Toute autorité vient-elle de Dieu ?
Voici une question que m’a posée Renaud :
Il y a un texte qui me pose question, c’est Romains 13 1-6. Tu as sûrement compris que je m’intéresse beaucoup à l’histoire, ancienne mais aussi celle qui s’écrit sous nos yeux. J’essaye d’avoir une lecture de l’actualité informée, en la regardant au travers des lunettes de la Parole.
Il est du coup pour moi évident que nous vivons dans un monde de mensonges et d’immoralité promues en tant que vertus. Il est du coup difficile de lire que Paul nous dit que « les autorités viennent de Dieu ». Je rejette évidement l’idée que les autorités de son époque venaient de Dieu, elles étaient aussi corrompues qu’aujourd’hui, et de plus le Message est par nature hors du temps. Mais du coup est-ce à dire que Staline, Mao ou Pol Pot sont institués par Dieu ? Et donc que la dissidence serait contraire à la volonté de Dieu ? Paul lui-même s’est mis hors la loi. Alors, à partir de quand l’insoumission devient-elle acceptable aux yeux de Dieu ?
Voici ma réponse :
Cher Renaud,
Tes questions sont intéressantes et légitimes, et je tente d’y répondre simplement, autant que possible.
Oui, il est difficile de lire Paul quand il affirme que toute autorité vient de Dieu. Pourtant, Paul ne donne pas un avis ici, mais il pose un principe. Lire l’actualité au travers des lunettes de la Parolene peut consister à mettre de côté un principe sous le prétexte que la réalité semble le contredire. Le principe transcende la réalité, si on peut dire. Il faut donc le garder.
Il faut nous rappeler que tout procède de Dieu. Cela, l’Ecriture le dit maintes fois (Ps 119.89-91 ; Jn 1.3 ; Ro 11.36). Rien de ce qui existe n’existe sans Dieu, indépendamment de Dieu. Un incroyant respire l’air que Dieu lui donne, qu’il le veuille ou pas. Les lois “de la nature” sont les lois de Dieu, constantes car soumises à l’autorité de sa Parole.
Parmi les réalités qui procèdent de Dieu, il en est deux qui revêtent une importance toute particulière, me semble-t-il : l’Amour et l’Autorité, les deux étant normalement indissociables. Cela signifie qu’il n’y a pas d’autre source pour l’Amour qu’en Dieu, et qu’en conséquence tout Amour procède de Dieu. Il en est de même pour l’autorité.
Cela apparaît clairement lors de la rencontre entre Jésus et le centenier qui avait un serviteur malade (Lc 7.2-10). Ce centenier, tout comme Corneille (Ac 10.1-4), sont des craignant-Dieu. Avant même de connaître le Seigneur, ils sont touchés par la grâce et portent déjà les fruits de la foi, notamment l’amour pour le peuple de Dieu. Le centenier de Luc 7 dit en substance : Je sais ce qu’est le principe d’autorité car moi qui suis soumis à des supérieurs, je dis à mon serviteur : Fais ceci, et il le fait. Toi-donc qui est là par soumission à Dieu, dis un mot et mon serviteur sera guéri. Jésus admire la foi du centenier, on pourrait dire son intelligence spirituelle. Ce passage montre à quel point le principe d’autorité est important.
Il en résulte que la foi est non seulement l’acceptation d’un Amour mais aussi celle d’une Autorité (Jésus comme Sauveur et Jésus comme Seigneur, dit-on). Il faut rappeler cela souvent, aujourd’hui. Le contraire de cette double acceptation, c’est l’esprit d’autonomie, l’esprit de rébellion qui caractérisera tout particulièrement les temps de la fin (2 Tm 3.19).
Cela est-il aboli sous le prétexte que le péché a tout corrompu ? La réponse est clairement non. Paul explique par exemple que si un serviteur chrétien a un chrétien pour maître, il doit néanmoins le servir en tant que maître : la relation sociale n’est pas abolie par la relation fraternelle (1 Tm 6.1-2). Pierre dit aux serviteurs chrétiens d’être soumis en toute crainte à leur maître, non seulement à ceux qui sont bons et doux, mais aussi à ceux qui sont d’un caractère difficile (1 Pi 2.18). On se rapproche de ton sujet.
