Et si la science n’était plus contre Dieu ?
Article de Vincent M.T. initialement publié sur le site Visio Mundus le 11 février 2019 (voir ici)
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Fut un temps où les avancées scientifiques ont « désenchanté » le monde. Elles étaient présentées comme une réfutation des croyances religieuses, et de nombreux scientifiques répandaient et entretenaient facilement l’idée que la Science était contre l’hypothèse superflue d’un quelconque Dieu créateur.
Et, tout comme la République Française a été coulée dans le moule de la Monarchie Absolue pour mieux la remplacer, la Science Moderne a été présentée comme une nouvelle religion pour mieux s’y substituer : elle tiendrait véritablement les promesses que les dieux n’auraient jamais pu tenir. Plutôt qu’un désenchantement, c’est donc un transfert de sacré qui a eu lieu, en réalité.
Quoi qu’il en soit, ce temps est révolu. Dans les divers domaines scientifiques qui semblaient auparavant soutenir la vision du monde de l’athéisme, les dernières découvertes renversent les certitudes modernes, et les débats vont bon train entre spécialistes. On parle même d’une convergence des indices en faveur de la thèse d’un Dieu créateur, d’une véritable révolution scientifique – que les partisans de la science moderne rejettent hardiment.
Le monde, et Staune
Lors de la conférence « L’univers a-t-il un sens ?« , organisée par Les Soirées de la Philo, le philosophe des sciences Jean Staune a retracé ces divers bouleversements de notre âge.
Dans une culture judéo-chrétienne, l’humain est créé à l’image de Dieu et on lui confie l’intendance de la Création. Bien que cette déduction ne soit pas dans les textes bibliques, il a paru logique à un certaine époque que tout doive s’articuler (y compris physiquement) autour de l’humain. Et cette centralité littérale de l’humain était la marque évidente de l’existence du Dieu créateur dont parle la Bible… Or une série de découvertes ont fait que notre vision du monde s’est décentrée de l’humain.
• Nicolas Copernic et Galileo Galilei ont commencé par démontrer que la Terre – et par extension l’humanité – n’était pas au centre de l’univers, simplement le produit de forces cosmiques. Plus tard Pierre-Simon de Laplace ajoutera à cette nouvelle astrophysique en excluant l’idée d’un « Dieu machiniste », qui activerait le mouvement des planètes : le cosmos serait comparable à une horloge remontée, et Dieu serait plutôt un horloger. Ainsi, bien qu’en pratique ce soit trop complexe, en théorie, si l’on connaissait suffisamment le système d’engrenages, il serait possible de prédire l’état à venir des choses, voire de les arranger selon son bon vouloir (c’est la promesse de la Science Moderne : l’omniscience et l’omnipotence).
• Charles Darwin a ensuite présenté sa théorie de l’Evolution, dans laquelle nous une sommes pas au centre de la nature, des êtres uniques, séparés de et supérieurs au reste du vivant, mais simplement le produit du hasard et de la sélection naturelle… comme tout le reste. Richard Dawkins reprendra cette théorie et tentera de répondre aux objections des croyants pour souligner que l’apparente ingéniosité du vivant n’est pas la marque d’une création intelligente mais plutôt de mécanismes évolutifs lents. A ceux qui s’étonnent de la complexité de « l’oeil-caméra » humain, il détaille 144 étapes de l’évolution, chacune observables aujourd’hui chez diverses espèces, qui mènent de la simple cellule photosensible à notre organe visuel. L’horloger est aveugle, et ce n’est pas Dieu mais l’Evolution.
• Enfin Sigmund Freud a popularisé ses thèses selon lesquelles nous ne sommes pas même au centre de nous-mêmes, puisque notre identité et notre comportement sont bien plus les produits de mécanismes inconscients que conscients. Francis Crick renforcera cette notion en affirmant sur la base de ses recherches en neurosciences que « nous ne sommes qu’un paquet de neurones » – et récemment une mauvaise vulgarisation de l’expérience de Benjamin Libet a renforcé cette idée.
La trinité scientifique
Aujourd’hui, les domaines de la physique, de la biologie et des neurosciences nous ramènent à formuler l’hypothèse utile d’un Dieu créateur.
Physique
Trois éléments nous pointent de nouveau vers des réalités qui vont au-delà de la physique.
D’abord, la Théorie de la relativité nous indique que le temps et l’espace sont relatifs : ils n’ont donc pas toujours existé, ils ont une origine – d’où la théorie du Big Bang. Et si certains supposent alors que l’univers vit un cycle d’expansion et d’effondrement sur lui-même, les modèles scientifiques actuels montrent que ce cycle ne peut être infini dans le passé, autrement dit, il y a toujours une origine, donc une réalité plus fondamentale et dont dépend la nôtre.
Ensuite, la physique quantique nous indique la même chose. Un des constats scientifiques de notre époque est que deux particules intriquées, et que l’on éloigne de plusieurs kilomètres, continuent d’être parfaitement synchrones : agir sur l’une fait réagir les deux, instantanément. Rien que l’on arrive à détecter dans la réalité physique ne peut l’expliquer. Si la « transmission » entre les deux particules se faisait dans notre réalité, il y aurait un léger délai (étant donné que rien ne peut voyager plus vite que la vitesse de la lumière), mais ce n’est pas le cas ici. Si bien qu’on puisse légitimement faire l’hypothèse d’une réalité métaphysique : la transmission se fait par un chemin qui appartient à une autre réalité.
