Athanase, héros de la foi (I)
“Pour toi, homme de Dieu, fuis ces choses, et recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la douceur. Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle, à laquelle tu as été appelé, et pour laquelle tu as fait une belle confession en présence d’un grand nombre de témoins….”
(1 Timothée 6 :11-12)
En 2006, un sondage avait été fait auprès des français selon lequel :
“Deux tiers des Français pensent que Jésus a existé et un tiers estime qu’il était un “homme comme les autres”,…A la question “Selon vous, Jésus a-t-il existé”, 29% des personnes interrogées répondent que “c’est certain”, 39% que “c’est probable”, et un quart niant peu ou prou son existence. A la question de savoir qui était Jésus, les sondés ont répondu parmi plusieurs propositions à 30% que c’était un “homme comme les autres”, plus d’un quart qu’il est “le fils de Dieu”, suivi d’un “guide”, d’un “sage”, d’un “prophète”, d’un “exemple d’amour”, ou d’un “contestataire”.” [1]
Ainsi, pour environ un quart des français, Jésus est “le Fils de Dieu”. Or il serait intéressant de savoir combien parmi ce groupe comprennent avec justesse le terme “Fils de Dieu” avec toutes les implications ontologiques qui sont rattachées à la personne du Christ, à savoir qu’il est pleinement Dieu et pleinement homme.
Nous savons que notre compréhension de qui est Jésus est centrale dans notre foi car, Jésus lui-même l’a souligné, dans ses échanges avec les pharisiens, en disant :
“…si vous ne croyez pas que Je suis (ἐγώεἰμι), vous mourrez dans vos péchés.”[2]
Jésus faisait ici directement allusion à sa divinité (ce qu’il redira de façon encore plus explosive au verset 58).
Ainsi, une juste compréhension de qui est Le Fils de Dieu est fondamentale à la foi chrétienne, elle en est le centre vital. C’est pour cela (entre autre) que ni les témoins de Jéhovah, ni les mormons ne peuvent être rattachés au Christianisme, car leur christologie est fausse et totalement blasphématoire envers la personne de Dieu le Fils, et ainsi blasphématoire envers Dieu. Cette question de la personne du Christ n’est donc pas une question de second ordre, mais elle est essentielle pour l’Eglise. La place importante de la doctrine Christologique que nous trouvons dans le Nouveau Testament [3] en est la preuve.
Cette problématique n’est pas récente, car elle fut présente dès le ministère de Christ avec l’opposition des pharisiens. Et au niveau de l’Eglise primitive, c’est avec l’arrivée des agnostiques et des docétistes que l’Eglise a dû combattre avec plus de ferveur pour l’identité du Fils de Dieu.
Mais avec l’apparition de l’hérésie arienne, nous arrivons là à une crise christologique au sein de l’Eglise. Et le personnage que Dieu utilisa pour combattre, au sein de son Eglise, cette hérésie fut un dénommé “Athanase”. Ses ennemis le surnommaient “le nain noir”, car le petit évêque égyptien à la peau mate eut en effet beaucoup d’ennemis. Il fut mis en exil cinq fois par l’Empereur Romain, il passa 17 années de ses 45 années de service comme évêque d’Alexandrie en exil.[4]
La vie d’Athanase est riche en histoire, en rebondissement (on pourrait faire un très bon film sur sa vie !), et excessivement riche en théologie.
C’est ce personnage que je vous propose donc d’étudier brièvement avec moi, de sorte que vous puissiez gouter un peu à la richesse de l’héritage historique de l’Eglise et voir combien Dieu a toujours été à l’œuvre dans l’Histoire pour préserver son Eglise dans une pureté doctrinale qui le glorifie.
Une vie contra mundum
Athanase est né entre 296 et 298 dans une famille de rang noble et reçut une éducation grecque. On a très peu d’éléments sur sa jeunesse, si ce n’est une histoire à l’origine de sa vocation racontée par Ruffin d’Aquilée [5] :
“L’évêque [Alexandre] donnait un festin en l’honneur de la fête de saint Pierre Apôtre, quand il aperçut par la fenêtre quelques garçons en train de jouer sur la plage. Le “chef de la bande”, Athanase, alors âgé de 15-16 ans, reproduisait sur ses camarades de jeu le rite du baptême chrétien. Alexandre envoya un de ses prêtres pour faire venir ce jeune homme auprès de l’évêque. Dans le dialogue, il constata la piété de l’adolescent et déclara valides les baptêmes qu’il avait effectués. À la suite de cet épisode, Alexandre le prit avec lui et s’occupa de sa formation théologique et spirituelle.”[6]
En effet, il devint élève à la prestigieuse école d’Alexandrie, d’abord sous la tutelle de l’évêque Pierre (qui mourut comme martyr en 311[7]), puis Alexandre (312-328). Ainsi, sa formation en théologie fut fortement modelée par la théologie Alexandrine, en particulier des œuvres d’Origène (d’ailleurs très visible par une forte tendance à l’ascétisme).
Cependant il est important de noter que ce n’est pas “en tant que théologien, mais en tant qu’âme croyante en besoin d’un sauveur, qu’Athanase approcha le mystère du Christ. Tout au long de ses batailles avec la controverse arienne, sa ténacité, reposant sur ce principe, conduisit et équilibra sa théologie.”[8]
Alors que les persécutions envers les chrétiens avaient cessé (c’est alors Constantin qui devient empereur en occident (Edit de Milan en 313)), Alexandre essaya de réunir les évêques et de réorganiser l’église d’Egypte qui, en plus des coups durs vécus à cause de la persécution et des reniements en masse, faisait face à une église schismatique menée par un certain Mélèce [9].
