Comment vivre nos désaccords de manière saine ?

Article de Guy M. Richard, directeur exécutif de Reformed Theological Seminary à Atlanta. Cet article a été initialement publié sur le site de Ligonier.

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Le désaccord est l’un des plus grands problèmes auxquels nous sommes confrontés dans l’Église contemporaine. Quiconque a tenu une position de responsabilité dans l’Église sait exactement de quoi je parle. Le vrai problème n’est cependant pas tant l’existence de désaccords que la façon dont ils sont habituellement vécus (et les conséquences qui en découlent). Un désaccord, en soi, peut être une bonne chose. Il peut en certains cas apporter des clarifications, voire des améliorations lorsque nous élaborons un plan d’action. Il peut aussi protéger l’Église dans son ensemble, de sorte que personne ne puisse la prendre en otage ou l’amener dans des situations anti-bibliques ou imprudentes. Les désaccords nous forcent à réfléchir. Ils ouvrent nos yeux sur des perspectives différentes et nous mettent au défi de regarder les problèmes sous plusieurs angles. Ainsi donc, le désaccord peut renforcer l’Église et ses membres.

Le problème, à mes yeux, n’est pas tant nos désaccords que la manière dont nous les vivons, en particulier dans nos réactions envers ceux qui pensent différemment. Pour beaucoup d’entre nous, il semble être difficile d’être d’un avis divergent et agréables en même temps. Nous avons tendance à adopter une mentalité du type « nous contre eux ». On passe à l’offensive et on se bat pour « gagner ». L’orgueil, sans aucun doute, en est en grande partie responsable. Nous sommes des personnes orgueilleuses –nous tous. Et l’orgeuil, comme C.S. Lewis le souligne si bien dans Les fondements du christianisme, est toujours basé sur une forme de compétition. Il cherche à gagner. Il ne veut pas simplement être bon ; il veut être meilleur que quelqu’un d’autre. Il ne veut pas simplement être fort, rapide ou sage ; il veut être plus fort, plus rapide ou plus sage. L’orgueil rend notre désaccord compétitif d’une manière malsaine parce qu’il cherche toujours à « nous » exalter par rapport à « eux ».

Mais le désaccord n’est pas condamné à être enfermé dans cette sorte de compétition malsaine. Il peut y avoir de saints désaccords. La clé est de réaliser le mensonge de cette dichotomie de type « nous contre eux ». Satan est un menteur et le père du mensonge (Jean 8.44) ; il veut nous éloigner le plus possible de la vérité. Il ne veut pas que nous voyions que le « nous contre eux » mène à la perte. Il ne veut pas que nous constations que lorsque nous nous engageons dans un désaccord malsain, nous finissons par nous mordre les uns les autres.

Cette idée m’est venue pour la première fois il y a de nombreuses années en réfléchissant à mon mariage. J’étudiais l’enseignement de Paul sur l’unité de la relation mari-femme dans Ephésiens 5 quand il m’est apparu que si les maris et les femmes sont vraiment  » une seule chair  » – comme Paul (et Moïse) le dit – alors cela signifie que chaque fois que j’ai un désaccord avec ma femme, c’est en réalité avec moi-même que je me dispute. J’ai réalisé que, jusque-là, je luttais comme si nous étions deux personnes distinctes, chacune cherchant à triompher de l’autre. Lorsque j’ai commencé à considérer le fait que nous n’étions pas deux personnes séparées mais une seule chair, ma façon d’aborder nos désaccords a changée. J’ai compris que mon « combat pour gagner » était une attitude perdante. C’était comme si une moitié de moi se battait contre l’autre moitié. Dans un tel scénario, peu importe quelle moitié gagne : l’ensemble perd de toute façon. Je me suis alors rendu compte que « se battre pour gagner » signifiait vraiment se battre pour que l’ensemble du « moi » – c’est-à-dire ma femme et moi ensemble formant une seule chair – puisse gagner, pas seulement la moitié de « moi ».

Il en est de même dans l’Église. Nous le savons parce que Paul compare l’union entre le Christ et l’Église à l’union entre un mari et sa femme, ce qui signifie que l’Église n’est pas seulement « une seule chair avec Christ », pour ainsi dire, mais aussi une seule chair entre elle. Quand le Saint-Esprit unit un croyant à Christ, il l’unit aussi à tous ceux qui sont unis à Christ. Chacun d’entre nous devient une partie du corps du Christ (1 Co 12.27). Parce que les yeux, les oreilles, les bras et les jambes sont tous unis à notre corps, ils sont également unis les uns aux autres. Le même sang coule à travers eux tous. La même tête supervise et orchestre leur mouvement. Chaque membre a un intérêt direct dans les autres. Lorsqu’un membre souffre ou est blessé, le corps dans son ensemble est affecté. Il en est de même dans le corps de Christ. Le même sang coule à travers chaque membre du corps. Le même chef supervise et orchestre le mouvement de chaque partie. Lorsqu’un membre souffre ou est blessé, tout le corps est affecté.

La doctrine de l’union avec Christ signifie que lorsque nous ne sommes pas d’accord avec nos frères chrétiens, nous luttons vraiment contre nous-mêmes. Satan nous ment lorsqu’il nous maintient dans un paradigme de type « nous contre eux ». Nous sommes un seul corps. Cette dichotomie oppose les bras aux jambes et les yeux aux oreilles. Non seulement le corps tout entier souffre en pareil cas, mais chaque membre souffre avec le corps. Le problème, c’est que nous ne ressentons pas cela aussi intensément que lorsque nous en faisons l’expérience physiquement. Toutes les parties de notre corps sont touchées lorsque nous nous cassons une jambe, par exemple. Nous ressentons cette douleur dans notre être tout entier. Mais il est rare que nous ressentions un niveau de souffrance semblable quand un frère ou une sœur en Christ souffre. Nous le devrions, pourtant, mais ce n’est pas le cas. Cette absence de ressenti est à la mesure de notre manque de compréhension de l’étendue de notre union avec Christ.

En réalité, il n’y a pas de « nous contre eux » dans l’Église. Il n’y a qu’un « nous contre nous ». Si seulement les chrétiens pouvaient embrasser cette réalité, elle révolutionnerait la manière dont les désaccords sont gérés. Certes, il nous faut parfois nous battre pour « gagner » certains désaccords. Mais la « victoire » sera alors différente. Nos désaccords ne porteront pas sur le fait que « nous » gagnons et « eux » perdent. C’est tous ensemble que nous gagnerons, et ce comme un seul corps.

Si l’Eglise peut accepter de manière concrète qu’elle forme « une seule chair » et vivre ses désaccords internes sur cette base, elle pourra attirer l’attention du monde entier et l’amener à se questionner au sujet de l’espérance qui est en nous. Voilà un sujet de prière important !

 

 

 

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