Enfin, l’ajustement fin des lois de l’Univers, c’est-à-dire le « réglage » des différentes constantes universelles, comme la gravité par exemple, est très, très, très précisément le seul qui permette la vie – et notamment la vie sur Terre. Il est tellement précis, en fait, que parmi toutes les possibilités, il avait autant de chance de tomber sur ce réglage au hasard que l’on aurait de toucher du premier coup une cible de 1cm carré située à l’autre bout de l’univers, en visant au hasard. Evidemment, certains imaginent la parade du « multivers » : il y a une infinité d’univers indépendants, il se trouve que nous sommes dans celui qui permet la vie. Cependant c’est une supposition sans preuve, qui multiplie les hypothèses inutiles (à l’infini !) et qui n’a manifestement d’autre but que d’éviter l’hypothèse d’une intelligence qui gouvernerait les lois de l’Univers.
Biologie
L’Evolution – l’idée que « tous les êtres vivants sont unis par les liens de la descendance » – est un fait, d’après Staune. Ce qui n’est pas un fait, mais une tentative d’explication, c’est le Darwinisme : que cette évolution est due à 5 facteurs, principalement le hasard et la sélection naturelle.
Quoi qu’il en soit, malgré sa popularité, il y a des choses que le Darwinisme n’explique pas : entre autres, la coordination des mutations sur le long terme, les « macro mutations » (non-graduelles), ou des tendances convergentes dans les formes. C’est pourquoi il existe au moins cinq autres écoles de pensée évolutionnistes, plus ou moins compatibles avec l’idée d’une entité créatrice à l’origine de la vie.
Par exemple, pour revenir au fameux « oeil caméra« , ce qui est étonnant n’est pas que l’évolution humaine y ait mené, mais que plusieurs autres espèces complètement différentes possèdent exactement le même ! Par exemple chez une araignée, chez un escargot, chez un calamar et chez une méduse. Et cette méduse n’a pas même de cerveau : à quoi donc peut bien lui servir cet oeil si perfectionné ?
Dans son livre Life’s Solution, Simon Conway-Morris liste 70 exemples d’organes qui ont émergé dans des conditions complètement différentes, chez des espèces très diverses, et ont pourtant des formes quasi identiques. Cette convergence de l’évolution vers des « formes idéales » nous renvoie à une intelligence, ou à un but, notion compatible avec l’existence d’un Dieu créateur.
Neurosciences
Le grand rêve actuel est de reproduire l’intelligence humaine chez les robots – c’est la folle promesse du transhumanisme. Il y a cette impression ambiante que si l’on peut répliquer la personnalité humaine, alors on a compris « l’âme », et on l’a réduite à de la matière et des calculs.
Cependant, plusieurs éléments nous laissent raisonnablement supposer que ce ne sera jamais possible.
En effet, il y a une différence entre un algorithme de calcul et la réflexion humaine, qui implique la raison et l’intuition. De nombreux mathématiciens, y compris athées, témoignent du rôle de l’intuition dans l’avancée de leurs recherches. Il y a même des cas d’intuition pure, comme par exemple l’extraordinaire Srinivasa Ramanujan, un jeune indien qui a rédigé presque 3000 formules mathématiques, sans aucune démonstration, et que l’on a mis un siècle à vérifier. Cela témoigne d’une dimension psychique qui défie le calcul pur.
Qui plus est, il peut sembler évident que la conscience est localisée dans le cerveau, puisque tout ce qui affecte le cerveau affecte la conscience et la personnalité. En réalité, ce n’est pas si simple : tout ce qui affecte une radio (un choc, un changement de composant, etc.) affecte le son qui va sortir de cette radio, et pour autant nous savons bien que ce n’est pas la radio qui est à l’origine des émissions. Il en va de même pour la conscience – tant est si bien qu’au contraire de la biologie, ou des grandes théories s’affrontent, il n’y a en neurosciences aucune théorie largement répandue sur la conscience et le cerveau. Ce sont les philosophies qui s’affrontent : matérialisme contre non-matérialisme, réductionnisme contre non-réductionnisme, monisme contre dualisme. Pour plus d’informations, les écrits de John Eckles et Peter Clarke ont beaucoup contribué à assainir le débat entre croyants et non-croyants sur ces sujets.
Toutes ces pistes sont évidemment exprimées de façon vulgarisée, pour intéresser le grand public, et il serait sage de les explorer plus avant plutôt que de considérer qu’il s’agit là d’un « arsenal » argumentaire imparable.
Quoi qu’il en soit, selon Jean Staune, la science à notre époque postmoderne est un appui pour reconstruire un mode porteur de sens dans une perspective théiste, et particulièrement biblique, au-delà des écueils décevants de la science moderne.
C’est aussi l’occasion d’entrer en véritable dialogue avec l’état de la recherche scientifique plutôt que de perdre son temps à débattre sur des hypothèses et des modèles qui ne sont plus d’actualité (même si de nombreuses personnes y adhèrent encore).
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Votre professeur
Pour ce premier cours d’épistémologie, nous avons sollicité Yannick Imbert, un théologien aux multiples casquettes !
Yannick est professeur d’apologétique à la Faculté Jean Calvin (Aix-en-Provence). Docteur en théologie, Yannick est spécialiste du rapport entre entre foi et société, un thème qui lui est cher depuis ses études à l’Institut de Sciences Politiques. Il est également président des Éditions Kérygma, ainsi que membre de la Commission Théologique du Conseil National des évangéliques de France (CNEF).
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