Jean Calvin sur la vraie succession apostolique
Il apparaît que les défenseurs de l’Église romaine n’avancent pas autre chose aujourd’hui que ce que prétendaient les Juifs, quand les prophètes de Dieu les accusaient d’aveuglement, d’impiété et d’idolâtrie. Ils se prévalaient du Temple, des cérémonies et de la qualité de prêtre, éléments qu’ils estimaient constituer l’Église. Les défenseurs de l’Église romaine, de la même manière, mettent à la place de l’Église, je ne sais quelles faussetés qui apparaissent souvent là où l’Église n’est pas et, sans lesquelles, l’Église peut très bien subsister.
C’est pourquoi je ne dois pas présenter d’autre argument pour m’opposer à eux que celui qu’utilisait Jérémie pour détruire l’assurance des Juifs, lorsqu’il leur disait de ne pas se glorifier en répétant : « C’est le temple du Seigneur, c’est le temple du Seigneur, c’est le temple du Seigneur! » (Jérémie 7.4). Car Dieu ne reconnaît pas comme son temple un lieu où sa Parole n’est ni écoutée, ni respectée. C’est pourquoi, bien que la gloire de Dieu ait été anciennement dans le Temple entre les chérubins (Ézéchiel 10.4) et que le Seigneur ait promis d’y avoir son trône perpétuellement, lorsque les sacrificateurs ont corrompu son service par des superstitions, il l’a quitté et a laissé le lieu sans aucune gloire. Si ce temple-là, qui semblait destiné à être une demeure perpétuelle de Dieu, a pu être abandonné par lui et devenir quelconque, il ne faut pas s’imaginer que Dieu soit tellement attaché à des lieux ou à des personnes, ou lié à des cérémonies extérieures, qu’il soit contraint de demeurer avec ceux qui n’ont que l’apparence et le nom d’Église (Romains 9.6).
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C’est pour cette raison que Dieu dit qu’il n’est pas du tout lié par les mauvais sacrificateurs, bien qu’il ait établi une alliance avec leur père Lévi pour qu’il soit son messager et son porte-parole (Malachie 2.4). Le Seigneur retourne même contre eux leur fausse gloire par laquelle ils s’élevaient contre les prophètes. La dignité de la prêtrise doit, en effet, être particulièrement considérée et honorée. Dieu le reconnaît volontiers, mais c’est pour aggraver leur cas, puisqu’il a été prêt, de son côté, à garder fidèlement ce qu’il a promis. Mais eux n’en tiennent pas compte et méritent, à cause de leur trahison, d’être rejetés. Voilà ce que vaut l’héritage des pères aux enfants lorsqu’il n’y a pas la continuité et l’harmonie qui manifestent que les successeurs s’inscrivent sur la même ligne que leurs prédécesseurs! Si tel n’est pas le cas, il faut que ceux qui ont dévié depuis l’origine soient privés de tout honneur, à moins qu’on ne veuille donner le titre et l’autorité de l’Église à une synagogue hypocrite et méchante, comme elle l’était du temps de Jésus-Christ, sous prétexte que Caïphe avait succédé à un grand nombre de bons sacrificateurs dont la succession avait été ininterrompue depuis Aaron.
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Pour l’Église, il n’y a rien de plus inconséquent que d’organiser son régime sur la succession des personnes en négligeant la vérité. Même les saints docteurs que les papistes nous opposent à tort, n’ont jamais prétendu que l’Église était légitimement instituée, par succession héréditaire, partout où les évêques se succédaient les uns aux autres. Comme il était bien connu et certain que, depuis le temps des apôtres jusqu’à eux, aucun changement de doctrine n’était intervenu à Rome et dans les autres endroits, ils ont adopté cette règle comme étant adéquate pour écarter les hérésies qui ont fait surface. Ces erreurs étaient opposées à la vérité qui avait été gardée et maintenue, d’un commun accord, depuis le temps des apôtres.
– Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, IV, II, 3