L’eschatologie des épîtres générales : implications et conclusion

Après avoir introduit notre sujet sur l’eschatologie des épîtres générales, puis fait une étude systématique de Jacques, de Pierre, et pour finir de Jean et de Jude, il est maintenant tant de terminer par une synthèse et de voir quelles implications nous pouvons retirer de cette étude avant de conclure.

Synthèse

Que retirer de cette exégèse ? Nous pouvons premièrement relever l’unité thématique de ce corpus qui est rempli d’un bout à l’autre d’eschatologie. Les différents thèmes se croisent et se recroisent, et se retrouvent d’une manière plus ou moins développée chez tous les auteurs. Mentionnons les plus importants qui sont le Jugement Dernier, le Retour du Christ, la dimension éthique de l’eschatologie, son lien avec l’élection, et la persévérance et l’espérance des chrétiens au milieu de l’épreuve en vue de l’héritage promis. De plus, les liens entre la deuxième épître de Pierre et celle de Jude (ou inversement) ne peuvent être manqués. Tout comme les enseignements concernant l’épreuve chez Jacques et dans la première lettre de Pierre. Il y a donc une véritable cohérence de ce corpus malgré l’étalage de sa rédaction dans le temps, la diversité de ses auteurs et des destinataires, et les contextes différents dans lesquels ces lettres ont été écrites.

De plus, nous pouvons noter que cet ensemble scripturaire est en parfaite cohérence avec le reste de la Bible. En ce qui concerne Jacques par exemple, il mentionne les thèmes du Royaume de Dieu, de la promesse, de l’Alliance, de l’adoption que l’on retrouve un peu partout. Il utilise Job et Elie, se situant en continuité avec l’Ancien Testament. Contrairement à ce qui a pu lui être reproché, il parle de l’importance de la foi tout comme Paul, ainsi que de l’élection (Rm 8.30) et de la loi. Son approche du Jugement fait clairement référence aux mots de Jésus, ainsi que l’amour du prochain comme d’une loi royale (Mt 22.39-40). Son enseignement sur les enseignants jugés sévèrement (He 13.17), et sur ceux qui sont malades et guéris rappelle comme nous l’avons vu celui de l’épître aux Hébreux.

 

Pour Pierre, son exhortation à bénir nos ennemis, à la vigilance nous rappellent fortement les paroles de Jésus dans les évangiles (Mt 5.44-45, 25.13). Son enseignement sur l’éternité joyeuse sans péché résonne comme celui de l’Apocalypse (Ap 21.4). Ses enseignements sur l’héritage, sur le jugement des vivants et des morts sont identiques à ceux de Paul. Tout comme sa mention du fait que nous soyons résidents étrangers et temporaires comme le fait l’épître aux Hébreux en parlant d’Abraham (He 11.13). Et comme Jacques, il se situe volontiers dans la continuité des prophètes de l’Ancien Testament en parlant des chrétiens comme d’un peuple élu, une nation sainte (Ex 19.6 ; Es 43.20-21)

Jean lui nous parle de notre union à Christ (Jn 17), de la venue de l’Antichrist (Mt 24.24 ; 2Th 2.3-4), de la résurrection corporelle (1Co 15.42 ; 1Th 4.16), de l’amour et du témoignage tout comme le faisaient Jésus lui-même et l’apôtre Paul.

Enfin Jude utilise comme un symbole du Jugement l’Exode tout comme Paul (1Co 10.1-12), et la destruction de Sodome et Gomorrhe tout comme Jésus. De plus, il mentionne que nous paraîtrons irréprochables devant la gloire de Dieu comme le faisait Paul (Ep 1.4). L’enchaînement des anges peut-il nous donner une clé herméneutique pour comprendre le millenium (Ap 20.1-3) ?

Mais malgré cet accord, nous pouvons relever quelques traits eschatologiques spécifiques dans ces petites épîtres, comme par exemple l’enseignement éthique de Jacques assez poussé et concret, la description apocalyptique de Pierre sur la Nouvelle Création, l’union mystique du croyant avec le Christ de Jean, ou encore l’angélologie de Jude. Quoi qu’il en soit, nous pouvons constater que contrairement à ceux qui affirment que ces épîtres ont généralement une théologie basse ou peu développée, cette petite étude tend à montrer le contraire !

 

 

Implications actuelles

Suite à cette synthèse de notre exégèse des textes bibliques concernés, que pouvons-nous retirer pour nous aujourd’hui dans le cadre de nos églises et de notre vie chrétienne personnelle. Il semble que nous pouvions faire ressortir quatre points principaux de cette étude pour les disciples du XXIème siècle.

