Le Baptême en Questions – #6 Le baptême et la circoncision

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Question :
Y a t-il un lien entre la circoncision et le baptême ?

 

 

Position pédobaptiste (Alexandre Sarran)

 

La circoncision est un signe que Dieu a donné à Abraham pour lui attester l’alliance qu’il a conclue avec lui (Gn 17). D’après l’apôtre Paul, ce que Dieu a promis à Abraham dans le cadre de cette alliance, c’est “l’héritage du monde, par la justice de la foi“ (Rm 4.13).
Et ce qui a été promis à Abraham, c’est ce qui est donné encore aujourd’hui à tous ceux qui s’attachent à Jésus par la foi (Ga 3.29). La circoncision atteste donc, avant la venue de Jésus, une promesse qui perdure ensuite dans le Nouveau Testament.

L’apôtre Paul confirme cette idée lorsqu’il dit de la circoncision qu’elle a été donnée comme “sceau“ de la justice promise (Rm 4.11), un peu comme un coup de tampon apposé au bas d’un contrat, et qui en certifie les termes. Cette justice a été imputée à Abraham par le moyen de sa foi, et elle sera imputée à tous ceux qui, comme lui, croient.
Voilà ce qui est cérémoniellement attesté par la circoncision tout au long des pages de l’Ancien Testament.

Il se trouve que le signe de la circoncision (sceau de la justice que l’on obtenait par la foi, donc) n’était pas réservé aux adultes qui étaient aptes à professer la foi, mais qu’il était aussi appliqué aux bébés. Pourquoi ? Parce que ces enfants faisaient partie du peuple de Dieu, auquel appartenaient les promesses de Dieu (cf. Gn 17:7 ; Rm 9:4).
Leur circoncision pointait solennellement vers leur héritage.
Plutôt que de les dispenser de la foi, la circoncision les obligeait à la foi, en-dehors de laquelle ils devenaient apostats. Dieu les avait placés, souverainement, dans son peuple. Quelle chance et quelle responsabilité tout à la fois !

Puisque la circoncision pointait ainsi vers l’objet de la promesse faite au peuple de Dieu, on découvre sans surprise que le langage de la circoncision est employé dans l’Ancien Testament pour décrire diverses réalités spirituelles, constitutives ou non du salut offert à ceux qui ont la vraie foi (par ex. Lv 26.40-41 ; Dt 30.6 ; Jr 4.4).
En l’occurrence, l’expression bien connue de “la circoncision du cœur“ fait un lien entre le signe extérieur de la promesse, et la substance-même de la promesse, œuvre spirituelle que Dieu opère dans le cœur des croyants.

Or, lorsque le Nouveau Testament parle du baptême, on découvre que celui-ci pointe vers la même œuvre spirituelle de Dieu, qui consiste notamment à faire naître de nouveau les croyants (Rm 6.4), à susciter en eux la repentance (1 Pi 3.21), et à leur pardonner leurs péchés (Ac 2.38). Autrement dit, la circoncision et le baptême sont deux signes différents d’une seule et même réalité, deux rites différents qui pointent vers la même promesse.

S’adressant à des croyants d’origine non-juive à qui certains faux docteurs cherchent à imposer la circoncision, l’apôtre Paul affirme qu’ils n’ont pas besoin d’être circoncis puisque la vraie signification de la circoncision est déjà présente dans leur baptême (Col 2.11-12).
Cet enseignement de Paul, entre autres, permet d’établir que le baptême a remplacé la circoncision comme signe et sceau de la justice que Dieu a promis d’imputer aux croyants.

Et si le signe de cette promesse était autrefois destiné à tous les membres du peuple visible de Dieu, qu’est-ce qui justifie d’en priver aujourd’hui les enfants ?

 

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Position crédobaptiste (Guillaume Bourin)

 

Les pédobaptistes justifient généralement leur pratique en imaginant une unité entre le baptême et la circoncision.
Voici comment l’exprime Jean Calvin : “Avant l’institution du baptême, le peuple de Dieu avait, à sa place, la circoncision qui a été pratiquée sous l’Ancien-Testament.(1)

En genèse 17, Abraham reçoit le signe de la circoncision, que Dieu lui demande d’appliquer également à tout mâle de plus de 8 jours “qu’il soit né dans la maison, ou qu’il soit acquis à prix d’argent de tout fils d’étranger.“ (17:10)

Les pédobaptistes,  considérant que dans le Nouveau Testament le baptême remplace la circoncision, déduisent sur cette base que les enfants des croyants doivent également être baptisés.

Cette présupposition s’appuie sur deux raisonnements systématiques, issus de la Théologie de l’Alliance (2) :

  1. Il y aurait une continuité dans les différentes alliances entre Dieu et son peuple.
    Pour l’écrasante majorité des pédobaptistes, l’Ancienne et la Nouvelle Alliance sont une seule et même Alliance de Grâce, partageant une substance commune, mais différant quant à leurs administrations. (3)
  2. Il y aurait également une continuité dans le peuple de Dieu.
    L’église serait le prolongement d’Israël. Par conséquent, Israël et l’église seraient un seul et même peuple. (4)

L’ensemble des passages bibliques qu’ils invoquent pour défendre cette position (au premier rang desquels Colossiens 2:11-12 et et Romains 4:11) sont lus au moyen de ce schéma interprétatif. (5)

Autant le dire d’emblée, cette approche véhicule de nombreuses incohérences.
En voici quelques unes (6) :

– A la différence du baptême, la circoncision n’était pratiquée que sur des sujets mâles. Or, si le baptême remplace la circoncision, pourquoi les pédobaptistes en viennent-ils à baptiser des enfants filles, voire même des femmes en général ?

