Les fausses alternatives du jugement Divin : L’annihilation (Partie n°1)

L’annihilationisme est une question épineuse et très sensible, car elle est avant tout un déni très souvent émotionnel de la vision traditionnelle de la manifestation eschatologique (finale) du jugement de Dieu.

Certains l’ont justifié par des arguments assez osés comme celui-ci :

Laissez-moi vous dire que je considère que le concept de l’enfer comme un tourment physique et psychique éternel est une doctrine scandaleuse, une énormité théologique et morale, une mauvaise doctrine traditionnelle qui doit être changée. Comment les chrétiens peuvent décrire un dieu d’une telle cruauté et si vindicatif, dont les actions incluent la soumission de ses créatures à des tortures éternelles, autant pécheresses qu’elles le fussent ? Certainement, un dieu qui agirait ainsi ressemblerait plus à Satan qu’à Dieu, au moins vis-à-vis de nos standards moraux ordinaires, et vis-à-vis de l’évangile lui-même…Certainement, le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas un démon ; torturer les gens sans fin n’est pas ce que notre Dieu fait.[1]

Il faut souligner qu’il existe plusieurs formes d’annihilationnisme, et nous pouvons en distinguer trois formes principales [2] :

– La vision matérialiste qui lie à la mort du corps la destruction totale de la personne. Cette vision n’est pas présente dans les théologies chrétiennes.

– L’immortalité conditionnelle : c’est la vision de l’annihilationisme qui est la plus répandue dans les cercles chrétiens. Elle prône, à l’opposé de toute vision platonicienne de l’âme, la mortalité de l’âme et souligne que celle-ci ne revêtira une immortalité que sous certaines conditions, à savoir le don de Dieu dans son offre de Salut. Ainsi, tous ceux qui rejettent l’offre du salut de leur vivant demeurent dans un état de mortalité, et leur peine finale sera la destruction finale de leur personne [3]. Le jugement de ces personnes se manifeste dans cette destruction. Généralement, cette destruction est positionnée après un temps post-mortem pendant lequel la personne aura vécu la colère de Dieu [4]. Il y a donc un châtiment conscient pour le pécheur, mais non éternel. [5]

– L’Annihilationisme proprement dit, qui perçoit l’âme humaine comme immortelle. Ainsi, la personne meure totalement, non pas simplement à cause de sa mort physique, mais elle cesse d’exister à cause d’un jugement direct de Dieu. Cette destruction intervient à la mort ou après la mort, à la fin d’une période punitive.

 

Dans les trois cas, la finalité demeure la même : l’âme de la personne impénitente est détruite, elle ne vit pas de tourments éternels. Le fait de vouloir appuyer sur la notion de peines éternelles dans la vision traditionnelle ne vient pas d’un désir pernicieux de vouloir voir souffrir le méchant. Mais c’est avant tout le désir de rester fidèle aux Écritures.

Ainsi, nous sommes face à une question douloureuse qui se doit d’être répondue afin de savoir si la vision traditionnelle du jugement eschatologique de l’homme pécheur est bien biblique, c’est-à-dire de déterminer si le fait de le définir comme un châtiment éternel et conscient demeure vrai au regard des écritures.

Il faut souligner que ce rejet de toute vision de l’enfer comme un châtiment éternel et conscient n’est pas propre au XXIe siècle. Comme le souligne Richard Bauckham :

Jusqu’au XIXe siècle, la quasi-totalité des théologiens enseignaient la réalité des tourments éternels en enfer. Ici et là, en dehors du courant dominant théologique, il y avait quelques personnes qui croyaient que l’impie serait finalement annihilé. (…) Même quelques-uns furent les avocats d’un salut universel, parmi lesquels des théologiens importants de la période patristique. (…) Depuis 1800, la situation a entièrement changée, et aucune autre doctrine chrétienne n’a autant été abandonnée de façon si générale que la doctrine de la punition éternelle. [6]

En effet, dès la période patristique, Origène détenait une vision assez hétérodoxe de l’enfer. Il concevait que les feux de l’enfer détenaient une vertu purifiante :

Donc la fin du monde et la consommation viendront quand les pécheurs auront achevé de subir un châtiment proportionné à leurs crimes. Dieu seul en connaît le temps. Mais nous pensons que la bonté de Dieu, par la médiation du Christ, ramènera toute créature à une même fin, après avoir dompté et assujetti les ennemis… (…)En effet, la fin est toujours semblable au commencement ; et comme la fin de toutes choses est une, le commencement doit avoir été un. Tous les êtres, malgré leur diversité, ont une même fin ; ainsi d’un commencement identique sont sorties les variétés et les différences actuelles qui, par la bonté de Dieu, dans la soumission au Christ et l’unité du Saint Esprit, seront ramenées à un même dénouement, semblable à l’origine. [7]

Puis pour notre époque, nous pouvons trouver parmi les plus grands défenseurs d’un tel point de vue  H. Guillebaud (The Righteous Judge, 1941), Basil Atkinson (Life and Immortality, 1960), Leroy Edwin Froom (The conditionality faith of our Fathers, 1965), Edward Fudge (The fire that consumes : A Biblical and historical study of eternal punishment, 1982), John Stott (Evangelical Essentials, 1988 (p 312-320)), John Wenham (The case for conditional immortality, 1992), et enfin Clark Pinnock ( The destruction of the finally impenitent, CTR 4 (1990); Four views on hell, 1992).

 

Pour aborder cette question, nous allons utiliser les quatre principaux arguments qui sont le plus souvent avancés par cette position [8] :

Le vocabulaire biblique de la destruction et la mortalité de l’âme humaine : Le vocabulaire lié à la destruction doit être compris comme une destruction totale (Matt 10 :28). Et la Bible ne décrit pas l’âme comme étant immortelle en son essence, et c’est cela même qui cause sa destruction finale, Dieu ne lui donnant pas la grâce de la vie éternelle qui réside en Christ seul.

L’imagerie du feu de l’enfer : Cette imagerie du feu a pour but d’exprimer l’efficacité du jugement et de son accomplissement total et radical, et non le fait d’un jugement qui perdure. C’est avant tout qualitatif et non quantitatif.

L’argument de la justice de Dieu et de la proportionnalité des peines : Comment est-ce que Dieu pourrait infliger une torture éternelle pour un pécheur qui l’a été pendant le temps limité de sa vie ? Ou pour des péchés qui ont un caractère fini et limité ? Cela serait disproportionné, déraisonnable et contraire au Dieu qui se définit aussi comme étant Amour.

L’argument universaliste : Comment la victoire eschatologique de Dieu qui sera tout en tous (quand la réconciliation cosmique accomplie à la croix sera consommée)  pourrait s’accommoder d’un lieu où le péché, la rébellion et le jugement continuent d’être exercés ?

Chacun de ces arguments mériterait un traitement approfondi dépassant le cadre du prochain article [9]. Néanmoins, la prochaine fois, nous énoncerons  les principaux arguments bibliques qui démontrent que la vision scripturaire du jugement eschatologique (souffrance consciente et éternelle) des impénitents ne peut correspondre à la vision annihilationniste de l’enfer.

(à suivre..)

 

Notes :

 [1] Clark H. Pinnock, The destruction and the finally impenitent, cité dans Robert A. Peterson, Hell on Trial, P&R Publishing (1995), p161.
 [2] Millard J. Erickson, Is Hell forever ?, Bibliotheca Sacra 152: 607 (1995): 259-272.
 [3] D. Carson, The gagging of God, Apollos, 1996 , p.517.
 [4] Ceci correspond à l’interprétation de Guillebaud (Guillebaud, Righteous judge, p.14) de la parabole de Lazare et du riche.
 [5] W. Grudem, Théologie Systématique, Excelsis, 2011, p.1278.
 [6] R. Bauckham, Universalism : A Historical Survey, Themelios 4 :2 (January 1978), p.48 , cité dans  Robert A.Peterson, Hell on Trial : The case for eternal punishment, R&R Publishing, p.162.
 [7] Origéne, Traité des principes, 1.6.2.
 [8] Robert A.Peterson, Hell on Trial : The case for eternal punishment, R&R Publishing, p.162.
 [9] Voir Ibid ; cf C. W. Morgan & A. Peterson, Hell Under Fire: Modern Scholarship Reinvents Eternal Punishment, Zondervan (2004) ; “Enfer” dans le Dictionnaire de Théologie Biblique, Excelsis, p556 ; et W. Grudem, Théologie Systématique, Excelsis, p.1277-1283.





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