Athanase, héros de la foi (Part 5)
Athanase et l’église du XXIe siècle
Athanase est souvent considéré, en tant qu’évêque, comme le plus grand et le plus théologiquement consistent des opposants de l’Arianisme [1]. Le Dr Reymond le définit ainsi :
“Mais parce qu’Athanase tint ferme avec persévérance dans sa défense de la totale divinité du Fils, et ayant été quelques fois virtuellement tout seul, son nom occupe une place révérée dans les annales de l’histoire de l’Eglise en tant que principal défenseur de la foi délivrée une fois pour toutes aux saints.” [2]
Il convient alors de se demander, quelle doit être la réponse appropriée face à l’héritage que nous a laissé Athanase. Tout d’abord, il faut souligner l’ancrage profondément biblique d’Athanase en ce qui concerne sa Christologie. Athanase était un “homme de la Parole”, sa pensée et ses réflexions étaient saturées de la Parole de Dieu. Je crois profondément que c’est cela qui est à l’origine de la force et de la profondeur de ses réflexions et de ses écrits. Il est remarquable que Dieu ait suscité un tel héros de la foi au sein d’un période pendant laquelle l’église vivait une réelle crise.
En effet “…sa clairvoyance sauva l’Eglise et la foi. Il avait compris que la recherche de compromis menait fatalement à la négation même des croyances fondamentales du Christianisme.” [3]. Ceci doit nous servir d’exemple aujourd’hui, car, au-delà de l’héritage doctrinal que nous légua Athanase, il est important de le considérer aussi comme un exemple dans son rapport qu’il eut avec la Bible : nous nous devons d’être des hommes et des femmes de la Parole, des hommes et des femmes ayant une intelligence et un cœur saturés de la Bible. C’est de la Parole que nous devons toujours tirer notre doctrine et nous nous devons de résister ainsi à la culture ambiante qui voudrait bien vider notre foi de ce qui en fait la force. Athanase l’avait compris, et c’est pour cela, qu’aujourd’hui encore ses écrits sont considérés comme écrits orthodoxes par leur respect de la doctrine Apostolique.
Athanase fut un homme courageux. Il faut prendre conscience que l’Arianisme, malgré le concile de Nicée, connut néanmoins un fort essor en Europe, et Athanase dut faire face à beaucoup d’hommes de haut rangs et des Empereurs ariens qui ne le supportaient pas : ceci lui causa cinq exils dans sa vie. En effet :
“Athanase fit face à l’incursion de meurtriers dans son église. Il tenu ferme face aux Empereurs qui auraient pu le tuer aussi facilement que ceux qui l’avaient exilé. Il risqua la colère des parents et autres clergés en formant de façon consciencieuse des jeunes gens à s’abandonner totalement au Christ, y compris dans le martyre….Athanase ‘contra mundum’ devrait inspirer chaque pasteur à tenir ferme avec douceur, humilité et courage toutes les fois où les vérités bibliques sont attaquées. Mais, veillez à ce que votre joie dépasse celle de vos adversaires. Si quelque chose est digne de notre combat, elle est aussi digne d’être le sujet de notre réjouissance. Et la joie est essentielle dans la bataille, car rien n’est digne de notre combat si celle-ci ne fait pas grandir notre joie en Dieu.”[4]
Ainsi au-delà, de son courage exemplaire, il est intéressant de noter qu’à la racine de son combat résidait une joie profonde en son Dieu :
“Gardons-nous donc de perdre courage, ne remplissons point notre esprit de vaines terreurs, et ne nous donnons pas de la crainte à nous-mêmes, en disant : Mais si le démon venait à cette heure pour me tenter ? Mais s’il m’enlevait pour me mettre à terre ? Mais si, en sortant tout d’un coup de ses embûches, il m’épouvantait tellement qu’il me mette dans le trouble ? N’ayons aucune de ces pensées, et ne nous affligeons point comme si nous étions prêts à périr. Au contraire, soyons pleins de confiance, et réjouissons-nous toujours, comme devant être sauvés ; et parce que le Seigneur est avec nous, lui qui a mis les démons en fuite et détruit toute leur puissance, pensons continuellement que le Seigneur nous étant ainsi toujours présent, les démons ne sauraient nous faire aucun mal. Car ils se conduisent envers nous selon l’état dans lequel ils nous trouvent, et forment les visions qu’ils nous présentent selon les pensées qu’ils reconnaissent que nous avons dans l’esprit. Ainsi, s’ils nous trouvent craintifs et troublés, ils nous attaqueront aussitôt comme les voleurs attaquent une maison qu’ils savent n’être gardée par personne, et ils augmenteront par de nouvelles frayeurs celles que nous aurons déjà dans l’esprit, en