Comment Dieu attire-t-il l’âme des pécheurs à Jésus-Christ ?
Je me réjouis de voir certaines oeuvres des puritains qui avaient été traduites en français mais qui étaient devenues introuvables être rééditées. C’est le cas de The Method of Grace, de John Flavel (1627-1691), traduites par Europresse sous le titre Le Saint Esprit et l’application du salut (vous pouvez vous le procurer ici).
J’aime particulièrement cet extrait, dans lequel Flavel se demande comment Dieu attire les personnes à Christ. Pour Flavel, Dieu agit de manière graduelle, d’une manière appropriée au pécheur qu’il sauve, il lui dévoile Christ de manière optimale, et il l’attire alors à lui efficacement et éternellement.
Bonne lecture !
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Il accomplit cela par une action graduelle
L’Esprit amène l’âme pas à pas selon la méthode et l’ordre propres à l’Évangile de Christ. L’illumination, la conviction et la repentance préparent la voie. Puis, la foi unit l’âme à Christ. Il ne peut pas y avoir de foi sans humiliation. «Vous, qui avez vu cela, vous ne vous êtes pas ensuite repentis pour croire en lui» (Matthieu 21:32).
Le fardeau énorme qu’est le sentiment de péché pousse l’âme à chercher son repos en Christ. «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés» (Matthieu 11:28). Il ne peut pas exister de vrai remords, ni d’humiliation sans conviction de péché. L’homme ne se lamentera jamais sur son péché et sa misère, ni jamais ne les déplorera s’il n’en reçoit pas la conviction. Aucune larme de repentance authentique n’a jamais coulé des yeux d’un pécheur qui n’est pas convaincu de son péché.
Il ne peut pas non plus y avoir de conviction de péché sans illumination, sans une vue de ce péché dans la lumière de la réalité spirituelle. Qu’est-ce que la conviction, en effet, sinon l’application au cœur et à la conscience de l’homme de la lumière divine qui vient s’implanter dans sa compréhension (dans son esprit) ? (Actes 2:37)
L’Esprit attire donc d’ordinaire l’âme à Christ selon cet ordre. Il brille dans l’esprit en mettant le péché en lumière, et il applique cette lumière à la conscience par une conviction efficace. Il brise et blesse le cœur en raison du péché par le remords, puis il pousse la volonté à s’approcher de Christ et à se saisir de lui par la voie de la foi pour recevoir la vie et le salut.
Ces divers stades s’observent plus distinctement chez certains que chez d’autres. Par exemple, on les distingue plus clairement dans le cas d’un converti adulte, plutôt que chez celui qui vient à Christ dans sa jeunesse. Le contraste est souvent plus marqué avec ceux que Dieu attire directement d’un état d’irréligion profonde que chez les bénéficiaires d’une éducation chrétienne. Mais l’œuvre s’accomplit d’habitude selon cet ordre en tous, même si elle diffère en degrés de clarté chez l’un ou chez l’autre.
Il attire d’une manière appropriée à la nature de l’homme
C’est ce que dit la Parole : «Je les tirai avec des liens d’humanité, avec des cordages d’amour» (Osée 11:4). Dieu n’attire pas comme on force un animal rétif, mais comme on amène un homme à se plier, par une conviction rationnelle exercée sur son jugement et par la persuasion puissante de sa volonté. Par nature, l’ignorance aveugle l’esprit de l’homme pécheur et il est prisonnier de ses convoitises (2 Corinthiens 4:3,4 ; Galates 5:7). Tant que cet état de fait prévaut, aucun argument ou supplication ne l’amènera à quitter les voies du péché pour aller vers Christ.
En conséquence, pour gagner cet homme et l’attirer, l’Esprit redresse ses vues erronées en lui montrant qu’il existe en Christ un bien infiniment plus grand que dans tous les simples plaisirs de la terre. En fait, il convainc la compréhension de l’homme de ce que Celui vers qui il l’attire possède bonté et valeur à suffisance.
Il lui montre qu’il réside davantage de bien en Christ qu’en toute bonne chose temporelle, dont il lui faudra se détourner pour le suivre. La clarté et la puissance de cette découverte instruisent la compréhension et préparent la volonté à abandonner tout ce qui l’emprisonne et l’empêche de venir à Christ.
Tout le monde aime l’argent, mais pas au point de refuser de s’en séparer pour acquérir autre chose qu’on estime de plus grande valeur. «Le royaume des cieux est encore semblable à un marchand qui cherche de belles perles. Il a trouvé une perle de grand prix ; et il est allé vendre tout ce qu’il avait, et l’a achetée» (Matthieu 13:45). Jésus-Christ est cette perle inestimable. Sa valeur infinie surpasse tout ce dont le pauvre pécheur peut se séparer pour aller à lui, et il offre beaucoup plus de bien réel que tous les plaisirs impies. Ces choses de la terre ne sont que des ombres et des illusions (Proverbes 23:5).