– En donnant la circoncision à Abraham, Dieu lui a demandé de circoncire également l’ensemble de ses serviteurs, sans qu’il ne soit exigé de condition de foi de leur part (cf. Genèse 17:12, 13, 37). Que faire, donc, aujourd’hui ? Si un chef d’entreprise se tourne vers Christ, devra t-il baptiser l’ensemble de ses employés, même si ces derniers ne croient pas ?

– L’objet du concile de Jérusalem (Actes 15),  était précisément de régler la question de la circoncision des croyants d’arrière plan païen. Or, pas une seule fois l’argument du baptême remplaçant la circoncision n’est avancé, alors que ç’aurait été le moment le plus propice pour le faire.

Mais le principal problème de la position pédobaptiste est herméneutique : elle accorde aux passages de l’Ancien Testament relatifs à la circoncision une autorité interprétative sur les passages du Nouveau Testament relatifs au baptême.

Autrement dit, les pédobaptistes pratiquent le pédobaptême sur la base d’une alliance dans laquelle le baptême n’existe même pas
Et tout cela en ayant pour fondement une série de raisonnements systématiques !

L’une des règles herméneutiques fondamentales des églises issues de la Réforme consiste à laisser l’Ecriture s’interpréter premièrement par elle-même. (7)
Les pédobaptistes transgressent cette règle en laissant des concepts théologiques pré-établis décider de la nature de l’analogie entre le baptême et la circoncision.

 

Mais dans ce cas, que penser du lien entre la circoncision et le baptême ?

Le Nouveau Testament enseigne clairement que, dans la Nouvelle Alliance, la circoncision de la chair est remplacée par la circoncision intérieure du cœur, c’est à dire la régénération (Romains 2:25-29 ; Colossiens 2:11).

Dès lors, nous voyons le véritable lien analogique qui existe entre la circoncision et le baptême : tous deux pointent vers l’œuvre divine de la régénération.
La circoncision l’anticipe typologiquement, tandis que le baptême la suit une fois qu’elle a été reçue et exprimée extérieurement par la foi.

Il y a donc bien un lien entre la foi et le baptême, mais celui-ci ne justifie certainement pas la pratique pédobaptiste.

 

Notes et références :

(1) Calvin, Institution Chrétienne, IV.16.3. 
Un peu plus loin, Calvin précise : “Tout ce qui caractérise la circoncision se trouve dans le baptême, à l'exception de la cérémonie extérieure et visible.“ (Institution, IV.16.4) -GB (retour)
(2) La Théologie de l’Alliance est un système interprétatif formalisé par les théologiens de la Réforme, et dont le but est de présenter une approche herméneutique de l’ensemble de la révélation biblique. Une série est consacrée à cette approche sur Le Bon Combat. -GB (retour)
(3) Pour les pédobaptistes, l'Ancienne et la Nouvelle Alliance sont deux administrations externes d'une même alliance : l'Alliance de Grâce, celle que Dieu a fait avec son peuple dès après la chute. Cela implique que les membres Nouvelle Alliance (les chrétiens) bénéficient de privilèges similaires aux membres de l'Ancienne Alliance (Israël). Seule l'administration externe de l'alliance (et donc en particulier les signes qui accompagnent l'Alliance, baptême et circoncision) diffère entre l'Ancienne et la Nouvelle
 Cette position a été exposée très en détail par le théologien hollandais Herman Witsius (1636-1708) dans son “De oeconomia foderum Dei cum hominibus“ (L'économie des alliances entre Dieu et l'homme). Une traduction en vieil anglais est consultable ici.
 Notons cependant qu'il existe également, au sein des théologiens pédobaptistes, une position affirmant une discontinuité entre l'Ancienne et la Nouvelle Alliance. Bien que minoritaire, cette approche compte de prestigieux défenseurs. Ainsi, John Owen (1613-1683), surnommé le “prince des Puritains“, en donne une description détaillée en commentant Hébreux 8:6-13.
 Parmi les théologiens pédobaptistes modernes, Meredith Kline et dans son sillage Michael Horton ont défendu une certaine discontinuité, arguant que l'Alliance Mosaïque était une alliance des oeuvres. Pour aller plus loin, voir ce site consacré à Meredith G. Kline et voir Horton, M., “Introducing Covenant Theology“, Baker Books, 2006. -GB (retour)
(4) Les églises traditionnelles (Catholiques et Orthodoxes) ont historiquement défendu le pédobaptisme sans jamais adhérer à la Théologie de l'Alliance des Réformés, mais en souscrivant plutôt à une forme de Théologie de la Substitution (qu'on appelle parfois Théologie du Remplacement ou “supersessionisme“). Selon cette approche, l'église remplacerait Israël dans le plan de Dieu. -GB (retour)
(5) L'interprétation de ces passages (et des autres généralement invoqués dans pareil débat) nécessiteront des discussions dédiées. Je ne m'y arrêterai donc pas dans cet article. -GB (retour)
(6) Les limites auxquelles nous nous sommes astreints pour cette série d'articles ne me permettent pas de developer davantage sur les différents problèmes posés par cette approche pédobaptiste. Celle-ci soulève en effet plus de problèmes qu'elle ne donne de réponse, et ce d'une manière exponentielle (j'aurais pu en citer plusieurs dizaines...).
 Pour aller plus loin, voir Schreiner, T.R. & Wright S.D., “Believers Baptism“, B&H Publishing Group, 2006. Egalement : Johnson, J.D., “The Fatal Flaw“, Free Grace Press 2010, et Malone, F.A., “The Baptism of Disciples Alone“, Founders Press, 2003. -GB (retour)
(7) Voir Confession de Foi de Westminster, 1:8-9 et Confession de Londres de 1689, 1:9-10. -GB (retour)

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