 

Persévérance

Commençons par un des thèmes qui revient le plus souvent chez les quatre auteurs observés, celui de la persévérance. La vie chrétienne n’est pas quelque chose de facile, que ce soit dans notre culture occidentale déchristianisée et sécularisée ou que ce soit dans des pays comme la Syrie ou la Corée du Nord où le fait même de croire en Jésus entraîne des persécutions physiques et des mises à mort. Christ avait prévenu ses disciples : s’ils ont persécutés le maître, ils persécuteront aussi les disciples (Jn 15.18-20, 16.1-3). Tout véritable disciple est appelé à porter sa croix (Mt 16.24). Quelle part prenons-nous aux souffrances de l’annonce de l’Evangile (2Tm 4.5) ? Malgré leur brièveté et leur ton souvent très direct, les épîtres catholiques nous encouragent unanimement à persévérer dans la foi et dans le service. Le temps peu parfois nous sembler long quand nous sommes dans la souffrance, la maladie, la tentation, le deuil. Mais tous nous le disent : nous sommes dans les derniers temps, le Retour du Christ est proche, et le Juge se tient à la porte.

Nos souffrances actuelles ne sont rien comparées à la gloire que nous recevrons au Jour du Retour de Jésus, et qu’en réalité nous possédons déjà. Et ce n’est pas par nos propres forces que nous sommes appelés à persévérer, car faible comme l’aie notre chair nous en serions bien incapable. Mais Dieu nous donne son Saint-Esprit qui nous fait naître de nouveau, nous équipe, et nous garde dans sa Providence jusqu’au moment voulu par Dieu. Il ne tarde pas dans sa promesse, mais ces temps d’épreuves sont voulus comme une grâce. C’est donc avec joie que nous devrions les accueillir, sans pour autant renier la réalité de la souffrance. Dieu nous ayant créé avec des émotions, analogiquement à lui-même. Nous devons donc et nous pouvons donc persévérer. Non par désir du martyr, mais par amour pour Dieu qui a lui-même persévéré en son Fils, jusqu’à la mort sur la croix. Nous laissant ainsi un modèle à imiter.

Jugement

Si nous persévérons c’est aussi parce que nous savons que le dernier Jour sera également celui du Jugement. Celui des œuvres des chrétiens. Pierre nous le rappelle, notre Jugement a déjà commencé au travers des épreuves actuelles. Mais également Jugement des non-chrétiens, des anges, et des démons. Et ce Jour sera un jour terrible. La condamnation sera éternelle. Nous rappeler cette réalité devrait nous motiver d’autant plus en tant que disciples entrés dans la mission de Dieu à redoubler de zèle dans notre annonce de l’Evangile afin que ceux qui ne connaissent pas encore le Christ puissent accepter son sacrifice et recevoir non la colère éternelle, mais la vie éternelle.

Et si les gens que nous rencontrons régulièrement ne nous préoccupent pas plus que cela, alors posons-nous ces deux questions : Si je ne les aime pas ai-je bien reçu l’amour de Dieu comme nous le faisait remarquer Jean ? Et est-ce que je réalise bien ce qui attend mes parents, mon conjoint, et mes amis non-chrétiens ? Si l’amour du prochain ne me motive pas, peut-être que cet amour particulier devrait me pousser à me mettre en action. Nous l’avons vu à de nombreuses reprises, ce Jour est proche et l’annonce de l’Evangile est urgente. N’oublions pas qu’avant que Dieu nous appelle à lui, nous étions comme ces non-croyants qui sont aussi à l’image de Dieu, et peut-être même pires qu’eux à vue humaine ! Que l’évangélisation soit individuelle ou communautaire, elle est nécessaire et pressante.

Sanctification

Si donc nos œuvres seront jugées et si l’Esprit nous a été donné. Si Dieu nous fait passer au travers de la fournaise de l’épreuve afin de purifier notre foi comme le bijoutier le fait avec l’or le plus précieux. Si tous les auteurs nous appellent à la pureté et à ne pas vivre comme le monde qui court à sa perte, alors nous devons travailler à notre sanctification. Pierre nous rappelait que ce n’est pas à une attente passive que nous sommes appelés, mais une attente active. Empreinte de bonnes œuvres découlant du Christ, de prière, et de confession des péchés. La sanctification est la preuve objective, un témoignage que nous avons été réellement sauvés par le sang du Christ et que nous sommes unis à lui. La sanctification est la manifestation visible de notre élection et de notre justification invisibles.