Puis, dans les années 318-319, Alexandre fit face à une nouvelle menace en la personne d’Arius (natif de Lybie) qui était à la fois ancien dans une communauté urbaine de Baucalis et professeur en exégèse scripturaire. Arius fut d’abord associé à Méléce, mais il se réconcilia avec Pierre, qui l’ordonna diacre. Mais Pierre le déposa, et c’est Achilles qui le réinstaura comme ancien [10].
Beaucoup pensent que la pensée d’Arius (rejet de l’égalité ontologique entre Dieu le Père et Dieu le Fils) résulte finalement de la rencontre de deux courants théologiques qui étaient très répandus au IIIe siècle : La théologie subordinationniste d’Origéne d’Alexandrie [11] et la Théologie Monarchienne [12] (Paul de Samosata). Ce qui fut d’autant plus difficile pour Alexandre était qu’Arius était un homme apprécié. En effet, il était décrit comme “âgé, pourvu de grandes qualités et de défauts non moins importants, il devait à ses nombreuses mortifications une allure grave et austère. Son regard triste et profond, son costume négligé, son renom de prédicateur, le faisaient tenir en grande estime par les dames pieuses d’Alexandrie.” [13].
Après une première confrontation entre Arius et Alexandre, Arius partit en Palestine pour aller trouver l’appui de ses amis de l’école d’Antioche et l’évêque de Nicodémie. Arius reviendra ensuite à la charge à Alexandrie, mais cette fois-ci avec l’appui de la cour impériale.
C’est durant ces années qu’Athanase écriera deux œuvres majeures reflétant sa théologie et son orthodoxie : “Contre les païens” et “Sur l’incarnation du Verbe“.
Par la suite, l’empereur Constantin, ayant vaincu son homologue d’Orient, devint le seul empereur sur les empires d’Orient et d’Occident. Il demandera alors avec insistance à Alexandre et Arius de s’accorder pour que cessent ces rivalités religieuses. Mais dès le retour de son conseiller ecclésiastique (évêque Hosius), au vue de la gravité de la situation en Alexandrie, il convoqua un concile œcuménique : ce fut le concile de Nicée en 325. Lors du concile, Arius sera condamné et on admit le retour des évêques établis par Mélèce dans l’église officielle. Cependant les tensions ne cesseront pas, et malheureusement l’arianisme ne cessera de s’étendre.
Athanase, qui était alors le fidèle secrétaire d’Alexandre, devint évêque d’Alexandrie le 7 janvier 328, suite à la mort d’Alexandre.
C’est à ce moment-là qu’Athanase devra faire face à de nombreuses tensions l’impliquant personnellement.
…à suivre…
Notes et Références :
[1] http://www.liberation.fr/actualite/010113553-deux-tiers-des-francais-pensent-que-jesus-a-existe
[2] Jean 8:25 : «… ἐὰν γὰρ μὴ πιστεύσητε ὅτι ἐγώ εἰμι, ἀποθανεῖσθε ἐν ταῖς ἁμαρτίαις ὑμῶν », Jésus faisant directement allusion au tetragramme de l’ancien testament qui désignait Dieu.
[3] (Jean 1, Phil 2 :5-11, Col 1 :16ss, Heb 1 :3ss ….)
[4] Galli, M., & Olsen, T. (2000). 131 Christians everyone should know (17). Nashville, TN: Broadman & Holman Publishers.
[5] RUFIN D’AQUILÉE, HE, 1, 14, cité par A. ROBERTSON, Athanasius : Select Works and letters, (coll. « Nicene and Post-Nicene Fathers », 4), Peabody, Hendrickson Publishers, seconde série, 1995, p. XIV.
[6] « Athanase d'Alexandrie : Un théologien amoureux du Logos incarné »,Lucian Dican, p13 ( in http://www.patristique.org/sites/patristique.org/IMG/pdf/Athanase.pdf )
[7] En effet, l’Egypte subissait alors une énorme vague de persécution amorcées par l’Empereur Dioclétien dès le 23 février 303 (“Athanase d’Alexandrie”, J-M Leroux, p9-10)
[8] « The Nicene and Post-Nicene Fathers », Second Serie, Athanasius Vol 4, p xiv (Ed. Eerdmans)
[9] Il était évêque à Lycopolis et il fut accusé d’avoir offert des sacrifices aux idoles pendant la persécution (« The Nicene and Post-Nicene Fathers », Second Serie, Athanasius Vol 4, p 131 (Ed. Eerdmans)), d’arrogance envers ses autorités ecclésiastiques (envers Pierre d’Alexandrie, http://www.ccel.org/ccel/schaff/hcc2.v.vi.xviii.html) et de dureté en refusant d’accepter à la communion les personnes qui avaient reniés leur foi pendant la persécutions et qui s’étaient repenties (http://en.wikipedia.org/wiki/Meletius_of_Lycopolis).
[10] « The Nicene and Post-Nicene Fathers », Second Serie, Athanasius Vol 4, p xv (Ed. Eerdmans)
[11] Hérésie qui rejette l’égalité ontologique au sein de la trinité en établissant l’économie différentielle au sein de la trinité comme reflet de différences ontologiques (Dieu le Père est supérieur en nature par rapport au Fils et à l’Esprit) et pas simplement économiques.
[12] Hérésie qui rejette l’égalité en nature au sein de la trinité et se développa sous les formes du « Modalisme » et de « l’Adoptianisme ».
[13] “Athanase d’Alexandrie”, J-M Leroux, p15-16.