y joignant des visions et des menaces ; ce qui tourmente misérablement une pauvre âme. Mais si, au contraire, ils nous trouvent pleins de joie dans le Seigneur, s’ils nous trouvent en train de méditer ses commandements et de considérer que toutes choses sont entre ses mains, les démons ne peuvent rien contre les chrétiens, ils n’auront aucune capacité de nous nuire ; s’ils voient nos âmes dans ces sentiments, ils s’en retourneront avec confusion et avec honte. Ainsi, trouvant Job fortifié de la sorte contre lui, il le quitta. Mais trouvant Judas dépouillé de semblables armes, il en fit son esclave. C’est pourquoi, si nous voulons triompher de cet ennemi, ayons toujours dans l’esprit de saintes pensées ; que nos âmes soient continuellement dans la joie par l’espérance des biens à venir, et alors nous considèrerons toutes les illusions des démons comme une vapeur et une fumée, et nous les verrons fuir plutôt que nous persécuter. Car, comme je l’ai déjà dit, ils sont extrêmement timides, parce qu’ils n’ignorent pas l’ardeur de ces flammes éternelles destinées à leur supplice.” [5]
Il y a autre chose qui m’a beaucoup frappé dans sa vie, c’est son amour pour l’église d’Alexandrie.
Alors qu’il dut s’exiler cinq fois, Athanase revient à chaque fois dans sa ville et continue à servir le peuple d’Alexandrie. Je pense que ceci est fondamental dans la vie d’Athanase, car il avait un profond amour pour ses “brebis”.
Il était autant Pasteur que Théologien.
Cet amour était réciproque, car le peuple Egyptien l’appréciait énormément, ce qui fut souligné par Grégoire de Naziance lors de son oraison pour Athanase :
“…ils [les égyptiens] accouraient tous de toutes les parties du pays, simplement pour entendre la voix d’Athanase, ou nourrir leur regard à la vue d’Athanase.” [6]
Athanase combattit pour son église, en ce qu’il défendit le fondement de la foi chrétienne, et protégea ainsi ses brebis de toutes ces doctrines qui pouvaient leur causer beaucoup de troubles dans la vie de leur foi. Ceci est pour moi quelque chose de primordial dans ma compréhension du ministère, quel qu’il soit. C’est avant tout l’édification de l’église que nous devons rechercher. Et nous ne devons jamais séparer la théologie et le désir d’une orthodoxie doctrinale d’avec le bien de l’Eglise. Au contraire, tout comme Athanase l’avait saisi depuis le début, la persévérance dans une doctrine biblique et la croissance de l’église dans les enseignements bibliques sont des nécessités pour le bien de l’Eglise, pour qu’elle puisse avoir un fondement sûr et inébranlable, et que rien ne l’empêche de pleinement se réjouir et trouver sa paix en Dieu seul, dans son union et sa communion au Christ, le Logos éternel qui s’est incarné.
“Dans la connaissance que nous avons de sa vie, il y a un total abandon de ses propres intérêts. La Gloire de Dieu et le bien de l’Eglise l’absorbèrent totalement et tout le temps… Les Empereurs le reconnurent comme une force politique de premier ordre…mais en aucune occasion, il ne céda à la tentation d’utiliser un bras de chair. Presque inconscient de sa propre force…Courage, don de soi, constance dans sa vision, versatilité et de profonde ressources, largeur de son amitié, étaient totalement harmonisés par une profonde révérence et la discipline d’un amant fidèle au Christ.”[7]
En plus de son amour pour son église, il est aussi intéressant de noter que Athanase fit preuve à plusieurs reprises de miséricorde envers ceux qui furent ses ennemis théologiques (comme par exemple comme sa tentative de renouer avec Mélèce après la mort de l’Empereur Julien, ou encore tout son travail de réunification et de reconstruction de l’Eglise d’Egypte à chaque fois qu’il revenait d’un exil) :
“Toute la vie d’Athanase d’Alexandrie est un lien cohérent entre foi et conviction, ascèse et mission au nom de l’unité et de la paix dans l’Église, l’épouse immaculée du Christ.” [8]
Ainsi, Athanase nous laisse l’exemple d’un homme de foi, un homme de la Parole, un homme courageux, un homme rempli d’amour pour son Dieu et l’Eglise. De plus, il nous lègue une somme d’ouvrages qui font partie d’un héritage précieux dont l’Eglise a besoin de ne pas perdre de vue. En effet, les hérésies d’aujourd’hui ne sont que le recyclage des hérésies d’hier. Bien connaitre notre histoire de l’église et, entre autre, les écrits patristiques, peuvent souvent nous donner une grande aide et une précision d’analyse face à certains problèmes théologiques ou courants théologiques auxquels l’église d’aujourd’hui peut être confrontée.
