Bébé cherche lieu sûr…
Samedi 25 juin 2022 : France Inter est en émoi après la décision de la Cour suprême des Etats-Unis de remettre en cause le droit à l’avortement.
France Inter, journal de 13 h.00 : (Transcription exacte). A la une : la France pourrait-elle revenir sur le droit à l’avortement ? Aucun risque pour l’instant, mais de nombreuses voix demandent son inscription dans la constitution. Elisabeth Badinter s’est dite désespérée ce matin sur France Inter : “Nous sommes en grand danger”. Aurore Bergé (chef de file des députés La République en marche) dépose aujourd’hui un projet de loi à l’Assemblée nationale. “Malheureusement rien n’est impossible et les droits des femmes sont toujours des droits qui sont fragiles”.
13 h.10, autre sujet : (Transcription exacte). C’est le lieu où les enfants sont censés être en sécurité : la crèche. D’où l’émoi après la mise en examen à Lyon d’une employée d’une crèche de la ville. Une mise en examen pour homicide volontaire sur mineur de moins de 15 ans. Cette femme aurait fait avaler un produit caustique à une petite fille de 11 mois : elle ne supportait plus les pleurs de l’enfant.
J’espère ne pas être le seul à avoir sursauté intérieurement devant l’enchaînement de ces deux annonces à quelques minutes d’intervalle. On comprend que les droits des enfants, mais aussi les droits des femmes peuvent varier du tout au tout en fonction des moments. Pourquoi, finalement, l’enfant devrait-il être plus en sécurité à la crèche que dans le ventre de sa maman ? Pourquoi une femme va-t-elle aller en prison pour avoir attenté à la vie d’un enfant de 11 mois alors qu’on va rembourser l’interruption de la vie d’un enfant de 16 semaines ? Après tout, cette femme était excédée, tout comme celle qui ne souhaite pas garder son enfant. Pourquoi ici le droit des femmes semble-t-il revêtir un caractère absolu, alors que là c’est soudain celui de l’enfant ? Parce qu’on a eu le temps de s’attacher à lui ? Mais que vaut cette raison dans le cadre d’un questionnement éthique ?
Parler de questionnement éthique au sujet de l’avortement, c’est reconnaître que la question peut être difficile à traiter dans certains cas. Quel est le propre d’un questionnement éthique : c’est d’entendre tous les arguments, en faveur et en défaveur de telle ou telle décision. Mais eu égard à l’avortement, seul le droit des femmes est évoqué : il écrase ou écarte toute autre considération, y compris l’avis du père de l’enfant à naître (qui n’est pas forcément un délinquant) ; y compris l’avis (ou la vie) de l’enfant qui, bien entendu, ne peut rien dire.
Le droit à disposer de son corps est-il un droit sans limite ? L’enfant à naître fait-il partie du corps de la femme qui le porte ? Depuis quand une injustice (obliger une femme à porter un enfants non désiré) peut-elle être résolue par une autre injustice (interrompre la vie d’un enfant à naître) ? Qui va dire laquelle des deux “injustices”, dans la balance, a finalement le plus de poids ? En réalité, ces deux injustices ne sont pas de la même nature ! L’interruption de grossesse est-elle, à moyen terme, le bon moyen de faire respecter le droit des femmes, de responsabiliser les hommes, de dire finalement le droit des enfants ? [1]
Oui, ces questions peuvent parfois revêtir un caractère dramatique. Mais cela justifie-t-il qu’un seul point de vue soit promu, comme s’il allait de soi, comme si la question était maintenant tranchée, comme si ceux qui pensent autrement devaient être mis hors-jeu ? – Mais n’êtes-vous pas gênés que Donald Trump ait évoqué la volonté de Dieu ? Je répondrais que si un sot dit une vérité, cela ne fait pas de cette vérité une sottise. Et on voit où va une société dont Dieu est de plus en plus absent : la mort, sans crier gare, remplace peu à peu l’amour.
Notes et références :
[1] Au même moment la radio annonce la Journée mondiale contre l’abandon des animaux domestiques, l’abandon d’un animal étant passible d’une amende de 45 000 euros et d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans.