A quoi donc un pasteur est-il payé ?
Quelques réflexions de Stéphane Kapitaniuk autour du ministère pastoral d’Adolphe Monod (1802-1856), pasteur, prédicateur, théologien, et fer du lance du réveil connu sous le nom de “réveil de Genève ».
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On a tous notre petite idée de ce qu’on aimerait que le pasteur fasse. Et parfois aussi, on se doute bien de ce qu’il fait en réalité. Mais sait-on ce qu’est la priorité des pasteurs et des anciens d’après la Bible?
C’était comment le ministère pastorale dans les années 1800 ? Je confesse lutter avec un gros cliché. Si nous connaissons aujourd’hui certains pasteurs « one-man show », je me disais qu’en 1850 ça devait être encore pire. Le pasteur devait représenter l’éducation, la sagesse, la vérité. En un mot, c’était « l’homme de Dieu » et il devait probablement être un hyper-actif qui gérait tout depuis la prédication jusqu’au comité des fleurs et aux déjeuners des dames. Un « one-man de Dieu show » si vous voulez. Et bien, je me suis trompé.
En tout cas, Adolphe Monod, un des plus grands prédicateurs du 19e siècle allait à l’encontre de ce cliché. C’est ce que m’a révélé la lecture d’une esquisse biographique sur sa vie.
Les deux activités les plus importantes pour un leader
Adolphe Monod connaissait les deux activités les plus importantes pour son ministère et pour tout leader spirituel. Je précise: les plus importantes et non pas les seules responsabilités.
Il cite ces deux activités une première fois lorsqu’il est enseignant à Montauban et une seconde fois alors qu’il vient d’accepter un poste pastorale à Paris :
Donner l’exemple de la sainteté et la faire donner par ma famille: humilité, activité, dévouement, renoncement, simplicité, économie. J’aimerais à réduire mon traitement. Surtout profonde piété, amour dominant, constant, tendre pour le Seigneur… Prédication plus utile, plus populaire, plus instructive, soit pour la doctrine, soit pour la vie chrétienne… Moyen: méditer plus et prier plus.
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Réserver mes petites forces pour faire valoir mon don particulier; à la prédication joindre celles des fonctions pastorales qui ont un caractère essentiellement spirituel: en deux mots, vaquer à la Parole et à la prière, voilà le désir de mon cœur, je dirai plus, la condition à laquelle je puis être utile et heureux dans ma nouvelle position.
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Difficile de faire ce qu’on devrait faire
Adolphe Monod avait les deux pieds sur terre. Tout en sachant ce qu’il devait faire, il confesse que tout est plus facile que prier :
J’ai besoin d’une vie toute sainte. C’est le seul élément où je puisse me supporter. Je voudrais travailler moins et prier davantage; mais travailler, lire, écrire, parler, tout cela est plus facile que prier.
p.45
Mais Adolphe Monod avait-il raison de résumer les fonctions pastorales à : «vaquer à la Parole et à la prière»? Il semble en tout cas être confiant que ce qu’il affirme est biblique. Malheureusement, la biographie ne précise pas s’il explique quelque part le fondement biblique des deux priorités qu’il s’était fixé.
« Parole et prière » et la Bible
Un passage dans les Actes mentionne exactement ces deux priorités. Dans les premiers mois de l’Église de Jérusalem, les apôtres sont confrontés à la dure réalité du terrain. On attire à leur attention un problème de logistique dans la distribution de la nourriture. Leur réaction n’est pas de se retrousser les manches et d’êtres vus comme des humbles hommes de Dieu qui servent l’Église en distribuant la nourriture. Leur réaction est tout le contraire. Ils délèguent. C’est leur argumentaire qui est particulièrement intéressant.
Les apôtres disent: «Il ne convient pas que nous délaissions la Parole de Dieu pour servir aux tables.» Ils délèguent donc ce travail à des hommes remplis du Saint Esprit et résument leur ministère pastorale par ces mots: «Pour nous, nous persévérerons dans la prière et dans le service de la parole.» (Actes 6.1-6)
Une remarque s’impose. Le livre des Actes des apôtres est particulièrement difficile à interpréter et appliquer. De plus, il est sage de construire sa doctrine sur tout un corpus de textes et non un passage. Cet article a le titre provoquant « Un pasteur est payé à quoi faire? ». Mais je vais vous décevoir, je ne vais pas donner une réponse complète. Cet article ne fait que partager quelques belles citations de Monod. C’est aussi une invitation à s’examiner et réfléchir sur le sujet.
Évidemment, j’aimerais pousser la réflexion plus loin. Mais je vais devoir me limiter à citer quelques références. Le ministère d’un ancien dans la Bible est intimement lié à l’enseignement de la Parole (cf. Gal 6.6; 1Tim 3.2, 5.17; Tit 1.9). La prière quant à elle est intimement liée à la Parole (Eph 6.17-18 et Col 4.2-4).
Nous avons tous des attentes de nos pasteurs et anciens. Mais ces attentes sont-elles bibliques ? Quelle place devraient avoir la parole et la prière dans notre vie ?
Stéphane Kapitaniuk
Toutes les citations d’Adolphe Monod, in Les Adieux, édition Groupes missionnaires, 1956. Cette édition est en rupture, mais il existe une réédition faite par Excelsis.