus en Jean 7.38 ?
- Article de Craig S. Keener publié le 22 août 2011 sur son blog. Traduction : Elodie Meribault.
La promesse de fleuves d’eau vive (Jean 7.37-38) se référant à la venue du Saint-Esprit (Jean 7.39), est profondément stimulante ! Si vous parcourez le reste de l’évangile, notez donc le contraste entre cette eau vive de l’Esprit et les autres rituels auxquels s’adonnaient les contemporains de Jésus et qui nécessitaient l’utilisation d’eau. Votre joie sera plus grande encore !
Le baptême d’eau de Jean était bon, mais le baptême d’Esprit de Jésus était meilleur (1.26, 33). La tradition juive voulait que les puits de Cana ne soient utilisés que pour les rituels de purification, mais lorsque Jésus a changé l’eau en vin, il a démontré qu’il accordait davantage d’importance à l’honneur de ses amis qu’à la tradition et aux rites (2.6). La femme samaritaine a abandonné la cruche qu’elle utilisait pour puiser de l’eau dans le puits sacré de ses ancêtres car elle a compris que Jésus offrait une source d’eau vive qui donne la vie éternelle (4.13-14). L’homme qui ne parvenait pas à être guéri par une eau supposée apporter la guérison (5.7) a trouvé son remède en Jésus (5.8-9). L’homme aveugle a été en quelque sorte guéri par l’eau, mais uniquement parce que Jésus l’a « envoyé » s’y plonger (9.7).
C’est en Jean 3.5 que nous comprenons plus en détail la fonction de cette eau. Jésus explique que Nicodème ne peut comprendre le royaume de Dieu sans être “né d’en-haut” (3.3), c’est-à-dire, de Dieu. Lorsque les enseignants juifs parlaient d’un chrétien né de nouveau, ils décrivaient une personne qui s’était convertie au judaïsme. Nicodème ne pouvait pas se considérer païen ; il suppose donc que Jésus parle d’entrer à nouveau dans le sein de sa mère pour renaître (3.4). C’est la raison pour laquelle Jésus clarifie sa déclaration. Les Juifs croyaient que les païens se convertissaient au judaïsme grâce à la circoncision et au baptême, Jésus, lui, explique à Nicodème qu’il doit renaître “des eaux”. En d’autres termes, Nicodème doit venir à Dieu de la même manière que le font tous les païens !
Mais si Jésus donne à ce terme la même signification qu’il lui donne en 7.37-38, cela veut dire qu’il l’utilise comme un symbole pour désigner l’Esprit, auquel cas, il voudrait dire : “Vous devez renaître d’eau, c’est-à-dire, d’Esprit.” (c’est une traduction tout à fait légitime du texte grec). Si une telle traduction s’applique, Jésus utilise le baptême de conversion juif pour symboliser le baptême plus excellent de l’Esprit, qu’il donne à tous ceux qui placent sa confiance en lui. L’eau peut également symboliser l’esprit de service sacrificiel qui animait Jésus pour ses disciples (13.5).
Qu’entend donc Jésus par ces fleuves d’eau vive dans Jean 7.37-38 ? Penchons-nous rapidement sur les différentes traductions du texte grec. Premièrement, dans les traductions les plus récentes, on indique souvent en note de bas de page une autre manière de ponctuer les versets 37 et 38 (les versions les plus anciennes des textes grecs ne contenaient pas de ponctuation, et les Pères de l’Église se divisaient par ailleurs sur l’interprétation adéquate). Selon cette autre lecture des versets, il n’est pas évident que l’eau vive provienne du croyant ; elle semble plutôt provenir de Christ. Puisque les croyants “reçoivent” l’eau plus qu’ils ne la donnent (7.39), et puisqu’ils sont davantage, comme nous le voyons ailleurs, un “puits” qu’une “rivière” (4.14), il est possible que Christ soit la source d’eau vive dont parle ces versets (cette interprétation, néanmoins, ne nie pas la possibilité que les croyants puissent être plus profondément affermis par l’Esprit après leur conversion).
La tradition juive nous enseigne que le dernier jour de la fête des Tabernacles, le sacrificateur lisait au peuple les textes de Zacharie 14 et d’Ezéchiel 47, lesquels parlent de source d’eau vive, qui coule du Temple à la fin des temps. Jésus, dans notre passage, s’exprime le dernier jour de la fête des Tabernacles (7.2, 37), et fait donc probablement allusion aux Écritures qu’il venait de lire (« comme le disent les Écritures », 7.38). Pour le peuple Juif, le Temple était le “nombril” ou les “entrailles” de la terre. Il est donc possible que Jésus ait voulu dire : “Je suis la pierre angulaire d’un nouveau temple de Dieu. De moi découlent les sources d’eau vive ; que celui qui a soif s’approche et boive gratuitement !”
En règle générale les textes narratifs contiennent peu de motifs symboliques, mais il se peut que la fin de l’évangile de Jean fasse exception et contienne un symbole donné par Dieu aux témoins de la crucifixion (notons que Jean utilise plus souvent la symbolique que d’autres textes narratifs). Lorsqu’un soldat a percé le côté de Jésus, il en a coulé du sang et de l’eau (19.34). De fait, si l’on perce le corps d’une personne près du cœur, il est possible qu’un liquide aqueux en coule, en plus du liquide sanguin. Mais Jean est le seul des quatre évangiles à mettre l’accent sur l’eau ; il est possible que cette mention tende à prouver autre chose : Jésus désormais cloué à la croix et glorifié (7.39), la vie nouvelle par l’Esprit est rendue possible pour le peuple.
Approchons-nous donc, et buvons librement !