Question #89 – La liberté individuelle ne mène-t-elle pas à l’anarchie?

 

Question: La liberté individuelle ne mène-t-elle pas à l’anarchie?

Réponse: La vraie liberté de conscience ne mène pas à la licence, mais à l’obéissance puisque tous ceux qui sont véritablement affranchis par Christ désirent lui obéir. ~ Galates 5.13-14

 

Le livre des juges nous présente plusieurs récits où la confusion morale et le désordre semblent aller en augmentant jusqu’à la canaanisation du peuple d’Israël qui, ayant reçu la loi de Dieu, devait être la lumière des nations (Es 51.4 ; Ex 19.6 ; Ps 147.19-20). Le refrain, qui est aussi la conclusion de ce livre, est le suivant (Jg 21.25) : « En ce temps-là, il n’y avait point de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon. » Si chacun doit agir selon sa propre conscience, n’est-ce pas faire ce qui semble bon à ses propres yeux et se diriger tout droit vers l’anarchie ? La réponse des autorités catholiques des 16e et 17e siècles vis-à-vis de l’aspiration des protestants pour la liberté de conscience était qu’une telle idée mènerait inévitablement au désordre. Le paragraphe 3 fut rédigé en réponse à cet argument des adversaires de la liberté de conscience dans le but de dissocier une société libre d’une société anarchique.

(Par. 3) Ceux qui, sous prétexte de liberté chrétienne, pratiquent un péché quelconque ou entretiennent quelque passion coupable, pervertissent l’intention principale de la grâce de l’Évangile pour leur propre destruction. Ce faisant, ils annihilent complètement l’objectif de la vie chrétienne, qui est de servir le Seigneur sans crainte, en marchant dans la sainteté et la justice devant lui chaque jour de notre vie, étant délivrés de la main de tous nos ennemis.

 

Il ne fait aucun doute qu’une société libre contiendra plus d’individus qui transgresseront ouvertement l’ordre moral au nom de leur liberté. Cependant, la défense de la liberté de conscience mise en avant par les protestants n’encourageait pas un subjectivisme absolu où chacun se fait sa propre compréhension et sa propre moralité. La confession considère que l’Écriture est suffisante et claire pour révéler tout ce qui est nécessaire à la vie et à la piété (Es 8.20 ; Lc 16.29 ; 2 Tm 3.16-17 ; 2 P 1.3, 3.16) et que la norme qui distingue le bien du mal est objective puisqu’il s’agit de la loi morale de Dieu qui est écrite et qui seule régit la conscience de l’homme (Rm 2.14-15, 3.20, 7.7 ; Jc 4.12 ; 1 Jn 3.4).

Nonobstant le témoignage de la loi morale, l’homme déchu a une capacité pour supprimer ce témoignage et se persuader lui-même qu’il est juste (Pr 12.15, 14.12, 16.2 ; Rm 1.18,32, 10.3). Cette corruption ne disparaît pas complètement avec la régénération, de sorte que certains chrétiens transgresseront la loi de Christ au nom de la liberté en Christ. Ce problème n’est pas apparu avec l’avènement de la Réforme protestante, mais existe depuis que l’Évangile de la liberté est prêché (Rm 6.1-2 ; Ga 5.13).

Ainsi, pécher au nom de la liberté chrétienne est contraire au principe même de liberté. Le but de la liberté chrétienne est l’obéissance et non la licence, la sainteté et non la permissivité. La liberté n’est pas une fin en soi ni le but ultime de la rédemption ; elle conduit à une vertu plus grande qui consiste à être en communion avec Dieu, l’aimer et le servir Dieu sans crainte (Lc 1.74-75). Tout usage de la liberté qui ne mène pas à ce but ou qui le détruit est l’antithèse de la liberté.

Les apôtres de cette fausse liberté sont nombreux de nos jours. Combien de faux-docteurs enseignent que pour être libre il faut se libérer de toute contrainte morale et n’écouter que ses désirs et sa volonté? Voici comment Pierre dénonce ces discours trompeurs :

Ils ont les yeux pleins d’adultère et, insatiables de péché, ils amorcent les âmes mal affermies ; ils ont le cœur exercé à la cupidité ; ce sont des enfants de malédiction. […] Avec des discours enflés de vanité, ils amorcent par les convoitises de la chair, par les dérèglements, ceux qui viennent à peine d’échapper aux hommes qui vivent dans l’égarement ; ils leur promettent la liberté, quand ils sont eux-mêmes esclaves de la corruption, car chacun est esclave de ce qui a triomphé de lui. (2 P 2.14,18,19)

 

Revenons à la comparaison entre l’anarchie du temps des juges et la liberté de conscience individuelle. Le problème au temps des juges était-il qu’il n’y avait point de roi en Israël ou que chacun faisait ce qui lui semblait bon ? Autrement dit, se pourrait-il que ce fût parce qu’il n’y avait point de roi que chacun faisait ce qui lui semblait bon ? N’est-ce pas l’un des buts du livre des Juges : démontrer le besoin pour l’homme d’avoir un Roi ? Mais pas n’importe lequel, puisqu’aucun des rois d’Israël n’a pu véritablement affranchir son peuple. Le seul Roi qui peut définitivement affranchir l’homme est celui qui a donné sa vie en rançon pour le libérer.

Maintenant, tous ceux qui ont vraiment été affranchis par Christ vivront en se soumettant à sa Parole et à sa loi (Jn 15.13-14). La solution vis-à-vis du problème d’une liberté de conscience tournée en dérèglement d’inconscience n’est donc pas de supprimer la liberté, mais d’exercer la discipline d’Église. Ceux qui refusent de vivre dans l’obéissance à Christ ne doivent pas être admis dans son royaume (Mt 18.15-20 ; 1 Co 5.1-5).

Il est significatif que les auteurs de la confession de foi aient supprimé le paragraphe 4 qu’on retrouve dans la Confession de foi de Westminster puisqu’il traite justement de cette discipline ecclésiale envers ceux qui persistent dans la désobéissance à Christ. Ce paragraphe n’a pas été conservé puisqu’il développe l’idée de la discipline dans un modèle d’Église de masse et d’Église d’État où le pouvoir civil était marié au pouvoir ecclésial. Ici apparaissent les premiers traits de l’ecclésiologie baptiste qui rejette la notion d’Église mixte de multitude au profit d’une Église de chrétiens professants et engagés. La confession traitera de la discipline ecclésiale au chapitre 26 en développant sa doctrine de l’Église.

Cela nous indique que les premiers baptistes n’avaient pas un programme de réingénierie de la société si ce n’est qu’en gardant l’Église locale pure et épanouie. D’après cette conception, la meilleure contribution que l’Église puisse faire au monde est d’être une manifestation visible de la vraie liberté sous l’autorité de Christ (Mt 5.13-16). Nous ne devrions pas essayer de racheter la culture du monde, mais simplement d’être l’Église du royaume ! Et la première façon dont cela se démontrera c’est par le culte d’adoration que l’Église rend à Dieu et tel sera le prochain sujet que nous étudierons au chapitre 22.

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Pascal Denault est pasteur de l’Église réformée baptiste de St-Jérôme. Il est titulaire d’une Licence (BA) et d’un Master en théologie (ThM) de la Faculté de théologie évangélique de Montréal. Pascal est l’auteur des livres Le côté obscur de la vie chrétienne (2019, Éditions Cruciforme) – Une alliance plus excellente (2016, Impact Académia) – Solas, la quintessence de la foi chrétienne (2015, Cruciforme) – The Distinctiveness of Baptist Covenant Theology (2017 Revised Edition, Solid Ground Christian Books).