Concerts, pièces de théâtres, et “christianisme festif” : l’évaluation de Spurgeon
Spurgeon s’opposait fermement à toute forme d’événementiel dans l’Eglise. Certains feront sans doute valoir qu’il officiait à une autre époque que la notre, et que celle-ci ne faisait que peu d’accueil aux concerts et autres représentations diverses et variées. Rien n’est moins vrai : le ministère de Spurgeon s’inscrit dans la grande “Époque victorienne” (1837-1901), considérée par beaucoup de spécialistes comme l’apogée de l’activité littéraire et théâtrale.
Spurgeon était radical quant à sa relation à l’évènementiel, allant jusqu’à se brouiller avec des collègues pasteurs après avoir appris que ceux-ci avaient été aperçus sortant d’un théâtre.
Bien entendu, je ne suis pas aussi catégorique que Spurgeon, mais je n’utilise pas davantage l’événementiel dans l’évangélisation -essentiellement pour des raisons pragmatiques (j’espère écrire à ce sujet dans l’avenir). Ceci étant, je suis passablement outré de voir ce à quoi est souvent réduit “l’évangélisation” par certains de mes frères et soeurs.
Il m’a donc paru bon de reproduire le célèbre article “Nourrir les brebis ou amuser les chèvres ?” (!!) souvent attribué à Spurgeon, mais qui est peut être l’oeuvre de son proche collaborateur et bref successeur Archibald Brown.
Regardez les trois principaux arguments mis en avant : qu’en pensez-vous ? Sont-ils pertinents pour aujourd’hui ? Les débats sont ouverts dans les commentaires 🙂
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Un mal s’est introduit parmi les chrétiens, si grossier et si incongru que les “myopes” spirituels ne peuvent pas manquer de le voir.
Au cours des dernières années, il s’est répandu fort rapidement comme du levain qui agit jusqu’à ce que toute la pâte soit levée. Rarement satan a proposé aux assemblées quelque chose d’aussi rusé : iI les a amenées à admettre la nécessité de présenter aux gens des distractions afin de les gagner.
Le témoignage de l’Eglise n’a cessé de perdre de son influence. Les puritains parlaient encore droitement. On est alors devenu indifférent, et l’on n’a plus ressenti tragiquement les influences mondaines, qui ne tardèrent pas à être tolérées en marge par les assemblées.
Aujourd’hui, elles sont officialisées par cet argument : on peut ainsi atteindre les grandes masses.
Voici une première réponse : nulle part l’on ne trouve dans l’Ecriture qu’il faille, comme mission d’une assemblée chrétienne, présenter des distractions aux gens. Si cela était du domaine des oeuvres spirituelles, Christ ne l’aurait-il pas mentionné ? Au contraire, iI a recommandé :
Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création.(Marc 16:15)
Voilà qui est clair, n’est-ce pas? Et tout aussi clair eût été ceci, qu’il aurait ajouté : “…et offrez des distractions à ceux qui n’accueillent pas l’Evangile avec beaucoup d’intérêt”. Mais nous ne trouvons pas de tels mots. II semble bien qu’il n’y pensait nullement.
Prenons un autre passage biblique:
Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l’oeuvre du ministère et de l’édification du corps de Christ.
(Eph. 4:11-12)
Où placer là les amuseurs? L’Esprit Saint ne les mentionne pas. Les prophètes furent-ils persécutés pour avoir fait rire les auditeurs? Ne serait-ce pas plutôt parce qu’ils refusaient de le faire? (…)
Deuxièmement : offrir des distractions au pécheur est en opposition directe à la doctrine et à la vie de Christ et de tous ses apôtres. Quelle était la position de l’Eglise vis-à-vis du monde? “Vous êtes le sel…” (Matth. 5,13), et non pas ceux qui mangent des sucreries ! Le sel est rejeté, il n’est pas absorbé pour le plaisir.
Brève et sèche, cette déclaration “…laisse les morts ensevelir leurs morts” (Math. 8,22). Jésus le pensait avec une sainte solennité !
Si Jésus-Christ avait introduit davantage d’éléments gais et agréables dans ses prédications, il n’aurait pas autant perdu de sa popularité (dans le cas exposé en Jean 6, 60-69). Je ne vois nulle part qu’il ait dit : “Cours après eux, Pierre, et dis-leur qu’à partir de demain, nous présenterons un nouveau genre de culte, attrayant et avec de brèves prédications. Nous offrirons au peuple une soirée agréable. Dis-leur que les gens s’y sentiront certainement très bien. Vite, Pierre, nous devons absolument attirer du monde !”
Jésus éprouvait de la compassion pour les pécheurs; il soupire et pleure sur eux, mais il n’essaya jamais de les distraire. C’est en vain que l’on chercherait dans les épîtres néo-testamentaires une trace d’un Evangile distrayant.
Le message biblique est : “Sortez du monde, restez en dehors, et tenez-vous purs de ses oeuvres !”
Les premiers chrétiens avaient une confiance illimitée dans l’évangile; ils ne se servaient d’aucune autre arme. Après que Pierre et Jean eurent été emprisonnés pour avoir prêché publiquement, une assemblée se réunit pour prier (Actes 4).
La prière formulée ne fut pas : “Seigneur, fais que Tes serviteurs puissent montrer à ces gens, par des distractions inoffensives et bien mûries, quel peuple joyeux nous, chrétiens, nous sommes.” Ils ne se laissaient pas dissuader de prêcher Christ. Ils n’avaient pas de temps à consacrer à l’organisation de distractions.
Dispersés par des persécutions, ils allèrent partout pour prêcher l’Evangile. Le monde en fut remué. Là réside la différence avec nous, chrétiens d’aujourd’hui. Oh Seigneur, purifie l’Assemblée de toute la pourriture et de toute l’absurdité dont le diable l’a chargée, et ramène-nous aux méthodes apostoliques !
Finalement, “l’amusement chrétien” manque l’essentiel. Il provoque des ravages chez les nouveaux convertis. Que les insouciants et les moqueurs, qui remercient Dieu de ce que l’Eglise les a rencontrés à mi-chemin, se lèvent et rendent témoignage. Que ceux qui portent de lourds fardeaux prennent la parole, eux qui auraient trouvé la paix lors d’un “concert chrétien”. Qu’ils se lèvent, les alcooliques à qui une pièce de théâtre “chrétienne” aurait donné une impulsion décisive vers leur conversion! Personne ne se lèvera! L’évangélisation au moyen de la distraction n’a amené personne à se convertir.
Ce dont nous avons besoin aujourd’hui est une étude, faite avec foi, de la Parole de Dieu, allant de pair avec une vie spirituelle sérieuse, où un élément découle de l’autre comme le fruit procède de la racine.
II nous faut un enseignement biblique, qui touchera notre intelligence et nos coeurs d’une manière telle que nous en deviendrons ardents pour le Seigneur.
Charles H. Spurgeon