Cela confirme que le principe demeure, quand bien-même ceux qui en assument la charge l’assument mal. Ils rendront des comptes, mais ce n’est pas à nous de faire justice.
L’autorité parentale est un exemple type. Paul demande aux enfants d’obéir à leurs parents selon le Seigneur (Ep 6.1). Voilà encore le principe posé. Tu remarques que c’est inconditionnel. Il n’est pas dit : si ce sont de bons parents. Il en est de même pour la soumission des épouses (Ep 5.22). Il n’est pas dit : si les maris sont gentils. Autrement dit, l’inconséquence des parents et celle des maris ne remettent pas le principe d’autorité en question, car c’est un principe créationnel.
Il y aura seulement beaucoup de souffrance et beaucoup de soutien à rechercher auprès de Dieu pour tenir ferme et garder un bon témoignage. Pierre parle de cela dans sa première lettre : Quand vous souffririez pour une cause juste, vous seriez heureux ; n’ayez donc aucune crainte, ne soyez pas troublés. Car il vaut mieux souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien qu’en faisant le mal (1 Pi 3.14, 17).
Ici, il convient cependant de préciser une chose : il peut arriver qu’il nous soit demandé de résister dans certains cas, pas par esprit d’insoumission, mais par soumission à l’autorité supérieure. Paul, alors qu’il se défend comme un lion devant le gouverneur Festus, fait appel à César (Ac 25.10-11). En le faisant, il pointe la conscience de ceux qui sont devant lui. Et si César est corrompu ? Il fera alors appel à Dieu. C’est ce que font les apôtres à deux reprises dans les tout premiers temps de l’Eglise primitive : Il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Ac 4.19 ; 5.29). Là aussi, un appel est adressé aux consciences. Le mot qui convient pour décrire cela est sans doute le mot résister.
Est-ce qu’un enfant peut, dans certains cas, résister à ses parents ? Je dirais qu’à partir d’un certain âge il le peut, et même fermement, non par mépris de l’autorité mais par un respect du principe d’autorité alors que celui-ci est mal assumé. Dans ce sas, résister n’est pas une rébellion, c’est un appel à la conscience. Même chose pour une épouse dont le mari a un comportement injuste. En fait, elle l’aide en lui disant non. Il y a donc une limite au principe de soumission, à cause du péché, sans que le principe soit aboli.
Il n’est pas très difficile d’écrire cela. Il est moins facile de le vivre, en situation. Mais c’est ce qui nous est demandé.
En étant soumis à Dieu en tout et pour tout et en se méfiant de nos réactions instinctives. En n’agissant jamais dans la précipitation. En recherchant le conseil de personnes avisées. En étant prêts à souffrir plutôt qu’à commettre des injustices.
Quelle gloire y a-t-il à supporter de mauvais traitements pour avoir commis des fautes ? Mais si vous supportez la souffrance lorsque vous faites ce qui est bien, c’est une grâce devant Dieu (1 Pi 2.20).
Si vous êtes outragés pour le nom de Christ, vous êtes heureux, parce que l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous (1 Pi 4.14. Lire 12-19).
Le principe d’autorité est réellement important. La dépravation consécutive au péché se démontre notamment par le mépris de l’autorité, des autorités [1]. Cela apparaît notamment dans la lettre de Jude où ce mépris est associé à la pire déchéance morale. Même vis-à-vis du diable (autorité corrompue s’il en est) on ne doit pas se comporter n’importe comment (Jude 7-11). Chaque fois, il s’agit de se référer à l’autorité supérieure. Que le Seigneur te réprime, dit l’ange Gabriel au diable. De même, Jésus rappelle à Pilate qu’il n’aurait aucune autorité si celle-ci ne lui avait été donnée d’en haut (Jn 19.11).
Des questions peuvent demeurer : Les camisards ont-ils eu raison de prendre les armes pour combattre les soldats du roi qui mettaient à mort les prédicateurs et confisquaient les enfants ? Le pasteur Diétrich Bonhoeffer a-t-il eu raison de participer à deux attentats contre Hitler ? Un pays a-t-il les autorités qu’il mérite ? Un chrétien peut-il être soldat, et si oui, à quelles conditions[2] ?
