Voilà pourquoi je ne recommande pas « Lettres à l’Église » de Francis Chan

J’apprécie beaucoup Francis Chan, et je recommande fortement ses ouvrages en général. Néanmoins, en ce qui concerne son dernier livre publié en français, Lettres à l’Eglise, je suis beaucoup plus critique. Je dirai même que je ne peux pas le recommander, parce que je crois que, dans le contexte francophone, sa lecture fera plus de mal que de bien à nos Eglises.

L’une des raisons principales pour lesquelles je ne peux pas recommander le livre, c’est son inadéquation au contexte francophone. Plusieurs des problèmes que Francis Chan dénonce ne se retrouvent pas dans les Églises francophones (ou ils ne concernent que très peu d’Eglises). Exemples : un groupe de rock pour attirer les foules (p.99), des chasseurs de tête pour trouver les pasteurs (p.103), vouloir créer des Eglises les plus grandes possibles (p.177), chercher à s’installer dans de grands édifices (p.185), etc… Ce ne sont pas des problèmes que l’on rencontre couramment dans notre contexte. Cependant, ces éléments forment la substance sur laquelle Francis Chan va baser ses critiques dans son livre. Dans un contexte comme le nôtre, ces critiques ne me paraissent donc pas fondées.

Je regrette également le ton général que Francis Chan adopte. Il est très sévère et virulent –comme s’il n’existait aucune Eglise fidèle aux USA (et donc, le livre étant traduit, en francophonie également ?). On retrouve plusieurs fois dans le livre des généralités, ou des exagérations qui ne me semblent pas appropriées. Par exemple, Francis Chan dénonce que « beaucoup trop de pasteurs ambitionnent de devenir de formidables écrivains, orateurs ou leaders », et qu’en revanche peu sont connus pour être « de formidables papas » (p.121). C’est faux ! Je pourrais citer de nombreux noms de pasteurs qui sont connus pour être de bons pères de famille. Je crois qu’il est également inapproprié de dire que les pasteurs de nos Eglises ambitionnent la gloire – la plupart sont à peine payés pour ce qu’ils font, et sont loin de recevoir la reconnaissance qu’ils méritent pour le service qu’ils accomplissent semaine après semaine !

Ainsi, la citation de Hugh Halter que Francis Chan cite et approuve est vraiment mal placée – en tout cas pour la francophonie : « Beaucoup de pasteurs s’accrochent à leur ministère parce qu’à la fin du mois, ils encaissent un chèque de la part de consommateurs chrétiens » (p.122). Comment oser dire cela ? Est-ce vraiment le cas pour les pasteurs de nos Eglises ? Je ne nie pas que cela peut-être un danger – et si c’est le cas il faut s’en repentir – mais peut-on vraiment dire que c’est le cas pour beaucoup de pasteurs ?

Ces généralisations ou exagérations ternissent l’image de nos pasteurs, qui ont besoin d’encouragements plus que de bâtons dans les roues (cf. Hébreux 13.17). Ma crainte principale c’est que la lecture de ce livre encourage les gens à quitter leur Eglise, critiquer leur pasteur ou leurs responsables qui se donnent pourtant sans relâche au ministère. Je sais que ce n’est pas ce que Francis Chan souhaite (et il le dit), mais le ton employé et les critiques acerbes adressées aux Eglises s’y prêtent pourtant très bien.

Certains appels lancés par Chan sont pertinents, et il soulève de vrais problèmes (voir l’Eglise comme une famille, retrouver l’aspect communautaire, ne pas chercher le divertissement mais la fidélité à la parole, etc.). Cependant, dans le même temps, il généralise, va trop loin dans ses critiques, et, à mon avis, ne règle pas vraiment les problèmes. Car je ne suis pas davantage convaincu par la solution qu’il propose – les Eglises de maison.

À ce sujet, je note que le livre entretient une certaine confusion entre les passages prescriptifs et ceux qui sont descriptifs dans l’Ecriture. L’ecclésiologie de Francis Chan semble presque exclusivement fondée sur le livre des Actes des Apôtres et non sur les épîtres pastorales, par exemple. Je ne dis pas que le livre des Actes n’a rien à nous apprendre sur notre Ecclésiologie, mais il serait bien triste de parler de l’Eglise sans écouter ce que 1-2 Timothée ou Tite ont à nous dire, par exemple. Cela explique la place très réduite (voire quasi inexistante ?) qu’il donne à la prédication dans le livre (et c’est vraiment regrettable). Je crains que cet ouvrage laisse alors la porte ouverte à d’autres « styles » d’église qui mettront de côté la place de la prédication ou d’autres principes fondamentaux qui lui sont bénéfiques (collège d’anciens, formation théologique des pasteurs, etc.).

Pour synthétiser et reprendre quelques points déjà mis en avant, voici pourquoi cet ouvrage de Francis Chan me déçoit :

  • Des critiques non-appropriées, exagérées ou généralisées envers les Eglises
  • Un ton sévère et virulent, comme s’il n’existait plus aucune Eglise fidèle actuellement
  • De nombreux éléments qui sont liés au contexte américain et qui n’ont pas de pertinence dans le contexte francophone (et donc les critiques que l’auteur lance aux Eglises ne sont pas fondées ici)
  • Une confusion entre passages descriptifs et passages prescriptifs dans la Bible
  • Une porte ouverte a des « styles » d’église qui mettront de côté la prédication ou d’autres principes bibliques essentiels
  • La solution apportée par Chan – les Eglises de maison – n’est pas parfaite non plus
  • Surtout, je crains que ce livre nourrisse à mauvais escient les critiques formulées contre les Eglises actuelles, ou contre les pasteurs/responsables d’Eglise, à partir de critères qui ne sont pas fondés…

 

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Benjamin, 24 ans, est étudiant à l'Institut Biblique Belge, coordinateur du blog la Rébellution, amateur de bons livres, et co-auteur du livre Une vie de défis. Vous pouvez le suivre sur son blog personnel christestmavie.fr.