Mais Christ est un bien solide et substantiel, et la conviction produite par l’Esprit en révèle la réalité à l’homme en qui il œuvre. Le monde ne peut pas justifier ni sauver, il ne fait au mieux que répondre à un bien-être temporel. Christ est un bien incompara- blement plus nécessaire que le monde, car il est capable de sauver.
Il constitue donc une nécessité éternelle. Il est un bien plus durable que toute la consolation que peut prodiguer la création. «La figure de ce monde passe» (1 Corinthiens 7:31). En contraste, on trouve en Christ des richesses et une justice durables (Proverbes 8:18).
Ainsi, au jour de la conviction, Christ apparaît infiniment plus excellent, car on voit qu’il surpasse tout ce que peut offrir le monde. Cela avance grandement l’œuvre d’attraction d’une âme à lui.
Dieu montre à l’âme assez de Christ pour prévaloir
Il ôte ainsi tout obstacle sur le chemin vers Christ. L’âme voit alors qu’il existe en Christ beaucoup plus d’avantages qu’il n’y a de maux et de souffrances à le suivre.
Ceux qui viennent à Christ, il est vrai, s’unissent également à sa croix. Ils ne doivent pas s’attendre à sauver par lui plus que leur âme. Le Seigneur lui-même déclare ce à quoi il faut s’attendre : «Si quelqu’un vient à moi, sans me préférer à son père, à sa mère, à sa femme, à ses enfants, à ses frères et à ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Et quiconque ne porte pas sa croix, et ne me suit pas, ne peut être mon disciple» (Luc 14:26,27).
La lecture d’un tel texte, accompagnée par les commentaires que Satan et la chair ne manquent pas d’y ajouter, suffit à faire fuir l’homme loin de Christ pour toujours. Avec de tels termes, aucun argument du monde n’attirera une seule âme à Christ. Il faut pour cela que le Seigneur lui donne la conviction qu’il existe assez, et même plus, en Jésus-Christ pour équilibrer toutes les souffrances et les pertes qu’il faudra endurer pour lui.
Avec cette vision, l’âme se satisfait par exemple du fait que ces souffrances ne sont qu’externes, que ces afflictions ne sont que temporelles, touchant ce corps déchu seulement. En revanche, Christ procure un bienfait éternel qui pénètre dans l’âme.
Lorsque le Seigneur montre cette réalité et que sa puissance accompagne de telles révélations, ces choses ne manquent pas de prévaloir sur la volonté de l’homme pour la faire venir à Christ, en dépit des souffrances que cela impliquera. C’est ainsi que le Seigneur attire, par des convictions rationnelles présentées à l’intelligence et par des attirances exercées sur la volonté.
Cela peut être la raison pour laquelle certains se méprennent quant à l’action de l’Esprit sur eux-mêmes. Ils pensent n’avoir jamais bénéficié, dans leur conversion, de la puissance d’application mer- veilleuse et efficace de Dieu, car tout ce qui survient à leur cœur suit le cours et la méthode ordinaires de la nature. Ils examinent, comparent, sont convaincus, puis prennent la résolution de choisir Christ et ses voies. Mais ils s’attendaient à ressentir quelque opération étrange qui revêtirait le caractère visible de la puissance directe de Dieu sur eux. En fait, ils discerneraient une telle puissance s’ils acceptaient de la voir à l’œuvre à la façon divine et selon la méthode divine. Mais ils ne peuvent pas faire la distinction entre les actes de Dieu et les leurs, et cela les plonge dans la perplexité.
L’attraction exercée par le Père est très puissante
Le bras de l’Éternel s’y révèle (Ésaïe 53:1). La parole qui, au commen- cement, fit briller la lumière hors des ténèbres était une parole de puissance. Celle qui doit faire resplendir la lumière dans notre cœur ne l’est pas moins (2 Corinthiens 4:6). La Bible parle de l’instant où l’âme reçoit la volonté de venir à Christ comme du jour de la puissance de Dieu (du temps où il rassemble son armée) (Psaume 110:3).
L’Écriture illustre l’œuvre de conversion par une triple méta- phore. Elle parle de la résurrection des morts, de la création, et de victoire ou conquête (Romains 6:4 ; Éphésiens 2:10 ; 2 Corinthiens 10:4,5). Elle dépeint ainsi la puissance infinie de Dieu dans cette œuvre, car toutes ces actions exigent l’exercice d’une toute-puissance. Prenez le temps de réfléchir à ces diverses images, et vous verrez que la puissance de Dieu se déploie en chacune d’elles avec de plus en plus de majesté.
La résurrection d’entre les morts résulte d’une toute-puissance, mais elle présuppose l’existence préalable de la matière. Dans la création, il n’y a pas de matière préexistante, ni aucune opposition. Ce qui n’existe pas ne se rebelle pas contre la puissance qui lui donne l’être. En revanche, la victoire et la conquête présupposent une opposition. Toute la force de la corruption de la nature s’arme et se soulève contre Dieu, sans pourtant avoir la capacité d’entraver son dessein.