En conclusion, voici les points qui pour moi ont été très édifiants dans cette brève étude de la vie d’Athanase :
1) Son amour pour la Parole et la primauté de la Parole et de son exégèse pour établir un fondement doctrinal orthodoxe, sûr et stable.
2) Son amour pour Jésus, le Logos éternel qui s’est incarné. La façon dont il défend la divinité du Christ en ne le séparant jamais des attributs même de Dieu le Père.
3) Son amour pour son église et le peuple de Dieu : sa lutte doctrinale, bien plus qu’un exercice théologique, était aussi et surtout une lutte pour une joie complète et croissante du peuple de Dieu en son Sauveur, La Parole qui a été faite chair, et en son Dieu.
4) Son humilité face à ses détracteurs, et son désir d’unité de l’église autour de la Parole de Dieu.
Je remercie Dieu, d’avoir utilisé dans l’histoire de l’Eglise un tel homme pour la garder de cette monstruosité doctrinale que fut l’Arianisme, et de l’avoir utiliser pour aider l’Eglise à exprimer une Christologie cohérente et Biblique.
Je laisserai à Athanase le mot de la fin :
“ Veillez sur vous-mêmes, et souvenez-vous de toutes les instructions que je vous ai données. N’ayez jamais de communication avec les schismatiques, ni avec les hérétiques ariens, puisque vous savez combien je les ai toujours abhorrés à cause de leur détestable hérésie, par laquelle ils combattent Jésus-Christ et sa doctrine. Travaillez de tout votre pouvoir pour vous unir premièrement à lui, puis aux saints, afin qu’après votre mort ils vous reçoivent, comme étant de leurs amis et de leurs connaissances, dans les tabernacles éternelles (Lc 16, 9). Gravez ces choses dans votre esprit. Gravez-les dans votre cœur.” [9]
“Retiens dans la foi et dans la charité qui est en Jésus-Christ le modèle des saines paroles que tu as reçues de moi. Garde le bon dépôt, par le Saint-Esprit qui habite en nous.” [10]
“Nous donc aussi, puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau, et le péché qui nous enveloppe si facilement, et courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte, ayant les regards sur Jésus, le chef et le consommateur de la foi, qui, en vue de la joie qui lui était réservée, a souffert la croix, méprisé l’ignominie, et s’est assis à la droite du trône de Dieu.” [11].
[1] Cross, F. L., & Livingstone, E. A. (2005). The Oxford dictionary of the Christian Church (3rd ed. rev.) (121). Oxford; New York: Oxford University Press.
[2] Systematic Theology, Dr R.L. Reymond (ed. Nelson) p 601.
[3] “Athanase d’Alexandrie”, J-M Leroux, p50.
[4] “Contending for Our All : The Life and Ministry of Athanasius”, John Piper, 01/02/2005, in http://www.desiringgod.org/resource-library/resources/contending-for-our-all.
[5] “La vie de Saint Antoine”, Athanase d’Alexandrie, Chap XIII.
[6] Gregory of Nazianzus, Oration 21: On Athanasius of Alexandria, in Gregory Nazianzus, Select Orations, Sermons, Letters;Dogmatic Treatises, in Nicene and Post-Nicene Fathers [hereafter NPNF], vol. 7, 2nd Series, ed. P. Shaff and H. Wace (Grand Rapids, Mich.: Eerdmans, 1955), 277.
[7] Athanasius: Select Works and Letters, in NPNF, vol. 4, ed. Philip Schaff and Henry Wace (Peabody, Mass.: Hendrickson,1999; orig. 1892), lxvii.
[8] “Athanase d’Alexandrie : Un théologien amoureux du Logos incarné”,Lucian Dican, p19 ( in http://www.patristique.org/sites/patristique.org/IMG/pdf/Athanase.pdf ).
[9] « La vie de Saint Antoine », Athanase d’Alexandrie, Chap XXXII.
[10] 2 Timothée 2 :13-14.
[11] Hébreux 12 :1-2.