Elle est un moyen de grâce. Nous sommes donc appelés à collaborer avec le Saint-Esprit venu habiter dans nos cœurs afin que nos pensées et nos attitudes soient renouvelées. Que notre vie entière devienne une apologétique, et non une occasion de chute pour les autres. Les exhortations éthiques de Jacques, Pierre, Jean, et Jude sont nombreuses. Jamais empreintes de légalisme, mais toujours motivées par l’amour de Dieu et des frères et sœurs dans l’Eglise qui ont reçu le même Esprit que nous. Sanctification et communion sont donc indissociables, aussi bien dans sa dimension verticale qu’horizontale. Mais la sanctification est également une longue marche progressive dont nous ne verrons pas le bout sur cette terre. Et pour nous encourager, nos auteurs nous donnent l’assurance de notre glorification quand le Christ reviendra en gloire afin d’instaurer la Nouvelle Création. Et même plus, Christ nous précédant, nous sommes déjà glorifiés en espérance. Nous pouvons le voir par la foi, bien que nous le verrons par la vue seulement au moment de la résurrection corporelle.

Oeuvre trinitaire

Quel enseignement extraordinaire ces petites épîtres nous donnent à travers l’eschatologie. Et ce qui est encore plus grand et que chaque auteur fait ressortir d’une manière particulière, c’est que cette œuvre n’est pas juste celle du Père, du Fils, ou du Saint-Esprit. Mais elle est l’œuvre conjointe des trois simultanément. L’eschatologie est trinitaire. Quel Dieu grandiose et merveilleux nous avons. Si profond que nous ne pouvons qu’effleurer une partie des choses à cause de notre finitude. L’eschatologie des épîtres générales devrait par conséquent nous conduire à l’émerveillement et à l’adoration tout comme le fait si magnifiquement Jude à la fin de sa lettre. Plus qu’un sujet dogmatique stérile et intellectuel, l’eschatologie se transforme à la lecture de ces lettres en louange.

Conclusion

Finalement, nous avons pu voir tout au long de cette étude que les épîtres catholiques formaient bien un corpus à part entière, uni par des thèmes communs. Leur enseignement est en accord avec le reste de la Bible malgré le fait que certaines de ces lettres aient posé des problèmes au moment de la clôture du canon biblique. Mais elles fournissent également un enseignement sur les choses de la fin qui montre un accent particulier chez chaque auteur. Nous avons donc besoin de ce corpus dans nos Bibles afin d’avoir un éclairage plus approfondi sur ces choses.

Il est également important de rappeler que comparativement à leur petite taille, ces épîtres sont littéralement remplies d’eschatologie. Les mettre de côté serait donc une énorme erreur et se priver d’une grande part de l’enseignement apostolique en ce qui concerne cette doctrine. Voilà pourquoi ce choix particulier de ces épîtres nous a semblé pertinent.

D’autant plus que comme nous l’avons vu, elles ont de nombreuses choses à apprendre à l’Eglise d’aujourd’hui, afin que cette dernière puisse les mettre en pratique. Que ce soit d’un point individuel ou d’un point de vue communautaire.

A travers ce parcours nous avons donc pu remarquer que les épîtres générales nous conduisent d’un enseignement théologique à la mise en application concrète, et pour finir à l’adoration et à la louange. Elles ont été écrites pour notre édification et pour la gloire de Dieu.

Mais ces épîtres nous poussent également à nous poser une autre question. Nous avons relevé à plusieurs reprises que ces écrivains se situaient dans la continuité des prophètes de l’Ancien Testament. De plus, malgré les thèmes variés que nous avons abordés, nous pouvons voir qu’ils pourraient finalement se regrouper sous deux grands thèmes qui sont le Salut et le Jugement. Or, ces deux thèmes généraux sont les deux grands thèmes qui s’entrecroisent dans tous les livres prophétiques. Ils sont comme une clé de lecture pour comprendre aussi bien les grands que les petits prophètes. Dans ce cas, jusqu’à quel point les écrivains apostoliques se sont-ils appuyés sur l’eschatologie prophétique vétérotestamentaire pour élaborer leur propre doctrine eschatologique à la lumière de la croix ?

 

 

 

 

 

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Renaud Genevois est pasteur à l’Église Perspectives de Colmar. Avant cela, il a été enseignant dans des écoles chrétiennes durant plusieurs années. Il a étudié à l’Institut Biblique de Genève et à l’Institut Supérieur Protestant à Guebwiller. Il prépare actuellement un master de théologie à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. Renaud est allé plusieurs fois en Afrique enseigner dans un institut biblique et former des enseignants chrétiens. Il écrit régulièrement pour le Bon Combat.