Même si l’âme attirée par le Père se débat de toutes ses forces, elle viendra. Oui, et en outre, elle viendra de bon gré, lorsque la puissance d’attraction de Dieu la couvrira.
Combien de conflits intérieurs, de résolutions contraires occupent l’âme et la déchirent ! Les espérances et les craintes, les encouragements et les abattements, les oui et les non se la dispu- tent, mais la grâce victorieuse l’emporte sur toute opposition en fin de compte. Nous trouvons chez Augustin un excellent exemple de cela quand, précisément, il parle de cette œuvre d’attraction de son âme à Christ.
Il explique qu’il ressentait alors comme s’il y avait deux volontés en lui, l’une, ancienne et charnelle, l’autre, nouvelle et spirituelle. Les actions contraires et les conflits de ces deux forces le déchiraient dans ses propres pensées et résolutions, et il regrettait sincèrement de ce qu’il commettait allègrement.
Assurément, l’enracinement de l’âme dans le péché est profond, à la fois par l’inclination naturelle de cette dernière et par une longue habitude. Réfléchir sur cette triste réalité permet de voir combien cette âme s’oppose avec force aux voies d’une piété réelle et de la mise à mort du péché.
En horrible et puissant ennemi qu’il est, Satan ne manque pas de fortifier l’âme contre Christ pour qu’elle défende la possession qu’il en a. Le diable se retranche dans l’intelligence, la volonté et les désirs par des préjugés profondément enracinés contre Christ et contre la sainteté. C’est une grande merveille que de voir une âme abandonner toutes ses chères convoitises et ses intérêts charnels pour venir de bon gré se placer sous le joug de Christ.
L’attraction de Dieu est très efficace
Il existe une œuvre commune et sans efficacité qui s’accomplit sur les hypocrites et sur les apostats. L’Écriture en parle comme de la nuée ou de la rosée du matin (Osée 6:4). Ces hommes croient pour un temps, mais ils ne continuent pas jusqu’à la fin (Luc 8:13). La volonté à moitié gagnée, ils sont seulement à moitié attirés vers Christ, mais ils reviennent tôt ou tard à leurs anciennes voies. Agrippa était un tel homme, et il dit à Paul : «Tu vas bientôt me persuader de devenir chrétien !» (Actes 26:28)
Mais Dieu accomplit chez ses enfants authentiques une œuvre efficace. Il ne se contente pas de presque persuader leur volonté ; il l’amène à se saisir de Christ complètement et à abandonner les voies du péché, quels qu’en aient été l’attraction et les avantages. Le Seigneur ne se contente pas d’attirer ; il amène l’âme jusqu’à Christ : «Tous ceux que le Père me donne viendront à moi» (Jean 6:37).
Je reconnais volontiers la possibilité (et la présence souvent) de pauses, d’arrêts et de reculs dans cette œuvre d’attraction des élus à Christ. Certaines des convictions, des affections et des résolutions qui les agitent semblent être saisies par la gelée et mourir, comme des boutons de fleur trop précoces.
Il y a fréquemment, en particulier parmi les jeunes, une appa- rence positive de grâce. Ils veillent à fuir le péché et à accomplir leurs devoirs. Ils connaissent parfois des moments importants de réveil sous l’action de la Parole. On les voit se retirer à l’écart pour méditer et prier, ou se plaire dans la compagnie des chrétiens. Pourtant, les convoitises et les vanités de la jeunesse viennent suffoquer et étouffer ces commencements prometteurs. L’œuvre semble alors interrompue, et cela peut durer plusieurs années. Mais, finalement, le Seigneur remporte la victoire sur toute opposition, et la scelle avec puissance dans le cœur des élus.
L’attraction de Dieu est pour l’éternité
«Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables» (Romains 11:29). Ils le sont en ce qui concerne le donateur ; Dieu ne se repent jamais d’avoir appelé son peuple à l’union avec son Fils Jésus-Christ. Ils le sont aussi du côté du croyant, qui ne regrette jamais d’être venu à Christ, quelles que soient les difficultés qu’il rencontre par la suite.
Il y a un jour dans la vie de celui qui devient chrétien où il est attiré vers Christ, mais il n’en existe pas où il sera attiré loin de Christ (Jean 10:29). On n’arrache pas les brebis de la main du Père.
Dans les premiers siècles, pour parler de l’impossibilité absolue de quelque chose, on employait ce proverbe : «Tu séparerais plutôt un chrétien de Christ !»
Se tournant vers ses disciples, Christ leur demande : «Et vous, ne voulez-vous pas aussi vous en aller ?» Pierre répond en leur nom : «Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle» (Jean 6:67). Ceux qui sont attirés de la sorte s’attachent au Seigneur avec un cœur pleinement disposé.
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