Je dirais pour conclure que plus une question est difficile, plus il importe de se référer aux principes de bases et s’y tenir en tremblant.
Qui dira qu’une chose arrive sans que l’Eternel ne l’ait ordonnées ? N’est-ce pas de la volonté du Très-Haut que viennent les maux et les biens ? Pourquoi l’homme vivant se plaindrait-il ? Que chacun se plaigne de ses propres péchés (Lam 3.37-39).
Annexes
Confession de foi de La Rochelle (1559)
Article 39.
La nécessité des gouvernements. Nous croyons que Dieu veut que le monde soit dirigé par des lois et des gouvernements, afin qu’il y ait quelques freins pour réprimer les appétits désordonnés du monde. Nous croyons donc que Dieu a institué les Royaumes, les Républiques et toutes autres sortes de Principautés, héréditaires ou non, et tout ce qui appartient à l’état de la justice, et qu’il veut en être reconnu l’auteur.
Les Magistrats. Dans ce but, Dieu a mis le glaive dans la main des magistrats pour réprimer les péchés commis non seulement contre la seconde Table des commandements de Dieu, mais aussi contre la première[3].
Le respect dû aux Autorités. Il faut donc, à cause de Dieu, non seulement qu’on supporte que les autorités exercent la souveraineté ddérant comme ses lieutenants et officiers, qu’il a établis pour exercer une charge légitime et sainte.
[Ex 18:20-21 ; Dt 1:15-17 ; Pr 8:15 ; Rm 13:1-2 ; Dt 16:18-20 ; Ps 82:1-4 ; Jr 21:12 ; 22:2- 3 ; Rm 12:3-4 ; 1 Ro 15:12 ; 2 Ro 23:1-27 ; Rm 13:1-2 ; 1 Tm 2:1-2 ; Tt 3:1 ; 1 Pi 2:13-14. 40].
L’obéissance due aux Autorités. Nous affirmons donc qu’il faut obéir à leurs lois et règlements, payer taxes, impôts et autres charges, et consentir à cette obéissance d’une bonne et franche volonté – quand même ils seraient infidèles – pourvu que la souveraineté absolue de Dieu demeure entière. Ainsi, nous réprouvons ceux qui voudraient rejeter toute hiérarchie, établir la communauté et le mélange des biens et renverser l’ordre de la justice.
[Mt 17:24-27 ; Mc 12:17 ; Ac 4:17-20].
Confession de foi de Westminster (1646)
Article 23.4 : C’est le devoir des citoyens de prier pour les gouvernants (1 Tm 2.1,2), de les honorer (1 Pi 2.17), de leur verser impôts et autres dûs (Rm 13.6,7), d’obéir à leurs lois légitimes et d’être soumis à leur autorité par motif de conscience (Rm 13.5; Tt 3.1). Leur infidélité ou leur différence de religion n’annule pas l’autorité juste et légale des gouvernants et ne dispense pas les citoyens, y compris les ecclésiastiques (Rm 13.1; 1 Ro 2.35; Ac 25.9-11; 2 Pi 2.1,10,11; Jude 8-11), de leur obéir (1 Pi 2.13,14,16) ; et le pape n’a ni pouvoir ni juridiction sur eux, dans leurs États, ou sur un quelconque de leurs citoyens; il peut moins encore les déposséder de leurs États ou de leurs vies, qu’il les juge être hérétiques ou sous tout autre prétexte que ce soit (2 Th 2.4 ; Ap 13.15-17).
Notes et références :
[1] L’irrespect des enfants vis-à-vis de leurs parents, l’insoumission revendiquée des femmes sous le prétexte que les hommes se comportent comme des rustres (ou des faibles), tout cela reflète l’esprit de rebellion contre Dieu.
[2] Il faut noter que la loi qui demande à un soldat d’obéir à ses supérieurs (évidemment) lui demande aussi de désobéir en cas d’ordre manifestement inique.
[3] La plupart des théologiens réformés ne croient pas qu’il revienne aux magistrats de punir les péchés commis contre la première table de la Loi, c’est-à-dire contre les 4 premiers commandement du Décalogue.